Artaud l'homme-théâtre
"Si je suis poète ou acteur, ce n’est pas pour écrire ou déclamer des poésies, mais pour les
vivre. Lorsque je récite un poème, ce n’est pas pour être applaudi mais pour sentir des corps
d’hommes ou de femmes, je dis des corps trembler et virer à l’unisson du mien, virer comme
on vire, de l’obtuse contemplation du bouddha assis, cuisses installées et sexe gratuit,
à l’âme, c’est-à-dire à la matérialisation corporelle et réelle d’un être intégral de poésie."
« Le spectateur qui vient chez nous
saura qu’il vient s’offrir à une opération véritable
où non seulement son esprit, mais ses sens
et sa chair sont en jeu. [...] Il doit être bien
persuadé que nous sommes capables de le faire
crier. »
. Artaud est à la recherche d’un nouveau langage
théâtral depuis longtemps, un théâtre dont le langage « pur » serait
la mise en scène. C’est-à-dire de déterminer quel est le langage spécifique du
théâtre. Ce théâtre pur, il le rencontre lorsqu’il assiste à un spectacle de
théâtre Balinais[1].
Il fut très impressionné par ce théâtre où les gestes deviennent des mots dans
une précision mathématique et rythmée. Dans ce théâtre, tout est orchestré,
chaque mouvement, chaque battement de cil semble prévu et essentiel à la
représentation. Chaque élément (le jeu, les costumes, le son, les gestes, etc.)
prend par à l’action ; ils jouent et signifient. Il pu, lors de cette
représentation, voir ce spectacle total qu’il recherchait.
Le
théâtre Balinais proposait une vision sacrée non religieuses que l’occident semblait
avoir repoussé depuis un moment. Cette approche plus sacrée fut vue par Artaud
comme un moyen de se rapprocher des origines du théâtre. Cet appel à la
spiritualité était en quelque sorte la réponse au questionnement sur la
métaphysique qu’il se posait depuis ses débuts dans le théâtre[2].Pour Artaud,
l’utilisation du mythe et du rite correspond à la présence et la confrontation
des forces cosmiques qui ne s’associe pas à un théâtre mythique. Son théâtre
appel au dépassement provoqué par les forces cosmiques.
[1]
Lors de l’exposition coloniale de 1931.
[2]
Dès 1925 dans des articles tels Position
de la chair et Fragment d’un journal
d’enfer.
Artaud et le théâtre de la cruauté:
Théâtre de
la cruauté
Suite au contact du théâtre
Balinais, Artaud a vu ce à quoi il aspirait et il est en moyen de créer le théâtre
de la cruauté. Son théâtre eut des débuts difficiles car il semblait impossible
à
réaliser et il fut complexe pour Artaud de
trouver du financement et des collaborateurs même si les écrits qu’il publiait en
intriguaient et intéressaient plusieurs.
Le
théâtre devait maintenant passer par un système nerveux et musculaire afin de
réunir le geste et la pensée sur la scène. Il se sert de ce qu’il a vu dans le
théâtre oriental ; des corps orchestrés, poussés au maximum afin de montrer que
le corps est toujours inachevé. Ce théâtre était fondé sur l’idée de ramener
l’homme vers la source de ses conflits, le théâtre avait donc un fond
psychologique[1].
Il tentait de provoquer une crise de l’âme et un désir de renouer avec le
catharisme en utilisant le mythe.
Dans l’idée d’un spectacle total, la place du
texte devait diminuer et, en disparaissant, l’auteur disparaissait permettant
au metteur en scène de devenir créateur. Le texte, pour Artaud, est le langage
spécifique de la littérature et le théâtre, étant une autre forme d’art, se
devait de posséder son propre langage, un langage spécifique à ses nécessités
et se messages. Artaud n’excluait pas la parole mais elle représentait pour lui
une réalité distincte dont il voulait s’éloigner. La destination de la
« parole »
est changée. Dans cette optique, il fait
une place à une forme de poésie gutturale et sonore, où l’on s’exprime par des
sons et des bruits qui, avec leurs mélodies et intonations, transportent un
message sans mot. Artaud retire au texte son pouvoir narratif et
explicatif.
Dans
le texte Le théâtre et la peste[2],
Artaud compare le théâtre à une infection, la peste, afin d’aborder l’idée que
lorsque l’homme est au bord du gouffre sa vrai nature se dévoile. Lors d’une
peste, l’instinct primaire ressort et l’enchainement à la morale publique n’est
plus. L’homme est révélé sous « sa plus simple expression ». Artaud
formule sa comparaison ainsi : « L'état
du pestiféré qui meurt sans destruction de matière, avec en lui tous les
stigmates d'un mal absolu et presque abstrait, est identique à l'état de
l'acteur que ses sentiments sondent intégralement et bouleversent sans profit
pour la réalité. Tout dans l'état physique de l'acteur comme
dans celui du pestiféré, montre que la vie a réagi au paroxysme, et pourtant,
il ne s'est rien passé.[3] »
Cet extrait témoigne de la vie intérieure de l’acteur lors de ses jeux de
tensions avec les forces cosmiques lorsque l’homme est ramené vers ses sources. Ce
parallèle cherchait à redonner sa dimension sacrée au théâtre et à transporter
les spectateurs vers un état second. Artaud
s’est intéressé à la distance entre le spectateur et le spectacle. Il voulait
éviter que la distance crée une forme de pitié (donc de supériorité) qui ne
permettait pas au spectateur de s’immerger dans la représentation et d’aller
vers cet état second.
[1]
Artaud ne souhaitait pas être associé à la psychologie, s’est pourquoi il s’est
tourné vers la métaphasique et le théâtre oriental.
[2] Le
théâtre et la peste, prononcé lors d’une conférence le 6 avril 1933 à la Sorbonne, au groupe
d’Études Philosophique et Scientifiques pour l’examen des tendances nouvelles.
[3] Le
théâtre et la peste, p.35
Artaud avait plusieurs propositions pour le
théâtre ; il voulait sortir des salles classiques pour jouer n’importe où,
éliminer complètement la scène afin que les spectateurs puissent observer le
spectacle se déroulant tout autour d’eux[1], il
proposait d’utilise de grandes marionnettes surdimensionné qu’il avait vu dans
le théâtre oriental et dans le travail de Jarry afin de créer de fortes impressions
sur le spectateur, le tout sur une scène exempte de décors où le jeux d’acteur
se traduit par une gestuelle mathématique et une voix sans parole.
Le
théâtre de la cruauté fut basé sur de multiples influences; le théâtre d’Alfred
Jarry et Balinais, la littérature Élisabéthaine, l’œuvre de Lucas Van den Leyden, etc. ces éléments
furent tous partie intégrante de l’œuvre d’Artaud car ils répondaient ou
plutôt, s’harmonisaient avec le questionnement d’Artaud sur le fondement du
théâtre et sur son langage propre. Elles ont servis d’assises à ses recherches,
propulsant ses idées métaphysiques sur scène.
par Evelyne Lalancette