Avec un texte, on peut aussi avoir un rapport d’amitié qui peut se prolonger toute une vie. « J’ai l’impression qu’un livre comme A la recherche du temps perdu est une œuvre qu’on reprend en sachant qu’on en a oublié des morceaux. » Sa lecture du chef-d’œuvre de Proust, Joël Pommerat l’a interrompue des dizaines de fois, reprise souvent, il est allé aux cinquante dernières pages sans avoir nécessairement lu les cinquante précédentes. « Ce n’est pas très grave finalement quand on tombe amoureux de cette atmosphère-là. Pour un tel livre, on se doute qu’un nouveau rendez-vous va avoir lieu. C’est un livre qui peut nous fasciner tout en ayant l’impression qu’il est étranger à nous. »
Joël Pommerat Corinne Amar © Radio France
Mais le livre peut aussi être quelque chose de dangereux, capable de nous rendre extrêmement fragiles. Joël Pommerat cite un livre qui l’a empêché de dormir pendant plusieurs jours : Les Récits de la Kolyma de Chalamov. « J’avais des vertiges sans explications, tels que je n’arrivais pas à me lever. » Autre livre marquant pour le metteur en scène : La Route de Cormac McCarthy. « Ce livre est terrifiant bien que fictionnel car il n’y a quasiment pas d’humanité explicite dans les 300 pages de ce livre. C’est un livre qui m’a fait pleurer à voix haute, c’est un livre précieux pour moi qui convoque des émotions liées à une compréhension de ce qu’est l’humanité. »
Dans son propre travail, Joël Pommerat travaille aussi à partir d’histoires qui se sont transmises à travers les siècles : les contes. « C’est une trame qui s’est transmise de conteur à conteur, d’individu à individu. Dans mon rapport à ces histoires, j’ai commencé à les réécrire avant de les relire. Je veux les retransmettre sans le souci de fidélité. » Perrault et Grimm, explique le dramaturge, n’ont fait que fixer des récits qui circulaient bien avant qu’ils ne soient mis sur une page. Il ne les a donc pas beaucoup relus pour créer ses spectacles. « Ces histoires sont d’avantage mues par le désir de faire sortir quelque chose qui habite à l’intérieur, qui produit de l’imaginaire et du plaisir, mais qui peut aussi être encombrant. On transmet ces contes pour s’en débarrasser un peu, pour faire le vide en soi… » L'émission
Un sujet d'approfondissement pourrait être le journal de la ddécouverte des oeuvres qu'aime Joel Pommerat et de voir comment elle nourrit son oeuvre.