mercredi 6 janvier 2016

Joel Pommerat et la relecture sur France Culture

Depuis petit, Joël Pommerat aime lire. Il parvenait parfois à convaincre sa mère qu’il souffrait d’un léger rhume pour pouvoir rester à la maison et lire. « Je pensais que lire pouvait apporter autant de profit qu’une journée de classe. » Que veut dire relire ? « Ça a plein de significations possibles pour moi. » Par exemple, explique le metteur en scène, cela peut être reprendre les livres qui nous ont marqués un jour et se rendre compte qu’on est quasiment face à un nouveau livre, « qu’on est en face de nouvelles émotions, de nouvelles significations. L’acte de lecture est un acte de création, associé à l’acte de création de l’écrivain. » 

Avec un texte, on peut aussi avoir un rapport d’amitié qui peut se prolonger toute une vie. « J’ai l’impression qu’un livre comme A la recherche du temps perdu est une œuvre qu’on reprend en sachant qu’on en a oublié des morceaux. » Sa lecture du chef-d’œuvre de Proust, Joël Pommerat l’a interrompue des dizaines de fois, reprise souvent, il est allé aux cinquante dernières pages sans avoir nécessairement lu les cinquante précédentes. « Ce n’est pas très grave finalement quand on tombe amoureux de cette atmosphère-là. Pour un tel livre, on se doute qu’un nouveau rendez-vous va avoir lieu. C’est un livre qui peut nous fasciner tout en ayant l’impression qu’il est étranger à nous. »


Joël Pommerat Corinne Amar © Radio France
La plupart du temps, Joël Pommerat tombe sur les livres au hasard. « Très souvent, je me suis retrouvé face à des livres qui n’étaient pas les miens, des auteurs que je n’aurais sans doute pas rencontrés autrement. » Mais il n’entretient pas de rapport très fort avec l’objet-livre. « Mon rapport au livre n’est pas matériel, je n’ai pas de bibliothèque, je n’ai pas de rapport amoureux ou fétichiste au livre. »

Mais le livre peut aussi être quelque chose de dangereux, capable de nous rendre extrêmement fragiles. Joël Pommerat cite un livre qui l’a empêché de dormir pendant plusieurs jours : Les Récits de la Kolyma de Chalamov. « J’avais des vertiges sans explications, tels que je n’arrivais pas à me lever. » Autre livre marquant pour le metteur en scène : La Route de Cormac McCarthy. « Ce livre est terrifiant bien que fictionnel car il n’y a quasiment pas d’humanité explicite dans les 300 pages de ce livre. C’est un livre qui m’a fait pleurer à voix haute, c’est un livre précieux pour moi qui convoque des émotions liées à une compréhension de ce qu’est l’humanité. »

Dans son propre travail, Joël Pommerat travaille aussi à partir d’histoires qui se sont transmises à travers les siècles : les contes. « C’est une trame qui s’est transmise de conteur à conteur, d’individu à individu. Dans mon rapport à ces histoires, j’ai commencé à les réécrire avant de les relire. Je veux les retransmettre sans le souci de fidélité. » Perrault et Grimm, explique le dramaturge, n’ont fait que fixer des récits qui circulaient bien avant qu’ils ne soient mis sur une page. Il ne les a donc pas beaucoup relus pour créer ses spectacles. « Ces histoires sont d’avantage mues par le désir de faire sortir quelque chose qui habite à l’intérieur, qui produit de l’imaginaire et du plaisir, mais qui peut aussi être encombrant. On transmet ces contes pour s’en débarrasser un peu, pour faire le vide en soi… » L'émission

Un sujet d'approfondissement pourrait être le journal de la ddécouverte des oeuvres qu'aime Joel Pommerat et de voir comment elle nourrit son oeuvre.