Par dessus bord » et mai 68
“Roger Planchon avait créé Par dessus bord en
mars 1973. Trente-cinq ans après, on referme avec la même œuvre. Ça me
semblait important car le soir de la dernière, ce sera le dernier salut
au plateau du TNP tel que vous l'avez connu depuis 1972. Ensuite, le
théâtre sera en travaux et débutera une période hors les murs ; on sera
tous “par dessus bord” annonçait Christian Schiaretti en présentant
sa dernière mise en scène pour cette pièce qui clôt un cycle et réunit
trente six acteurs dont beaucoup ont eu des liens étroits avec le TNP,
ou avec Chaillot sous Vitez.
La pièce avait été montée par Planchon dans une version courte. Schiaretti s’attaque à l’intégrale soit six heures d’un spectacle qui propose à travers l’évolution d’une petite entreprise de papier toilette, le tableau d’un monde en train de basculer. Le moment est choisi, cette épopée du capitalisme, cette geste de la marchandisation de la société fut écrite par Michel Vinanver, PDG lui-même de Gilette-France, entre 1967 et 1969 ; elle est donnée aujourd’hui quarante ans plus tard, en pleine fièvre commémorative de mai 68.
"Vous finirez tous par crever du confort"
"Consommez plus, vous vivrez moins"
"À bas la société de consommation"
"À bas la société spectaculaire-marchande"
criaient les murs de mai.
Pourtant les valeurs changaient, une nouvelle société surgissait, celle-là précisément qui était combattue à coups de pavés par les étudiants dans la rue, avec son idéal de bien-être et de profit, ses stratégies de pouvoir, ses méthodes de marketing, sa foi naïve dans le progrès, son rêve enchanté de bonheur par la consommation.
Et si l'on s’amuse à voir les locaux vieillots se transformer en bureaux pop dans le pur style 70, le patron s'extraire d'un fauteuil en sky blanc ovoïde et les jeunes loups carnassiers s’habiller de petits costumes de velours brun bien étriqués, on est saisi de voir naître à ce moment précis, sur les illusions libertaires, le monde qui sera le nôtre, libéral et capitaliste, avec en germe tous ses effets pervers. On peut imaginer dit Schiaretti, planant au dessus de Par dessus bord, les avions du 11 septembre attendant leur cible. On imagine. En admirant la puissance, la précision et la maîtrise avec lesquelles il a su traduire l'œuvre de Vinaver, brillant metteur en scène lui-même de l'univers contemporain.
Et en rappel du rassemblement qui déboucha en 68 dans les mêmes lieux sur la Déclaration de Villeurbanne, trois jours de rencontres et de débats sont programmés les 22, 23 et 24 mai, à la veille de la phase de rénovation et de refondation artistique annoncées. Pour interroger la situation actuelle du théâtre public avec cette question : “40 ans après qu’en est -il ?"
(photos Christian Ganet)
sources: http://chosesvues.blog.lemonde.fr/category/carnets-de-theatre/
La pièce avait été montée par Planchon dans une version courte. Schiaretti s’attaque à l’intégrale soit six heures d’un spectacle qui propose à travers l’évolution d’une petite entreprise de papier toilette, le tableau d’un monde en train de basculer. Le moment est choisi, cette épopée du capitalisme, cette geste de la marchandisation de la société fut écrite par Michel Vinanver, PDG lui-même de Gilette-France, entre 1967 et 1969 ; elle est donnée aujourd’hui quarante ans plus tard, en pleine fièvre commémorative de mai 68.
"Vous finirez tous par crever du confort"
"Consommez plus, vous vivrez moins"
"À bas la société de consommation"
"À bas la société spectaculaire-marchande"
criaient les murs de mai.
Pourtant les valeurs changaient, une nouvelle société surgissait, celle-là précisément qui était combattue à coups de pavés par les étudiants dans la rue, avec son idéal de bien-être et de profit, ses stratégies de pouvoir, ses méthodes de marketing, sa foi naïve dans le progrès, son rêve enchanté de bonheur par la consommation.
Et si l'on s’amuse à voir les locaux vieillots se transformer en bureaux pop dans le pur style 70, le patron s'extraire d'un fauteuil en sky blanc ovoïde et les jeunes loups carnassiers s’habiller de petits costumes de velours brun bien étriqués, on est saisi de voir naître à ce moment précis, sur les illusions libertaires, le monde qui sera le nôtre, libéral et capitaliste, avec en germe tous ses effets pervers. On peut imaginer dit Schiaretti, planant au dessus de Par dessus bord, les avions du 11 septembre attendant leur cible. On imagine. En admirant la puissance, la précision et la maîtrise avec lesquelles il a su traduire l'œuvre de Vinaver, brillant metteur en scène lui-même de l'univers contemporain.
Et en rappel du rassemblement qui déboucha en 68 dans les mêmes lieux sur la Déclaration de Villeurbanne, trois jours de rencontres et de débats sont programmés les 22, 23 et 24 mai, à la veille de la phase de rénovation et de refondation artistique annoncées. Pour interroger la situation actuelle du théâtre public avec cette question : “40 ans après qu’en est -il ?"
(photos Christian Ganet)
sources: http://chosesvues.blog.lemonde.fr/category/carnets-de-theatre/