Avec Joel Pommerat , un monde complexe de Marion Boudier
Notes
Thèse : « trouble :
lié au « désir du neutre » (Roland Barthes : tentative d’effacement
de l’auteur et de suspension du jugement au profit d’une expérience théâtrale
dont le sens incombe in fine au spectateur. P12
Une démarche qui fait
œuvre
Citation de Pommerat : Jusqu’à
quel point le travail ? Jusqu’à la fin.
« auteur-metteur en scène » : refus de la
division traditionnelle auteur/metteur en scène.
Complexité du théâtre où fusionnent réel du plateau, réalité
référentielle représentée et réalité fictionnée.
Pensée du monde de la
concomitance complexe : alliance paradoxale des contraires, nuances, entre
deux, plutôt que pôles binaires. Les deux à la fois, l’un l’autre.
Pommerat : D’abord
acteur, mais expérience de l’absence de cloisonnement entre les différents
métiers du théâtre, n’aime pas la dépendance induite par le métier d’acteur,
aliénation au regard de l’autre, manque d’autonomie. Commence à écrire à 23 ans.
pas forcément pour le théâtre . ( Un de ses derniers rôles dans un
docufiction : Marcel Proust.) années 8O : petits boulots, études de
philo. Ecrire pour pouvoir penser.
Théâtre : espace d’expérimentation de la pensée, une « pratique
concrète de la philosophie », « un lieu possible d’interrogation et d’expérience
de l’humain. » lié à une quête de connaissance.
En création : absence de préméditation du rendu final,
texte qui s’écrit au fur et à mesure des répétitions mais date butoir de la
première fixée. La parole n’est pas tout, communication qui peut se passer du
langage, mais indispensable la présence : être là. Présence d’un corps
avant même toute parole= avènement du théâtre.
+palimpseste : le théâtre ne part jamais de rien,
écrire c’est toujours d’une certaine façon recopier. Réinventer d’autres textes
ou une réalité humaine. Donner vie à une image mentale très forte mais ouverte
au spectateur, stimuler sa perception et son imagination.
Premières oeuvres : dramaturgie énigmatiques avec des
personnages aux identités multiples, des jeux sur la chronologie, brouillage,
flou, esthétique épurée, comédiens face public, gestes empêchés ou ralentis,
voix non projetées, costumes peu colorés, travail sur les différentes
dimensions de l’espace.
Deuxième période : Les marchands, je tremble 2006-2008 :
plus foisonnants, plus d’effets
2010 bascule de Cercles/fictions
Puis plus de recherches sur la fable et le texte, nouveau
tournant en 2015 avec ça ira. Constante
réinvention .
Ecrire avec la scène
Nom de la compagnie
Louis Brouillard : clin d’œil à Louis Lumière, inventeur du cinéma :
Louis Brouillard : mettre au point sa propre machine théâtrale. Metteur en
scène de ses propres textes , il les écrit pendant qu’il les met en scène.
Texte= élément parmi d’autres, ne préexiste pas, n’est pas non plus second, pas
de hiérarchi;
« Je considère au théâtre qu’avant les mots, il ya du
silence, il ya du vide et il ya des corps. C’est pour cela que je considère
tous les éléments concrets sur la scène ( la parole fait partie de ces éléments
concrets) comme les mots du poème théâtral. » in Théâtre en Présence.
Travail quotidien, discussion de tous les éléments avec tous
les participants et collaborateurs. Pommerat utilise le terme « organique »
pour parler de cette façon de procéder.
Nécessite un important travail de préparation en amont des
répétitions : on ne part pas de rien, chaque collaborateur prépare un matériau
pour engager la recherche sur le plateau. Au plateau s’élabore le travail de
sélection, d’invention et d’agencement de situations à partir d’une importante
matière préalable. : partir en exploration : « On remplit son
sac à dos de plein d’éléments dont on se dit qu’on va pouvoir les expérimenter,
les utiliser. »p23 Pas beaucoup de place au hasard ou aux accidents de
répétitions contrairement à d’autres écritures dites de plateau.
Eric Soyer conçoit avec Pommerat des propositions de
scénographie, réserve d’éléments de décor, d’éclairage, idem pour le son
François Leymarie ou pour les costumes ( Isabelle Deffin)
Acteurs participent à la recherche, bribes de textes, improvisations,
lectures guidées par Pommerat, surtout rester très ouvert, apprendre et
désapprendre le texte, pas le figer jusqu’ »aux premières représentations.
Pommerat organise le partage des connaissances et le vivre
ensemble d’une histoire, une histoire qu’il faut se raconter ensemble pour l’écrire
et la transmettre au public. Cheminement non maîtrisé du sens , intuition, s’accorder
du temps, pas savoir inné à mettre en œuvre.
Refus de la division auteur-metteur en scène aussi lié e au
contexte : comment se distinguer des grands metteurs en scène Vitez,
Planchon, ,Chéreau, des « collectifs » qui pratiquent la création
collective : Soleil, Aquarium, statut d’auteur de théâtre difficile. Histoire
de la mise en scène caractérisée par la progressive émancipation de la scène
par rapport au texte.
« Je n’écris pas des pièces, j’écris des spectacles (…)
Dire que l’on écrit un texte et faire de cet acte l’objet premier du théâtre, c’est
une perversité ; Il ya là quelque chose de fétichiste, de détourné. L’essence
du théâtre pour moi n’est pas dans cela. Le théâtre se voit, s’entend ; ça
bouge, ça fait du bruit. Le théâtre, c’est la représentation. »in Troubles
Rupture avec le « textocentrisme » ( Bernard Dort)Plus grande
conscience de tous les éléments du spectacle et de leur interaction .
Différent partir d’un texte préexistant ou recherche d’un résultat inconnu d’avance
par un processus de création : de la scène vers le texte.
Cf Artaud : « la scène est un lieu physique et
concret qui demande qu’on le remplisse et qu’on lui fasse parler son langage
concret (…) ce langage matériel et solide par lequel le théâtre peut se
différencier de la parole (…) et qui s’adresse d’abord aux sens au lieu de s’adresser
d’abord à l’esprit comme le langage de la parole.)
Pommerat cherche un art sensible, un art qui puisse
atteindre profondément le spectateur pour le déstabiliser et déplacer son
regard. Revendique la complexité, le trouble. Les émotions au-delà de la
compréhension logique de la parole.