samedi 13 février 2016

Notes sur Avec Joel Pommerat ( 2)



 Notes sur Avec Joel Pommerat ( 2)

Travail scénique de Pommerat à rapprocher de Bob Wilson : superpositions des univers visuels et sonores, utilisation de micros, tentative de rendre visibles des espaces mentaux, étalement du processus de création sur des mois, refus d’imposer un sens a priori mais ce n’est pas une vraie influence, Pommerat dit n’avoir pas vu de travaux de Wilson jusqu’à récemment.

Donc pièce résultat du travail scénique et non préalable : «  le texte c’est la trace que laisse le spectacle sur le papier. » cf Bruno Tackel : "le texte provient de la scène et non du livre"

Pommerat n’utilise pas l’expression « écrivain de plateau » : il parle plutôt « d’écriture avec la scène » ou d’écriture sur la scène. Aucune pièce écrite n’existe avant les répétitions, elle se forme selon une dynamique de frictions, confrontations et d’essai. Figures du recommencement, du cercle, de la spirale pour caractériser la démarche plus que ligne droite ; Mais pas résultat d’une écriture collective : Pommerat est auteur-metteure en scène qui écrit en collaboration avec et pour d’autres, c’est lui qui guide les recherches, les impulsent et décide de l’achèvement. Beaucoup de complicité et d’écoute. Mais une fois publiés les textes ont une autonomie et sont utilisés comme n’importe quelle pièce écrite. Pommerat avait le sentiment qu’il ne serait pas pris au sérieux s’il n’avait pas publié. Poids de l’écrit en France . L’a fait sur les conseils de l’éditrice Claire David d’Actes Sud.

Ne se reconnaît pas de maître. (…)

Une écriture palimpseste : influence de textes, documents, films…

Pour les contes, s’inspire de récits préexistants mais écriture aussi en proximité de la scène et non en partant des textes existants :  ex pour Cendrillon premières notes de Pommerat : en mai 2010 » point de départ de la tension dramatique= cette obligation que se donne Sandra » de « ne jamais oublier sa mère/ne jamais laisser passer une seule heure sans penser à sa mère » + série d’éléments concernant l’esthétique du spectacle à venir : « transparences », translucidité, projections, couleur, flou, fragilité, reflet, bruits de verre », spectacle fini plus d’un an et demi après en octobre 2011, entre temps atelier-casting pour choisir la distribution et expérimenter les propositions scénographiques, puis répétitions de 4 mois pour finir d’écrire le texte.
Les ateliers –casting parfois faits avec d’autres comédiens que ceux retenus, trouver des idées, se mettre en recherche.

Important travail de documentation, de lectures (Shakespeare, Tchekhov et Brecht).
 Contes réécriture Chaperon Rouge 2004, Pinocchio 2008, Cendrillon 2011 .

 S’il respecte les grandes  étapes du récit, développe les relations entre les personnages et modifie leurs motivations : le petit chaperon rouge n’est plus une petite fille passive et imprudente, mais une enfant, délaissée par une mère débordée, qui suit le chemin de son désir et argumente face au loup. Cendrillon, renommée Sandra est en partie responsable de son propre malheur selon la logique masochiste d’un deuil impossible ; Pinocchio incarne un certain individualisme contemporain égoïste et fasciné par l’argent…
Renoue avec la tradition des contes adressés à tous à rebours de leur valorisation au sein d’une littérature enfantine et moraliste. Même s’il adopte sa parole aux enfants, il s’empare de ces histoires car elles continuent de le toucher en tant qu’adulte : grands questionnements que l’on retrouve dans le reste de l’œuvre :l iens  intergénérationnels, coexistence, le sens de l’existence, le désir de vivre. Interroger le monde tel qu’il va depuis l’enfance. 
«  Je leur raconte des histoires d’enfants. Pas des histoires pour les enfants. »

Contes= matière imaginaire collective à partir de laquelle créer un lien privilégié avec les spectateurs. Conte= « état d’être ensemble ». Pommerat dit faire le même travail que les conteurs. Emblématique d’une mise en lien par le récit et l’imaginaire dans l’ici et maintenant de la représentation. Stimuler une réception active du spectateur entre reconnaissance d’une histoire connue et surprise des modifications apportées.

Influence du cinéma :  cf Tati pour Cendrillon. Même si Pommerat continue à parler de scènes, découpage qui pourrait correspondre au mot séquence, avec montage entrecoupé de noirs, permet une forme de narration libre qui se joue des différentes strates du réel en gommant la hiérarchie entre scènes réelles, rêvées ou fantasmées, passé et présent. Discontinuité qui introduit du suspens, de l’imprévisibilité. Extrême fluidité dans l’enchaînement des scènes crée une impression de mouvement donne à certains spectateurs l’impression de vivre une expérience plus cinématographique que théâtrale mais surtout mouvement de la pense et de l’imagination toujours en alerte.