Notes (4)
Un réalisme troublé
« Je ne comprends pas, bien souvent, vous, les artistes
vous vous enfermez sur vous. Vous ne voyez pas (…) que vous êtes coupés de ceux
qui vivent, qui bougent, qui font la vie, qui sont la vie, ceux qui travaillent ? » L’Homme personnage de Une seule
main
Peut se lire comme un manifeste : proximité de l’œuvre avec
le monde contemporain : travail, quotidien des familles, discussions
banales : « cf Maeterlinck : « le tragique du quotidien »,
« faire voir ce qu’il ya d’étonnant dans le seul fait de vivre »,
occupations familières.
Protagonistes gens du commun à qui il arrive des choses
extraordinaires ou qu’ils perçoivent comme telles.
Une nouvelle Comédie
humaine
Gens ordinaires : « les personnages de mes premières
pièces sont placés dans des situations d’inactions, d’attente, de non ambition.
Ce sont des vies immobiles. »
La famille et le thème de la filiation traversent presque
toute l’œuvre de Pommerat : évident dans les contes : Pinocchio relation père-fils, chaperon rouge : rassemble autour
du loup 3 générations de femmes, une petite fille, sa mère, sa grand’mère, Cendrillon : mort de la mère,
famille recomposée, créations de nouveaux liens …P 103-104
Condensé de la société.
Souvent le fonctionnement des différents milieux
domestiques, familiaux ou professionnels est mis au jour par la présence d’u
intrus ou à partir d’un comportement inattendu.
Mais pas de reconstitutions naturaliste et exhaustive :
langage oral vrai mais pas sociolecte, identification par le costume, espace
suggéré plus que reconstitué par un décor. Quelques objets fonctionnent comme
des fragments de réel à partir desquels le spectateur peut imaginer un lieu ;
Eric Soyer s’efforce surtout de lui faire oublier qu’il est au théâtre en
effaçant les limites de la scène afin qu’il ouvre les portes de son imaginaire.
Rendre le familier insolite : le réel tel qu’il est
perçu
Cf Brecht in L’exception et la Règle( 1930) : « Sous le
familier découvrez l’insolite ; sous le quotidien, décelez l’inexplicable »
Faire perdre au familier son statut de déjà-vu, en
renouveler la perception : trouble fantastique, surgissement de l’étrange
« Tu crois aux fées ?! A la magie ?/ l’Homme :
Mais non ! in Cercles/fiction
le fantastique est une irruption du surnaturel dans un
monde dominé par la raison et l’explication : effets d’inquiétante étrangeté,
confusion entre rêve et réalité, fantasmes. Rapports troublés que le personnage
ont au réel cf Sandra, cf la Belle-mère problèmes de perception et d’interprétation :
même ceux qui pensent avoir le sens des réalités et vivre avec pragmatisme
prennent parfois leur vie pour un rêve comme montre la belle-mère de Cendrillon ;
Elle martèle à Sandra qu’il faut « arrêter les rêvasseries, fait rentrer
dans la vie Réelle » et elle reproche à ses filles de vivre l’invitation
au bal comme « un rêve » mais elle croit au prince charmant et aux
contes de fée dont elle revêt les atours.
En donnant à
voir les rêves des personnages Pommerat fait entrer le spectateur dans leur
imaginaire selon le principe de la focalisation interne ou caméra subjective.
Une inquiétante étrangeté
Des choses
familières surgissent soudain comme étrangères, inconnues au point de d’en
devenir angoissantes et effrayantes ex murs sur lesquels s’écrasent les oiseaux
dans Cendrillon, montre de Sandra.. Freud : apparaît »où les limites
entre notre imagination et réalité s’effacent, où ce que nous avions tenu pour
fantastique s’offre à nous comme réel, où un symbole prend l’importance et la
force de ce qui était symbolisé. »
apparition de revenants cf Réunification
des deux Corées l’amour de jeunesse qui reveint dans la vie d’une jeune femme,
terreurs d’enfance propres aux cauchemar, dans Pinocchio les pantins qui
constituent la classe du Présentateur et rappellent la classe morte de Kantor,
ressemblances et phénomènes de double.
Interroger nos valeurs et nos croyances :
sentiment de l’existence et coexistence
Questionnement
dans l’air du temps : réflexion sur l’homme, ses représentations et ses
valeurs question souterraine de la liberté et du déterminisme traverse toutes les
pièces : savoir ce qui fait lien ou ne le fait pas, qu’est-ce qui nous
relie au monde, aux autres et au sentiment de notre propre existence ?
présupposés idéologiques de certains comportement, aveuglement et
représentation que les personnages ont d’eux-mêmes, leur propension à idéaliser
pour (sur)vivre( belle-mère) ou à se dénigrer à la manière de Sandra, leur
besoin et leur difficulté à vivre avec les autres.
Question de l’ordre
moral, du bien et du mal à partir de p118 question de la place du travail dans
la vie P121- 122
Souffrance d’existence :
idéalisation, confusion entre le réel et le fantasme et la fiction, conflits de
perception et malentendus interprétatifs récurrents car à travers eux les
personnages tentent de raconter leur vie pour exister.
Cf in Je
tremble : « Vous savez, d’après ce que j’ai comprsi, je crois qu’il
n’ y a pas de souffrance plus grande que celle-là./ Vivre sans avoir le
sentiment que l’on vit/exister sans avoir le sentiment que l’on existe/ avoir
un trou/ un vide/un rien/ un rien du tout/ à la place/ de ce quelque chose »
Cf « on
se raconte des histoires dans sa tête, on sait très bien que ce sont des
histoires mais on se les raconte quand même. Sandra (à apprendre par cœur.
En qui et en
quoi croit-on et qu’est-ce qui justifie nos actes ? croyance en soi ou en
idéal comme force motrice.
Pinocchio : dénué de tout idéal si ce n’est celui de
mener une « vie de prince », persuadé qu’il n’est pas dans sa nature
de travailler, Pinocchio consent à aller à l’école pour apprendre à gagner de l’argent.
Croyance et confiance naïve en une société mercantile et à portée de ses désirs
motivent le pantin ; incarne au début de la pièce un individualisme triomphant convaincu de son
autosuffisance, mais pour exister en tant qu’humain, il devra faire l’expérience
de la coexistence : critique de l’individualisme néo libéral cf travaux de
Flahaut, critique du diktat contemporain de l’indépendance( sel made man) et de
l’épanouissement individuel( be yourself) est une mise en cause de l’homo
oeconomicus prométhéen, autonome et rationnel, capable de s’élever par
lui-même..
Flahaut ! société précède l’individu, l’homme existe
dans le rapport avec les autres et pas seulement dans son rapport aux choses
matérielles. P126
Identité est
relationnelle et évolutive ; trajet initiatique des personnages de conte,
microcosmes de la famille, du couple, de l’entreprise= axes privilégiés pour
représenter l’enjeu pour chacun de cette nécessaire coexistence pour exister :
impossibilité d’être soi sans les autres., importance de la transmission inter
générationnelle ( cf narrateur dans Cendrillon)
Mais Pommerat
aborde ces questions de manière ouverte sans juger les personnages. Inquiéter les
spectateurs, les sortir de la quiétude de leurs propres représentations et
croyances.