jeudi 22 septembre 2016

L'espace Scénique dans le Barbier et le Mariage ( notes d'après Georges Zaragoza)

A lire pour avancer en remplacement pour partie du cours qui a été supprimé du fait de l'excursion d'intégration.

L’espace scénique dans le Barbier et Le Mariage

Espace scénique : celui que le théâtre représente donc l’espace visible du spectateur
A ne pas confondre avec l’espace dramatique :  espace de la fable qui est censé prolonger l’espace scénique dans l’espace invisible et qui est évoqué par le texte des répliques. Relève de l’imaginaire du lecteur ou du spectateur.

Barbier : «  la scène est dans Séville, dans la rue et sous les fenêtres de Rosine au premier acte, et le reste de la pièce dans la maison du docteur Bartholo. »
Localisation qui fait écho au titre de la pièce. Séville = la ville choisie par Tirso de Molina pour l’ancêtre de Don Juan, El Burlador de Sevilla, don Juan Tenorio, patrie de l’éternel séducteur et du frondeur impénitent.
Hispanité affichée, couleur exotique, couleur locale cf « Toutes les croisées sont grillées » « jalousie » (fenêtre grillée) " Le comte regarde avec attention du côté de la jalousie » (I sc2)
Pittoresque un peu facile mais Beaumarchais avait une très bonne connaissance de l’Espagne où il avait séjourné (Madrid entre mai 1764 et mars 1765), pas seulement connaissance livresque.
+ La Précaution Inutile de Scarron, nouvelle à l’origine de la pièce : déjà en Espagne mais à Grenade.
Mise en en scène d’un jaloux qui séquestre celle qu’il veut épouser// Ecole des Femmes mais Arnolphe considéré comme un fou, pas Bartholo, situation plus commune en Espagne.
Acte II : "Le théâtre représente l’appartement de Rosine. La croisée dans le fond du théâtre est fermée par une jalousie grillée » : passage du premier acte au deuxième comme une sorte de travelling de l’extérieur vers l’intérieur de la maison de Bartholo : ce qui était espace dramatique du premier acte devient espace scénique du deuxième c f projet exprimé par figaro : « Moi, j’entre ici, où, par la force de mon art, je vais (…) renverser tous les obstacles. »
Jalousie = point de passage entre espace extérieur (premier acte) et espace intérieur ( 3 autres actes)
Sc5 " Figaro (…) paraît à la fenêtre », parler « au dehors » puis « sauter dans la chambre » ; idem pour le Comte. C’est par la jalousie que Rosine a fait tomber la lettre, élément visant à relier les deux espaces alors que les deux personnages ont essayé d’entrer par l’ouverture conventionnelle, la porte. Pour le dénouement ils pénètrent par la fenêtre, espace romanesque de l’enlèvement.
Fable du Barbier en résumé : Comment pénétrer un espace qui se défend d l’être.
Vocabulaire de l’amour qui emprunte à celui de la guerre, Figaro stratège qui organise l’assaut d’une place forte, arrivée des jeunes gens par une échelle = images des assaillants d’une citadelle.

Mariage :
« La scène est au château d’Aguas-Frescas, à trois lieues de Séville »:  environnement immédiat du lieu du Barbier, 12 km, toponyme Eaux Fraîches sonne bien en espagnol ( cf costumes de JP Vincent = ceux qu’on trouve dans les tapisseries de Goya.)
Connotation d’agrément des eaux que l’on trouve fréquemment dans les toponymes, eaux du Guadalquivir ? cf Figaro sc2 acte II "Avec un brin d’intrigue, on les mène où l’on veut, par le nez, dans le Guadalquivir. »
Sources et fontaines indispensables à la création d’un parc.
Espaces scéniques différents pour chaque acte mais tous contenus dans le château :
-acte I : «  le théâtre représente une chambre à demi démeublée »
Acte II : «  le théâtre représente une chambre à coucher superbe. »
Acte III : " le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône et servant de salle d’audience. »
Acte IV : " le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés. »
Acte V : «  Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques ou temples de jardin, sont à droites et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant ».
Deux premiers espaces privés, chambres, différence de classes sociales des habitants, domestiques / châtelaine du lieu
3 et 4 sont publics : autorisent des scènes avec un personnel dramatique nombreux. espace où s’exerce le pouvoir du Comte en matière de justice, d’état civil ensuite
5 : public puisque chaque personnage peut s’y trouver en toute vraisemblance, mais morcelé en sous espaces qui réinstallent la possibilité de l’intimité, scène à deux comme réunion finale possibles.
Pièce qui se déroule en une journée, la folle journée donc dans un lieu pas trop étendu. Premier acte tôt dans la matinée, réveil de la Comtesse, dernier acte de nuit : le théâtre est obscur.
Resserrement du temps diégétique ( de l’histoire), permanence des personnages d’un acte à l’autre = pas beaucoup de variations spatiales ; succession des espaces selon un continuum : dans le premier il est question de la chambre de Madame où se situera l’acte II, dans celui-ci le Comte déclare à Marceline : «  On suspendra tout ( c’est-à-dire le mariage) jusqu’à l’examen de vos titres qui se fera publiquement dans la grande salle d’audience. »  scène XII ( espace III) A la fin de III, Figaro répond à la question de Bartholo : "qu’est devenu Monseigneur ? en ces termes «  Courons le rejoindre ; arrachons lui son dernier mot. » : espace IV dans la galerie, acte dans lequel il est sans arrêt question du RV que Suzanne est censée donner au Comte » sous les grands marronniers » cf  Fanchette rapportant les paroles du Comte : "Dis lui seulement que cet le cachet des grands marronniers. "(A propos de l’épingle. )
Circulation d’un espace à l’autre qui suit au plus près l’évolution de la relation qu’entretiennent les personnages et qui fonde l’intrigue.
Au premier acte : lever de rideau, le spectateur qui n’aurait pas lu la pièce découvre un personnage dont il apprendra plus tard qu’il s’appelle Figaro entrain de prendre des mesures, préoccupé d’emblée par une question d’espace.
Saisir 2 personnages  dans une activité déjà commencée, surprendre deux personnages dans leur intimité en ouverture: début in medias res, mais espace peu caractérisé, sobriété propice à une lecture symbolique: première réplique entendue : « dix-neuf pieds sur 26 » ce qui correspond à 8,42m sur 6,15m = un plateau de théâtre en gros. Ouverture de l’œuvre par l’activité du protagoniste mesurant l’espace où s’exerce sa domination théâtrale. Cf Mise en scène de Rauck Fugaro tenant le plan du théâtre.