mardi 10 mai 2016

Figaro et l'Histoire



Figaro et l’Histoire
« roue de l’histoire » moteur de la pièce d’Horvath

Attitude de Figaro par rapport à cette histoire.
Premier tableau : Figaro fidèle à ses engagements de domestique : s’est exilé par fidélité à ses maîtres même  s’il suggère de l’avoir fait par fidélité conjugale, croit n’avoir rien à redouter de la révolution : "Nous aurions pu rester à la maison, comme tous nos parents … Nous deux, personne ne nous aurait massacrés". Mais ironie chère à Beaumarchais qui est la marque du personnage et que Horvath conserve. Joue à adopter le point de vue du révolutionnaire cf au Comte qui se plaint : « Vous êtes, Votre Excellence excellentissime, le maître héréditaire de vos gens et de la justice. Ne sont-ce pas là assez de crimes ? »
Reprend le reproche du Mariage : "Vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus », attitude donc ambigüe : celui qui épouse le destin du maitre sans pour autant épouser son idéologie.

«  je fus le premier valet à dire ses quatre vérités à son maitre »: rappel des deux scènes du Barbier et du Mariage dont nous avons parlé. Fierté affirmée qui donne l’occasion au douanier de pointer la contradiction politique de Figaro : "Pourquoi n’êtes-vous pas resté chez vous, puisque vous lui avez dit ses quatre vérités ? »  Figaro esquive en parlant de la position de Suzanne, le douanier narquois : «  en fait vous avez fui uniquement à cause de votre femme ? » Embarras de Figaro, flou, incohérence de sa conduite, signes d’hésitations de troubles dans les didascalies : "déconcerté dresse l’oreille il réfléchit silence". 
Il jouit de plus de lucidité que le Comte cf lorsque ce dernier veut faire de la résistance en publiant des articles, il lui dit qu’on ne les lira pas , qu’ils seront interdits, qu’il ne sera pas suivi. 
Deux attitudes face à la révolution : celui qui la nie et ne veut voir en elle qu’une parenthèse éphémère et celui qui perçoit bien la mécanique à l’œuvre et son côté irréversible. 
Attitude de Figaro qui ne parvient à mettre en accord sa conduite et son analyse de la situation, caractéristique pour Horvath de beaucoup de ses contemporains aux prises avec les événements terrifiants de l’entre deux guerres, prévoyant les catastrophes à venir sans pouvoir prendre les décisions adéquates. Echos avec notre propre temps indéniables.

Figaro chez Horvath évolue bien plus que chez Beaumarchais. Un nouveau Figaro à chaque acte.
Acte I séparation des deux couples que nous avions toujours vus ensemble, moment grave et lourd de tensions multiples. Figaro apprend à Suzanne qu’il a décidé de redevenir barbier et pourquoi : « un monde s’est effondré, un monde vieux » « Je parlais à des morts en sursis…Le Comte et la comtesse ne sont plus en vie…Ils changent de linge tous les jours, c’est toujours un linceul, ils se parfument, c’est toujours l’odeur de fleurs qui se fanent sur une tombe » « il faut sortir de cet état de dépendance »
Rupture avec un passé de domesticité, geste révolutionnaire ? non il choisit de partir en Bavière et non de rentrer en France. Ce qu’il fuit ce n’est pas un ordre historique mais la tombe. Instinct de survie pas du tout étoffe d’un héros pas valeur d’acte de libération instinct animal » c’est seulement l’instinct de conservation » sauver sa peau

Tableaux à Grandbisbille savoureux et cruels à la fois : sont censés y trouver une forme de liberté, village au nom bien symbolique situé en Bavière, état qui a quelque chose à voir avec la naissance et la montée du nazisme, catastrophe historique, population haute en couleur: Joséphine et aldebert les pâtissiers, leur fille Irma, le professeur, Basile le boucher, le garde forestier, la sage-femme Joséphine dans la mise en scène de Lassalle jouée par un travesti, outrance des maquillages, bourgeois Pédrille= Denis Podalydes affublé d’une petite moustache de lunettes rondes d’un chapeau mou= type même du collabo un peu veule.
De la bienveillance mesurée à un rejet virulent de l’étranger, celui qui n’est pas né au village aux idées étroites immigrés qualifiés de « véritable infection », petits commerçants repliés sur des rites sociaux : soirée théâtrale, chorale à laquelle participe figaro bal de la saint sylvestre, véritable clou de cet asservissement petit bourgeois aux rites mesquins d’une société étriquée ( à rapprocher de Brecht plus que de Tchékhov)

Question du progrès de cette nouvelle vie ? Suzanne implacable interroge Figaro qui lui demande de ménager la clientèle de la flatter : « C’est ça , ta liberté. » Sa liberté de langage paraissait plus grande auprès du maître aristocrate à qui il disait ses quatre vérités. Indépendance sociale réussite commerciale au prix d’une perte de liberté, ne plus dire la vérité. Nouvelle servitude.

Suzanne doit subir les avances grossières du garde forestier, sera ponctuellement sa maitresse // aux désirs du Comte de jouir des faveurs de Suzanne abolition du droit fâcheux qui ne débouche guère sur une amélioration. Bilan d Horvath très sombre si la démocratie à laquelle al révolution a aspiré est à l’image de la société de Grand bisbille le constat d’échec est patent Figaro n’aboutit qu’à adopter l’esprit petit bourgeois, pas vraiment libération.

Au reproche du Comte qui lui dit être devenu bourgeois : réponse de picaro : «  j’ai eu si souvent l’estomac vide que le mot bourgeois s’est vidé de toute horreur pour moi »
Suzanne : « Je déteste tous ces petits bourgeois » Figaro répond : Ce sont ces petits bourgeois qui nous font vivre. » dépendance des commerçants à l’égard de la clientèle
Sort de chez lui en robe de chambre et pantoufles. Encore mal réveillé, caricature de petit bourgeois qu’il est entrain de devenir, ce que lui reproche Suzanne. La tyrannie de la bourgeoisie de Grandbisbille vaut bien celle qui a été mise à bas par la révolution !

Dernière étape qui conduit Figaro à revenir en France pour occuper le poste d’intendant du château : le pire de ce qui aurait pu lui arriver » au premier acte. Pactise avec la société qu’il avait fuie, découvre que la révolution s’st humanisée, la corruption a triomphé, c’est le règne du piston » retour du principe inégalitaire, des privilèges. La « roue de l’histoire » ne conduit pas au meilleur, la volonté de l’individu n’a guère de prise sur le cours des événements, à défaut même de résister, s’adapter, survivre.