Figaro et l’Histoire
« roue de l’histoire »
moteur de la pièce d’Horvath
Attitude de Figaro par rapport à
cette histoire.
Premier tableau : Figaro
fidèle à ses engagements de domestique : s’est exilé par fidélité à ses
maîtres même s’il suggère de l’avoir
fait par fidélité conjugale, croit n’avoir rien à redouter de la
révolution : "Nous aurions pu rester à la maison, comme tous nos parents …
Nous deux, personne ne nous aurait massacrés". Mais ironie chère à Beaumarchais
qui est la marque du personnage et que Horvath conserve. Joue à adopter le
point de vue du révolutionnaire cf au Comte qui se plaint : « Vous
êtes, Votre Excellence excellentissime, le maître héréditaire de vos gens et de
la justice. Ne sont-ce pas là assez de crimes ? »
Reprend le reproche du Mariage : "Vous vous êtes donné la
peine de naître et rien de plus », attitude donc ambigüe : celui qui
épouse le destin du maitre sans pour autant épouser son idéologie.
« je fus le premier valet à
dire ses quatre vérités à son maitre »: rappel des deux scènes du Barbier
et du Mariage dont nous avons parlé. Fierté affirmée qui donne l’occasion au
douanier de pointer la contradiction politique de Figaro : "Pourquoi
n’êtes-vous pas resté chez vous, puisque vous lui avez dit ses quatre
vérités ? » Figaro esquive en parlant de la position de Suzanne, le douanier
narquois : « en fait vous avez fui uniquement à cause de votre
femme ? » Embarras de Figaro, flou, incohérence de sa conduite, signes
d’hésitations de troubles dans les didascalies : "déconcerté dresse l’oreille
il réfléchit silence".
Il jouit de plus de lucidité que le Comte cf lorsque ce
dernier veut faire de la résistance en publiant des articles, il lui dit qu’on
ne les lira pas , qu’ils seront interdits, qu’il ne sera pas suivi.
Deux
attitudes face à la révolution : celui qui la nie et ne veut voir en elle
qu’une parenthèse éphémère et celui qui perçoit bien la mécanique à l’œuvre et
son côté irréversible.
Attitude de Figaro qui ne parvient à mettre en accord sa
conduite et son analyse de la situation, caractéristique pour Horvath de
beaucoup de ses contemporains aux prises avec les événements terrifiants de l’entre
deux guerres, prévoyant les catastrophes à venir sans pouvoir prendre les
décisions adéquates. Echos avec notre propre temps indéniables.
Figaro chez Horvath évolue bien
plus que chez Beaumarchais. Un nouveau Figaro à chaque acte.
Acte I séparation des deux couples
que nous avions toujours vus ensemble, moment grave et lourd de tensions
multiples. Figaro apprend à Suzanne qu’il a décidé de redevenir barbier et
pourquoi : « un monde s’est effondré, un monde vieux » « Je
parlais à des morts en sursis…Le Comte et la comtesse ne sont plus en vie…Ils
changent de linge tous les jours, c’est toujours un linceul, ils se parfument,
c’est toujours l’odeur de fleurs qui se fanent sur une tombe » « il
faut sortir de cet état de dépendance »
Rupture avec un passé de
domesticité, geste révolutionnaire ? non il choisit de partir en Bavière
et non de rentrer en France. Ce qu’il fuit ce n’est pas un ordre historique
mais la tombe. Instinct de survie pas du tout étoffe d’un héros pas valeur d’acte
de libération instinct animal » c’est seulement l’instinct de conservation »
sauver sa peau
Tableaux à Grandbisbille savoureux
et cruels à la fois : sont censés y trouver une forme de liberté, village
au nom bien symbolique situé en Bavière, état qui a quelque chose à voir avec la
naissance et la montée du nazisme, catastrophe historique, population haute en
couleur: Joséphine et aldebert les pâtissiers, leur fille Irma, le professeur, Basile le boucher, le garde forestier, la sage-femme Joséphine dans la mise en
scène de Lassalle jouée par un travesti, outrance des maquillages, bourgeois Pédrille=
Denis Podalydes affublé d’une petite moustache de lunettes rondes d’un chapeau
mou= type même du collabo un peu veule.
De la bienveillance mesurée à un rejet virulent
de l’étranger, celui qui n’est pas né au village aux idées étroites immigrés
qualifiés de « véritable infection », petits commerçants repliés sur
des rites sociaux : soirée théâtrale, chorale à laquelle participe figaro
bal de la saint sylvestre, véritable clou de cet asservissement petit bourgeois
aux rites mesquins d’une société étriquée ( à rapprocher de Brecht plus que de
Tchékhov)
Question du progrès de cette
nouvelle vie ? Suzanne implacable interroge Figaro qui lui demande de
ménager la clientèle de la flatter : « C’est ça , ta liberté. » Sa liberté de langage paraissait plus grande auprès du maître aristocrate à qui
il disait ses quatre vérités. Indépendance sociale réussite commerciale au prix
d’une perte de liberté, ne plus dire la vérité. Nouvelle servitude.
Suzanne doit subir les avances
grossières du garde forestier, sera ponctuellement sa maitresse // aux désirs
du Comte de jouir des faveurs de Suzanne abolition du droit fâcheux qui ne
débouche guère sur une amélioration. Bilan d Horvath très sombre si la
démocratie à laquelle al révolution a aspiré est à l’image de la société de Grand
bisbille le constat d’échec est patent Figaro n’aboutit qu’à adopter l’esprit
petit bourgeois, pas vraiment libération.
Au reproche du Comte qui lui dit
être devenu bourgeois : réponse de picaro : « j’ai eu si
souvent l’estomac vide que le mot bourgeois s’est vidé de toute horreur pour
moi »
Suzanne : « Je déteste
tous ces petits bourgeois » Figaro répond : Ce sont ces petits
bourgeois qui nous font vivre. » dépendance des commerçants à l’égard de
la clientèle
Sort de chez lui en robe de chambre
et pantoufles. Encore mal réveillé, caricature de petit bourgeois qu’il est
entrain de devenir, ce que lui reproche Suzanne. La tyrannie de la bourgeoisie
de Grandbisbille vaut bien celle qui a été mise à bas par la révolution !
Dernière étape qui conduit Figaro à
revenir en France pour occuper le poste d’intendant du château : le pire
de ce qui aurait pu lui arriver » au premier acte. Pactise avec la société
qu’il avait fuie, découvre que la révolution s’st humanisée, la corruption a
triomphé, c’est le règne du piston » retour du principe inégalitaire, des
privilèges. La « roue de l’histoire » ne conduit pas au meilleur, la
volonté de l’individu n’a guère de prise sur le cours des événements, à défaut
même de résister, s’adapter, survivre.