mardi 10 mai 2016

Figaro le roturier, le self made man ( Notes)



Figaro le roturier-le self made man

« enfant trouvé » ( Horvath acte I tableau 3 », croit être de naissance noble chez Beaumarchais et cherche « ses nobles parents » depuis 15 ans avant de se découvrir fils illégitime de Bartholo et Marceline ( acte II scène XVI du Mariage) : sorte de frustration de n’être pas né aristocrate, c’est-à dire dans la société du 18ème un homme que sa naissance prédispose à une réussite sociale qui lui est due.
Mais chez Horvath : Valet de chambre de son excellence le Comte Almaviva pour toujours
Domestique roturier insatisfait de sa condition. Le fait que le Mariage ait été créé à la veille de la révolution de  1789 a incité à y voir une part critique, plus contesté aujourd’hui
mais clair que destin de Figaro a à voir avec l’Histoire. 

Le couple maître/valet
Issu de la comédie traditionnelle ( voir article "valet de comédie") au service des amours de son maître sans témoigner des difficultés de sa condition. Cf Sganarelle se plaint de servir « un grand seigneur méchant homme » mais pas un aristocrate en soi.
Déjà chez Mozart contemporain de Beaumarchais  même s'il est au service des amours de son maitre, Leporello chante : « nuit et jour se fatiguer/ pour qui n’en sait aucun gré : supporter pluie et vent, manger mal et mal dormir/ je veux faire le gentilhomme/ et je ne veux plus servir.

Barbier : «  Un grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal » ( Acte I sc.2)
« Aux vertus qu’on exige d’un domestique, Votre excellence, connaît-elle beaucoup de maitres qui fussent dignes d’être valets ? » 
sorties du contexte  éminemment  contestataires, critiquent le pouvoir et la morale des grands, mais aussi bons mots brillants aux structures binaires équilibrées. Le Comte répond « pas mal » à la saillie sensible à l’esprit de son valet. Figaro = bouffon, mot qu’emploiera l’Officier chez Horvath » un véritable bouffon »porte une parole de vérité et jouit de l’impunité que lui vaut son statut à condition que son impertinence amuse le Roi dans le Barbier Figaro amuse le Comte. Figaro pas agressif : cf réplique un peu plus tard : «  Vous me voyez enfin établi à Séville, et prêt à servir de nouveau Votre excellence en tout ce qui lui plaira de m’ordonner », une seule scène, contestation qui ne réapparait plus après.

Mariage : dès la première scène, sujétion de Figaro mais surtout de Suzanne mise en avant : chambre attribuée, mais Figaro la voit comme un confort pour répondre aux demandes des maîtres, ne voit pas le symbole de sa servitude. C’est la jalousie amoureuse qui le fera réagir. Scène  de l’acte III pendant de celle du Barbier 
» C’est qu’ils n’ont point de valets pour les y aider » «  Tenez Monsieur n’humilions pas l’homme qui nous sert bien, craint d’en faire un mauvais valet », pertinence, dignité humaine du valet, là pas d’amusement, le comte en aparté : «  le maraud m’embarrassait ! en disputant, il prend son avantage. » sc 8 supériorité rhétorique du valet ; affrontement idéologique mais aussi méta-théâtralité, ouverture pour des mises en scènes différentes : rivaux pour séduire Suzanne surtout d’où des échanges plus durs ; premier monologue « il y a de l’abus » «  cf préface « critique d’une foule d’abus qui désolent la société ; » critique que tout homme du tiers état et pas seulement un valet pourrait formuler.

Figaro l’homme de la révolution ?
«  un raisonneur révolutionnaire » Francisque Sarcey,  en effet monologue de l’acte IV le laisserait penser : longueur, pause dans l’action comme si Beaumarchais donnait à son héros l’occasion d’exprimer une pensée qui dépasse le stricte cadre de l’intrigue. Plongée autobiographique , analyse des structures sociales très différent du premier monologue.
Adresse au public, posture d’orateur : cf « que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on  en gêne le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur, et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. » : effets de cadence oratoires, recherche de clausule majeure, procédés que l’on retrouve dans les discours de Saint Just + didascalies :  il se lève et il se rassied .
Bcq de mise en scène modernes cependant ne tiennent pas compte de cette posture d’orateur .
Sc2 :  action du 5ème acte avant le monologue : réunion organisée par figaro : « une troupe de valets et de travailleurs » hétérogène sur le plan de l’action mais pas au plan politique : représentant du tiers état : projet « prendre au piège « le loyal seigneur » qui cherche à user du droit de cuissage, ce « droit fâcheux » privilège qui symbolise à lui seul l’arbitraire scandaleux d’une classe sur une autre ; dans les scènes finale tout le monde revient pour confondre le comte totalement isolé qui capitule.
Emblème de la victoire du Tiers Etat sur la noblesse, sorte de nuit du 4 aout traitée sur le ton de la comédie ;
Mais beaucoup de metteurs en scène se détournent de cette voie interprétative. Vincent, Rauck cf l’universitaire Jacques Scherer déjà : « Beaumarchais n’a ni voulu ni cru être un précurseur de la révolution. »

Mère coupable : « la scène est à Paris…et se passe à la fin 1790 », texte écrit en 1792 volonté d' inclure la révolution dans l’horizon historique de la pièce. Dialogue qui fait allusion aux nouvelles mœurs « le divorce s’est établi » acte I sc.4 mais l’intrigue ne fait pas de place aux événements historiques.
 Léon jeune homme vertueux éduqué par les généreuses idées révolutionnaires, Bégears profiteur malsain de tout régime qui cherche à modifier les structures sociales. Figaro lui n’assume jamais les prédispositions révolutionnaires pressenties dans le Mariage cf réplique à la fin : » Ma récompense est de mourir chez vous. Jeune, si j’ai failli souvent, que ce jour acquitte ma vie ! » désaveu de ce qui a été la conduite de Figaro dans le Mariage .

Figaro Divorce : thématique révolutionnaire constante,  personnages qui « fuient la révolution ",  dernières répliques du Comte : «  C’en est fini de la révolution ? » 
Interrogation sur les rapports entre Figaro et la révolution : Relayé par Suzanne , il se vante de tout prévoir. Le Comte lui demande : Même la Révolution ? » -Figaro : cela n’aurait pas été sorcier de la prédire. -Le Comte le fixant : Pas sorcier -Figaro  esquivant : Nous étions tous sourds. ou aveugles. 
Donc Figaro comme les autres hommes ne l’avait pas prévue, en conséquence il ne pouvait en être le porte-parole cf douanier : « Et pourtant ce brave homme- désignant Figaro, grand dieu, ne saurait être soupçonné d’être un messager de la révolution. »
Révolution plus seulement celle de 1789 mais montée du nazisme cf le metteur en scène J. Lassalle : Horvath célèbre une dernière fois ici le siècle des lumières, avant qu’à la manière nazie il ne soit gazé ou liquidé d’une balle dans la nuque. »
Figaro : Tu ne lis donc pas les journaux ? Tous les deux jours un nouveau gaz de combat, des lance- flammes, des rayons mortels. » Armes de guerre, pas contexte de la révolution
 Cf Fin de la mise en scène de Lassalle : sur un plateau tournant qui évoque le manège pour enfant, les comédiens statufiés défilent chacun mis en joue par un homme armé d’un fusil au centre du dispositif.