Mise en scène Rémi Barché
Scénographie
et lumière Nicolas Marie
Les décors
tiennent une place importante dans Le Mariage de Figaro.
En effet,
Beaumarchais indique précisément les éléments de décoration et de mobilier, au
début de chaque acte, visant ainsi à créer l’atmosphère de chacun des actes.
L’acte I
présente une chambre « à demi meublée » car le mariage n’a pas encore eu lieu,
Figaro et Suzanne ne sont pas encore mari et femme : il manque l’élément
principal, le lit nuptial.
Cependant,
il s’agit bien de la chambre des serviteurs, contiguë aux chambres du Comte et
de la Comtesse : lieu pratique mais aussi dangereux aux yeux de Suzanne puisque
le Comte peut l’y rejoindre facilement. À l’inverse de cette chambre, celle de
l’acte II est riche et confortable : c’est celle de la Comtesse. Ensuite, le
décor de l’acte III est celui d’un tribunal qui se veut théâtral. Dans l’acte
IV, c’est le décor de la fête qui est mis en avant, lieu où va se célébrer le
mariage de Suzanne et de Figaro. Toutefois, la présence de l’écritoire peut
paraître surprenant et annonce un nouveau rebondissement. Enfin, l’acte V est
la « salle des marronniers » et renvoie à un parc propice aux rendez-vous
galants tels que Watteau ou Fragonard pouvaient les représenter.
Rémy Barché a
pris le parti de ne pas représenter de façon réaliste tous les décors de
Beaumarchais : il choisit
de faire de
la scène théâtrale le lieu où l’on peut symboliser les différentes atmosphères
souhaitées par Beaumarchais.
Le décor
principal retenu par Rémy Barché est une salle des fêtes où tous vont et
viennent pour préparer le mariage : comment y symboliser une chambre ? Y
introduire un lit ou une coiffeuse ? Comment faire pour évoquer un tribunal ?
Faut-il déplacer des tables ? Jouer devant le rideau ? Quelles astuces mettre
en place
pour faire
évoluer le lieu sans en changer réellement ?
Rendre la
pièce en partie contemporaine, vouloir faire entendre ses résonances
aujourd’hui entraine un choix scénographique : celui d’un lieu contemporain,
d’une salle des fêtes. Ce choix demande une adaptation dans le jeu dramatique
sans pourtant trahir la volonté de l’auteur du Mariage de Figaro. Comment, par
exemple, jouer les scènes du fauteuil, alors qu’il ne peut y avoir que des
chaises dans ce lieu ?
Eléments de la scénographie : tables et
bancs de salle des fêtes, ballons qui éclatent,
plateau rose, rideaux en fond de scène
qui disparaissent au dernier acte, la boule à facettes, les lustres qui peuvent
monter ou descendre, qui sont parfois allumés, parfois éteints, les micros...
Tout cela
renvoie à l’idée de préparation d’une fête, préparation d’un mariage de façon
presque exagérée, un lieu où l’on semble « forc[er] le spectateur à se sentir
amoureux »
Tout le
décor est présent, à vue, dès le début de la pièce. Cependant, celui-ci évolue
et crée des lieux différents à chaque acte. Quels sont ces lieux ? Comment
l’espace est-il occupé ? Comment les lumières participent-elles à la création
des lieux ? Des ambiances ? Que dire de la fumée ?
Au premier acte, c’est
l’installation de la salle des fêtes, les cintres sont en bas. Le deuxième acte,
plus sombre, plus en retenue, plus vide grâce à la montée des cintres renvoie à
l’univers du drame psychologique. La descente du rideau de fer au troisième
acte sonne comme l’interruption de la fête par le Comte, il permet un jeu plus
proche du public aussi. Au quatrième acte, l’esprit de fête revient avec la
présence des micros et des musiciens, avant le chaos de l’acte V, marqué par la
présence de fumée, où les personnages ont bien du mal à se distinguer.
Les ajouts
de musique sont nombreux dans le spectacle, parfois enregistrés, parfois
chantés et joués sur le plateau par les comédiens. Ils sont, le plus souvent,
présents pour amplifier l’univers de fête. Ils ont une fonction divertissante
et ludique. Cependant, certains morceaux peuvent avoir une toute autre
fonction, comme la reprise de Bob Marley à l’acte V qui peut aussi renvoyer à
l’idée de révolution et inviter le spectateur à changer la société qui
l’entoure.
Les costumes
permettent d’évoquer l’esthétique du XVIIIème siècle, ils appartiennent à cet
univers de désir fortement présent que suggère la pièce et que souhaite évoquer
Rémy Barché. D’ailleurs, le Comte, enfermé dans ses traditions et sa féodalité,
a le costume qui évoque véritablement l’époque de la pièce. Cependant, la
plupart des costumes sont aussi marqués par des accessoires modernes comme les
lunettes de soleil : ils permettent de superposer différentes temporalités, d’apporter
des touches de modernité sans pourtant oublier le XVIIIesiècle.
Bulletins
d’information qui ont clairement pour fonction
de rythmer cette « folle journée », de donner des repères aux spectateurs. Le
fait qu’à chaque représentation, un nouvel enregistrement soit réalisé en
fonction de l’actualité du jour doit permettre au spectateur de ne pas oublier
la réalité, il ne doit pas céder complètement à l’illusion théâtrale.En se
plaçant dans l’héritage de Beaumarchais, Rémy Barché refuse, dans ce spectacle,
une illusion théâtrale complète et rompt les conventions de représentation
traditionnelles.
Le Comte est
interrompu sans cesse par les techniciens qui viennent sur scène et rangent le décor,
apportent le suivant, règlent les lustres en hauteur... Toute la machinerie
théâtrale, à la suite de Figaro qui est véritablement cet homme de théâtre,
semble aller à l’encontre du Comte, semble agir contre lui. Le spectateur
n’est-il pas alors pris dans cette grande machine théâtrale qu’est la
représentation du Mariage de Figaro? N’est-il pas celui qui, à la suite de
Figaro, doit agir contre l’ensemble des résonances que dénonce la pièce ?
Nombreuses
photos : sur le site de la Comédie de Reims : http://www.lacomediedereims.fr/page-spectacle/41-la-folle-journ%C3%A9e-ou-le-mariage-de-figaro#section-