mercredi 18 avril 2018

Figaro Divorce mise en scène Christophe Rauck ( notes de cours)



 D'après Pièce Dé/montée

« Il n’y aura probablement pas d’éclairs, car l’humanité ne s’accompagne pas d’orages, elle n’est qu’une faible lumière dans les ténèbres ».
Que devient Figaro, héros populaire et sympathique imaginé par Beaumarchais, ce personnage phare du théâtre du siècle des Lumières, dans un temps où règne l’obscurité, où les valeurs ont changé, où la violence a pris le pas sur la raison ? Quelle est cette époque qui voit Suzanne, Figaro, le Comte et la Comtesse Almaviva contraints à l’exil ? Quel est ce monde enfin, où Figaro n’est plus que l’ombre de lui-même, où il semble avoir oublié ses combats, sa parole, son amour ? Ödön von Horváth nous parle d’une révolution, peut être celle d’hier, de 1789, ou plus probablement celle dont il a été le témoin en 1933, lors de l’arrivée au pouvoir du national-socialisme en Allemagne. Et pourtant, Figaro divorce résonne d’abord avec notre temps, car c’est de l’humanité dont il est question, et qui d’autre mieux que Figaro incarne cette valeur universelle depuis le XVIIIe siècle ? Christophe Rauck retrouve ce personnage qu’il avait déjà rencontré en 2007 dans sa mise en scène du Mariage de Figaro de Beaumarchais à la Comédie-Française. Seulement, chez Horváth, Figaro a changé, son visage est plus sombre et Suzanne ne le reconnaît plus. Après la révolution, les codes ne sont plus les mêmes et chacun est mis à l’épreuve. C’est cette perte de repères et l’itinéraire de chaque personnage que le metteur en scène nous donne à voir.

 Horvath

Il naît en 1901, Hongrois, de langue et de cultures allemandes, mort à Paris en 1938.
Il vit en Allemagne ; il a perçu dès 1927 la montée du nationalisme et les périls qui en découlent.
Il est interdit sur les scènes allemandes dès 1933, à la suite du succès remporté par Légendes de la forêt viennoise, qui lui vaut le prix Kleist.
Il s’installe alors à Vienne, ce qui marque le début d’un exil pour lui, mais les liens avec sa culture sont encore présents en restant à Vienne ; il dénonce dans ses pièces et romans la dégradation imposée par les nazis aux couches populaires de la société allemande, qu’ils contraignent à se jeter dans leurs bras pour survivre.
En 1938, au lendemain de l’annexion de l’Autriche par le IIIe Reich, il prend le chemin de l’exil : Prague, Zurich, Amsterdam.
Le 1er juin 38 : tornade à Paris, une branche lui fracasse le crâne sur les Champs-Élysées.
Il a contribué à réinventer le théâtre populaire allemand.
La biographie d’Horváth permettra de mettre en lumière un aspect important de la pièce, point de départ de l’action et événement vécu par l’auteur : l’exil. Lorsqu’Horváth écrit la pièce, il n’est plus en Allemagne car il a dû fuir le régime nazi d’Hitler

Deux éléments importants quant au temps et au lieu sont clairement exposés par l’auteur dans sa préface. La pièce est bien une suite du Mariage de Figaro en ce qui concerne l’action : on retrouve les deux couples principaux et on apprend que Suzanne et Figaro sont mariés depuis six ans au début de l’acte I. Quant à la révolution en germe dans Le Mariage, cette dernière se réalise pleinement dans Figaro divorce. En revanche, la question de l’ancrage spatio-temporel de la fable est volontairement floue, et on se rend très vite compte qu’il n’est pas question de la révolution française de 1789 ; l’action peut se situer à l’époque d’Horváth c’est-à-dire dans les années trente, mais elle peut aussi renvoyer à toutes les révolutions et se dérouler dans n’importe quel pays. Parce que l’auteur laisse ouvert tous les possibles en matière de contexte historique, il n’en donne finalement aucun véritablement, afin de rendre la pièce plus universelle.
RÉVOLUTION ET EXIL
 La révolution apparaît en filigrane dans les deux premiers actes de la pièce d’Horváth et le retour au pays dans le troisième acte montre les changements opérés par le nouveau régime en place.
Christophe Rauck a choisi, pour sa mise en scène, de faire apparaître des éléments concrets qui rappellent la révolution que fuient les personnages au début de la pièce : un grand mur représentant la façade d’un Palais qui s’effondre ou encore des fauteuils de type Louis XVI renversés sur le plateau
DES ITINÉRAIRES
 À la fin de l’acte I, lorsque Figaro décide d’abandonner le Comte et la Comtesse, le Comte trouve que Figaro est devenu bien « bourgeois ». Dans la pièce, on peut en effet voir le personnage de Figaro passer de la condition de serviteur (acte I) à celle de bourgeois (acte II), mais c’est en tant qu’intendant du château qu’il trouvera sa place dans le nouveau régime (acte III). La représentation de la bourgeoisie est un motif récurrent dans le théâtre d’Horváth qui s’intéresse au peuple, sans le juger, mais qui le montre à hauteur d’homme avec toutes ses ambivalences. La ville de Grand-Bisbille est, comme l’indique son nom, le lieu de la « discorde » entre Figaro et Suzanne, mais aussi celui où se partagent deux visions du monde : celle des petits bourgeois attachés aux apparences et à laquelle semble vouloir se conformer Figaro – quitte à perdre sa liberté de parole pour faire tourner la boutique –, et celle d’une foi en le bonheur domestique qu’incarne Suzanne avec son désir d’enfant. Figaro, devenu un petit bourgeois, est paradoxalement moins libre que lorsqu’il portait la livrée au service du Comte. Il reproche à Suzanne leur exil alors qu’elle regrette son ancienne vie auprès de la Comtesse. Dans cette ville, tout le monde observe tout le monde, et en particulier les derniers arrivés venus de l’étranger, à savoir Suzanne et Figaro.
L’évolution du couple Figaro/Suzanne contraste avec celui que forment le Comte et la Comtesse : ils ne sont pas aigris et font preuve de solidarité(...)