Vendredi 18 novembre 2016
Sandrine n’est pas présente aujourd’hui.
Avant de monter au grenier, nous avons longuement
discuté sur notre engagement au plateau, sur notre motivation quant à la
spécialité théâtre. Même si ce n’est apparemment pas l’opinion générale, je
trouve que le groupe est bien plus investi que les années précédentes (à l’exception,
peut-être, du projet Lune Jaune
qui nous a particulièrement fait vibrer). Le théâtre ne doit pas être considéré
comme un simple loisir, comme une simple distraction. Alors, la question
suivante est revenue plusieurs fois dans la discussion : qu’est-ce que
faire du théâtre ? Pour moi, faire du théâtre, c’est dénoncer les problèmes
de notre époque, pointer du doigt les choses qui devraient évoluer. C’est
exprimer mon désaccord avec la société actuelle, manifester pour un monde
meilleur. Pour revisiter l’une des célèbres phrases de Jules Renard :
« [faire du théâtre], c’est une façon de parler sans être
interrompu », c’est dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Le
théâtre permet, d’une certaine manière, de supporter le monde actuel dans
lequel nous vivons. A titre plus personnel, être sur le plateau me permet
d’être qui je veux, de faire ce dont j’ai envie, de dépasser les limites de
l’acceptable, de crier mes peines et de m’en débarrasser. Alors non, faire du
théâtre n’est pas un simple loisir.
Une fois au grenier, nous avons directement débuté
différents exercices liés au texte que nous devions apprendre :
1) En marche neutre, nous devions nous échanger une
à trois balles en captant le regard de l’autre. Avant de lancer la balle, nous
devions dire une des phrases que nous avions apprises. Cela nous a permis de
faire fonctionner notre mémoire, de dire à haute voix le texte pour la première
fois. Lorsque quelqu’un parlait, nous marchions tout d’abord sans y faire
attention pour que celui-ci fasse abstraction des bruits extérieurs. Puis, en
deuxième consigne, nous devions tous nous arrêter et le regarder, faisant vivre
le personnage par notre regard : cela ressemblait davantage à un travail
de chœur. Au fur et à mesure que l’exercice évoluait, Christine rajoutait des
obstacles (des chaises) sur notre chemin.
2) En cercle, dans le même esprit, nous devions
adresser directement notre réplique à tous nos camarades. Nous avions pour
consigner d’articuler particulièrement pour bien faire entendre chaque mot. Il
était difficile de parler au présent quand une mélodie s’était installée à
l’apprentissage. Pour tenter de l’enlever et pour nous mettre à l’épreuve, nous
devions, toujours en cercle, danser autour des chaises tout en disant notre
texte. C’était assez compliqué de combiner la danse, la diction du texte et
l’adresse directe au camarade. Cet exercice suscitait notre concentration pour
pouvoir utiliser notre mémoire tout en se déplaçant énergiquement.
3) En queue-leu-leu, nous parlions tous en même
temps, répétant en boucle notre réplique. Tout d’abord, nous suivions Charlotte
qui était en tête de la queue et qui se déplaçait entre les chaises. Tout de
suite, il fallait se renfermer sur soi-même pour ne pas être déranger pas les
autres, il fallait s’écouter soi-même pour réussir à faire abstraction du bruit
extérieur. Ensuite, la queue-leu-leu s’est éclatée, nous marchions
indépendamment des autres. Dans notre parcours, nous devions atterrir en
avant-scène et dire notre réplique comme s’il y avait 200 personnes dans la
salle pour travailler la projection de notre voix. Nous étions ensuite
éparpillés dans la salle, face public. Chacun notre tour, nous devions nous
adresser aux 200 spectateurs imaginaires en voix d’appel. J’ai la fâcheuse
tendance à dire mon texte très rapidement, négligeant la ponctuation, ce qui me
laisse souvent sans souffle. Cela s’est remarqué lorsque nous devions projeter
notre voix tout en chuchotant : je n’avais effectivement plus de souffle,
et je me sentais devenir toute rouge… C’est un point à travailler : il
faut que je prenne le temps d’exposer au public mon texte, lentement.
4) Un dernier exercice plus ludique mais tout aussi
intéressant. Sur le principe de la chaise musicale, après qu’un de nous ai dit
sa réplique, nous devions nous asseoir le plus rapidement possible sur une des
chaises. Cela mettait évidemment en épreuve celui qui parlait puisqu’il devait
être clair dans ses paroles tout en anticipant la suite mais également les
autres qui devaient prêter l’oreille pour savoir quand la phrase allait se
terminer.
Après ces différents exercices pour travailler sur la diction du texte (notamment pour enlever la mélodie installée à l’apprentissage) nous avons travaillé en autonomie. J’ai donc travaillé la scène 1 de l’acte I avec Alexandre. Nous avons jugé plus simple de trouver des idées de mise en scène en improvisant une première fois. Sans réel succès. Nous manquions d’accessoires et ne savions pas réellement comment meubler la scène. Christine nous a alors donné l’idée de plier un drap ensemble, pendant que nous parlions. Cela a effectivement donné du corps au texte, lorsque j’expose à Figaro le problème lié au Comte. Nous avons ensuite essayé d’introduire le portant dans notre jeu. En effet, tout en parlant, nous nous chamaillions en nous courant après, tentant de nous cacher pour échapper à l’autre, etc. Le portant peut donc être un élément qui permet de créer une complicité entre Suzanne et Figaro. J’ai alors eu l’idée suivante, qu’il faudra exposer à Alexandre la semaine prochaine. Lorsque je dis « Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort » : Alex devant le portant qui tourne la tête à droite/à gauche pour me chercher ; moi, cachée derrière les vêtements. « Es-tu mon serviteur ou non ? » : sortir soudainement ma tête du portant et le regarder en riant. Alexandre sursaute ?
Lorsque nous avons présenté aux autres notre travail, ils semblaient plutôt convaincus, hormis le fait qu’Alexandre devait beaucoup plus accentuer son jeu amoureux et qu’il manquait une certaine complicité entre nous. On nous a alors donné un premier re-jeu : jouer notre scène comme une comédie musicale. Nous n’avions pas réussi à nous détacher de la mise en scène que nous avons mise en place, aucun changement véritable n’a été visible. Un deuxième re-jeu nous a été donné : transformer la scène en quelque chose de sérieux, en un problème contemporain. Cette consigne était plus simple que la précédente et notre jeu a fait entendre le texte autrement. Il est très intéressant de varier les versions.
J’ai également aimé le travail d’Hugo, d’Elise et de Mélanie où danse, énergie et jeu s’entremêlaient. Figaro est sûr de lui et cela s’est très bien ressenti !