Eugène Labiche, l’auteur
Auteur dramatique français, né
en 1815 et décédé en 1888. « Labiche n’est pas seulement un merveilleux
amuseur, mais un observateur profond, un railleur qui sait toujours où va son
rire. » Alphonse Daudet
Après de nombreux vaudevilles en
un acte dans lesquels il se fait la main avant de se frotter à la grande
comédie de moeurs et de caractère, Labiche passe pour l’inventeur d’une
situation comique nouvelle, l’absurde et d’un personnage historiquement daté :
le bourgeois crédule et poltron du second Empire.
Fils d’un industriel qui
exploite à Rueil une fabrique de sirop et de glucose de fécule, Eugène Labiche
réalise, après le baccalauréat, un long voyage en Italie, dont le Journal donne
le ton de la relation ambiguë, essentiellement parodique, entretenue par le
jeune homme avec l’héritage romantique.
Un producteur infatigable
Maniaque de l’ordre et de la
symétrie, conformément au milieu dont il est issu, Labiche produira pas moins
de deux cents pièces, presque quarante ans d’une production boulimique
d’oeuvres inégales en dimensions comme en qualité, presque toujours écrites en
collaboration. Elles sont créées sur des scènes parisiennes, le Palais-Royal,
le Gymnase, les Variétés ou les Bouffes Parisiens, et défendues par des acteurs
souvent doués d’une forte personnalité, bien connus des auteurs comme des
spectateurs et aguerris à ce genre de répertoire.
L’exaltation comique du
bourgeois
Jusqu’en 1860, Eugène Labiche
tâtonne, cherche son style en accumulant les comédies en un acte, s’apparentant
au genre à la mode, le vaudeville. En 1851, sa première comédie en cinq actes Un
chapeau de paille d’Italie est saluée par beaucoup comme une « trouvaille
de génie », avec ce célèbre motif de la course-poursuite, chasse tumultueuse à
la chose ou l’être perdu, souvent repris au début du XXe siècle par les grands
burlesques du cinéma muet. Le vaudeville en un acte évoluera dès lors assez
sensiblement vers la « grande » comédie de moeurs et de caractère.
Une nouvelle lecture
Toutefois, malgré cette
consécration par les institutions les plus conservatrices du second Empire et
de la IIIe République, le regard d’Eugène Labiche sur les travers de la
bourgeoisie triomphante demeurera suffisamment lucide et corrosif pour que les
metteurs en scène contemporains les plus critiques, voire les plus engagés,
depuis les années soixante, se passionnent à redécouvrir et à réhabiliter les
vertus dramatiques de son oeuvre :
Après Chéreau (L’Affaire de
la rue Lourcine, 1966), viennent Jacques Lassalle (Célimare le bien-
aimé, 1970, La Clé, 1986) ou Jean-Pierre Vincent (La Cagnotte,
1971)... Ce sont la noirceur de son humour et la férocité de ses portraits qui,
en cet auteur, attirent aujourd’hui ces infatigables relecteurs de classiques,
mais il ne faudrait pas cependant négliger, aux côtés du matériau très ambigu
légué par Labiche, certains partis pris audacieux qui le rangent en son siècle
parmi les hommes de progrès, en faveur de la photographie par exemple (il fut
l’ami intime de Nadar) ou des chemins de fer.
Y. Mancel,
in Dictionnaire encyclopédique du Théâtre, sous la direction de Michel
Corvin (Bordas, 1995)