Grâce aux pistes dégagées dans
les documents, nous proposerons une représentation du personnage de Dionysos en
nous appuyant sur la photographie de John Galliano.
Dionysos est un dieu qui n’a pas
d’empire même s'il a traversé l'Asie et répandu son culte, un dieu de la transgression, comme le remarque Georges Bataille dans
Les Larmes d’Eros. Mettre en scène au XXIème siècle, la tragédie des Bacchantes
suppose de traiter les enjeux de l’accueil de l’étranger, du marginal, de l’extrême.
Mais cela suppose de traiter ces problèmes contemporains de manière différente
d’un spectacle. Il s’agit de renouer avec l’essence érotique, orgiastique du
théâtre dont parle Bataille et avec l’idée d’un rituel qui n’est pas destiné forcément à la représentation. C’est ce que
cherche à faire un certain théâtre
contemporain, le Totaltheater de Groppius, le théâtre rêvé par Artaud, celui de
la cruauté, celui qui chercje « à briser le théâtre, et à toucher à la vie ».
la pièce d’Euripide sera ainsi représentée dans un lieu précaire, défiant la notion
même de spectacle et de manière à exprimer un contenu intérieur, immanent, qui
se libèrera de lui-même dans la mise en scène de l’apparaître de Dionysos.
La représentation se jouera en
extérieur, sur une place, en pleine
ville. Au cœur de la Cité, où règne l’ordre, les conventions. Cependant ce sera
la nuit. L’heure, tard le soir, à laquelle tout est en effervescence, l’heure
de la fête, et l’heure des débordements. La place sera plongée dans le noir.
Au prologue, Dionysos arrive tout
en noir avec un masque phosphorescent.Il arrive parmi les spectateurs, réunis
au centre de la place avec une lampe torche. Il ne parle pas durant le
prologue, une bande son sera diffusée. La voix sera rauque et sombre, très,
très calme puis le ton montera. Son corps ne sera jamais vu entier. Il sera
joué par un danseur et ses mouvements seront chorégraphiés avec précision :
lascifs durant son dialogue avec Penthée, sa tête penchée sur le côté,
rappelant l’effet de l’héroïne. Il sera emprunt de l’esthétique rock et se
voudra volontairement marginal. Il est l’homme désinvolte qui , selon Penthée,
n’est qu ’ « un charlatan, un sorcier du pays de Lydie »
qui passe des jours et des nuits avec de jeunes femmes. D’où sa nature
transgressive. Le danseur ne restera pas complètement muet, il chantera à voix
basse entre les spectateurs Gimme Shelter des Rolling stones, en allant les
voir. Il dansera de manière étrange, fera des mouvements presque désarticulés,
avec un rythme tantôt saccadé, tantôt très lent ; L’idée est de montrer l’irruption
de l’étrange dans la Cité. Doit-on accueillir un culte nouveau, inconnu ?
Notons qu’à l’arrives de Penthée
la place s’éclaire. Par opposition à Dionysos, celui-ci sera un homme politique
bien ancré dans sa ville, en costume propre et sobre.
Au troisième épisode, à nouveau
dans le noir, l’étrange laisse apercevoir le monstrueux. Dionysos se libère de
ses chaînes, mais il n’est déjà presque plus humain. Son masque change, il s’agit
maintenant d’un crâne de bouc qui cacherait son visage. Durant le récit du
messager, la langueur fait place à l’agressivité : il trace un cercle sur
la place autour des spectateurs à la peinture phosphorescente. C’est un
avertissement ;
Durant le récit de la mort de Penthée,
il retirera son maque et l’on ne verra que ses yeux. Son visage est entièrement
maquillé en noir. C’est le moment du sacrifice. Les bacchantes venant des
différentes rues adjacentes jusqu’à la place projetteront de la peinture phosphorescente
sur le public et Penthée. La transgression a envahi la Cité et désormais elle
est incontrôlable.
Le public fait donc partie de la
pièce. Les personnages sont disséminés parmi la foule, eux-mêmes représentant
les habitants de Thèbes.
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