Dionysos est chez Euripide un personnage extrêmement
complexe. Venu pour imposer son culte à Thèbes, ville ne reconnaissant pas son
statut de dieu, Dionysos se présente comme une sorte de gourou à la tête des
Lydiennes venues d’Asie. Dionysos est avant tout un personnage
ambivalent : il se présente dans la pièce sous une forme humaine,
« un charlatan, un sorcier du pays de Lydie, une blondeur bouclée, les
cheveux parfumés, les joues couleur vin, les grâces d’Aphrodite dans les
yeux » (V.234-236). ( Qui dit cela ?)Il
est à la fois le Dieu qui s’incarne en l’Homme et le Dieu se battant pour sa
reconnaissance en tant que Dieu. Les diverses facettes de Dionysos font de lui
une figure ouverte, résistant à toute possibilité de totalisation. Il est
inidentifiable : Il n’est pas un Dieu selon les canons ordinaires, n’est
pas un animal malgré ses attributs de bouc, n’est pas un homme non plus même si
Euripide fait dans Les Bacchantes un portrait étrangement humain, dans
toute la violence des passions de
Dionysos. ( Cite le prologue.) Ce qui pose problème dans cette tragédie,
c’est la faute minime que commet Penthée. Finalement, en opposition à d’autres
tragédies, la faute du héros tragique est infime : il s’oppose à un culte
avec son autorité de roi. Sa mort est une sentence démesurée quant à l’étendue
de sa faute et le punit lui mais également sa mère Agavé et son grand-père
Cadmos, qui ne manque pas de faire remarquer à Dionysos « Tu vas trop
fort » (V.1347). ( N’est-ce pas un peu tôt pour
parler de cela ?) Dionysos peut donc être conçu comme un Dieu en
quête de reconnaissance mais également comme une force tyrannique et
vengeresse. Cette humanité du personnage pose une question dramaturgique. Où se
situe chez Dionysos la frontière entre humanité et divinité ? Le besoin de
reconnaissance, l’orgueil et la démesure ne sont-ils pas des caractéristiques
humaines ? Cadmos ne manque pas de le rappeler à Dionysos à
l’exodos : « Il n’est pas bon que les dieux ressemblent aux hommes
par leurs colères ! » (V. 1347-1348). Si d’une part Dionysos se
présente comme un homme, ambassadeur en quelque sorte du Dieu, d’autre part
Dionysos est bel et bien un Dieu. Il détache par exemple sans efforts les liens
dans lesquels Penthée l’avait enfermé et procure des pouvoirs surnaturels aux
Bacchantes : « L’une prend son thyrse ; elle en frappe un rocher : Il en
jaillit un flot d’eau pure. Une autre dans le sol plante sa hampe, et le dieu
en fait sourdre une source de vin. » (V. 705-712) (
Rattache mieux tes citations à ton discours.) Cette ambiguïté de Dionysos pose la question suivante :
la pièce doit-elle être lue comme un hommage aux rites de Dionysos, comme une
mise en garde pour ceux qui ne suivent pas le Dieu ou au contraire comme une
critique envers le Dieu bachique ?
Le lien qu’entretient Dionysos avec ses bacchantes est également une
piste dramaturgique à analyser. Il est le guide : « maître, ô
rugissant, tu es un grand dieu, tu le montres ! » (V.1031). C’est à
travers les acclamations et les dires des Bacchantes que Dionysos existe en tant que Dieu. Ce sont
elles qui montrent la puissance de Bacchus et qui rendent possible sa
vengeance. Ce sont les ménades également qui évoquent les pratiques, les
rituels et l’histoire de Dionysos : « Qu’autrefois, dans la douleur
forée de ses couches, sa mère mit au monde par le tonnerre » (V. 88-90).
Dionysos ne serait-il pas existant en tant que Dieu qu’à travers ses
fidèles ? D’un tout autre point de vue Dionysos pourrait être celui qui
manipule, qui est à l’origine de la tragédie. Il faut rappeler avant tout que
Dionysos est le dieu du théâtre qui est mis en scène dans une tragédie. Cette
mis en abyme du personnage crée deux niveaux. Celui du metteur en scène et des
acteurs manipulés par ce dernier. Dionysos pourrait être vu comme un double
d’Euripide, qui manipule les personnages et fait avancer l’intrigue en étant
une sorte de relais du metteur en scène. Il met par exemple en scène la venue
de Penthée dans les Montagnes en le déguisant en femme : « Quelle
toilette ? Celle d’une femme ? Je suis gêné. » (V.828). C’est en
manipulant les autres que le Dieu vient à ses fins. Le travestissement de
Dionysos en homme se reflète d’ailleurs dans le travestissement de
Penthée.
En résumé pour pouvoir traiter Dionysos scéniquement il faut choisir une
des conceptions possibles du personnage. Ma conception personnelle de Dionysos
serait une conception d’un Dieu absolument humain. Il faudrait alors enlever
tout le caractère sacré au personnage et mettre en avant les passions
infiniment humaines qui le traversent. Cette conception doit être éclairée par
des documents iconographiques. (L’ensemble est
intéressant, peut-être un peu confus dans sa rédaction. L’on a intérêt d’abord
à examiner la présence du personnage dans la pièce en retraçant les différentes
formes d’apparitions du dieu dans la fable avant d’évoquer les interprétations
plus complexes et sophistiquées. Les majuscules à dieu et à homme sont aussi à
interroger.)
La phrase de transition peut
être un peu développée. Les documents que propose le sujet sont…L’on eut aussi
pu penser du coup à les regrouper par
thématiques.
Le
premier document est un dessin d’Odile Redon ( Fais une
recherche pour savoir qui il est.) intitulé L’esprit gardien des eaux
et conçu en 1878. Ce dessin de fusain sur papier est réparti en deux zones bien
définies. En bas du dessin se trouve une surface aquatique sur laquelle sont
reconnaissables des mouettes et un petit voilier. En haut du dessin, le ciel
est dans les tons jaunes orangés, ce qui renvoie sans aucun doute à la divinité
mais aussi à la joie, à la fête et à la puissance. A gauche du dessin se trouve
une tête d’homme immense semblant flotter au-dessus des eaux. Cette tête a une
expression bienveillante, regarde le
voilier avec l’esquisse d’un sourire et est auréolé de lumière. Ici c’est
Dionysos dans toute sa grandeur de Dieu que l’on peut retrouver. Dans la
mythologie grecque, Apollon l’opposé de Dionysos est connu comme étant le Dieu
du soleil, de l’ordre, de la force souveraine. Dionysos lui est avant tout la
divinité de la végétation, du ganos (humidité vivifiante). Dionysos est
l’élan vital, spontané, déchaîné et vital. Mais aussi le dieu lié à la
fécondité, à l’humidité de la mer et des marais. Le dessin pourrait représenter
ce couple Apollon-Dionysos, Apollon comme le soleil, Dionysos comme la mer
déchaînée et sauvage. Quoi qu’il en
soit, ce premier document donne une vision d’un Dionysos Dieu qui veille sur
les flots, qui pourraient être transposés comme étant les bacchantes. La
conception du Dionysos sur cette image est très positive au premier abord
puisqu’elle montre un Dionysos paternel, entouré de lumière et veillant sur ses
fidèles. En y regardant à deux fois cependant, la taille de la tête
disproportionnée du Dieu et sa position
flottante au-dessus des eaux pourraient traduire une forme d’hybris, de
toute-puissance orgueilleuse. Dans ce cas, le dessin montrerait un Dionysos
orgueilleux se comportant avec les autres comme s’il était le centre du Monde
ou encore la volonté de Dionysos de s’affirmer devant le peuple thébain comme
un dieu : « à cause de quoi je leur montrerai que je suis dieu
« (v. 47)( Insère tes citations dans ton
discours. Ne te contente pas de les juxtaposer. Il manque le développement des
pistes scéniques que l’image pourrait suggérer.))
Le
deuxième document pourrait servir d’une sorte de transition entre le premier
document et les deux autres car le Dionysos dieu prend petit à petit forme
humaine. Ce travestissement humain est très important puisque dans la pièce
Dionysos dit : « j’ai changé ma forme de dieu ; c’est en homme
que j’approche les flots de Dircé et de l’eau d’Isménos » (V. 4/5) Il
s’agit d’une photographie de John Galliano prise par Richard Avedon pour le
magazine Egoïste en 1999. Cette photographie, dans les tons bleus montre
John Galliano à l’extrême droite de l’image. Les couleurs foncées utilisées
donnent une ambiance sinistre et mystérieuse à la photo. Le geste de John
Galliano surtout est très symbolique. Il dessine avec sa main des cornes de
bouc. Or Dionysos est associé au bouc animal jugé particulièrement prolifique.
Le chœur mentionnera le bouc en disant : « il poursuit le sang du
meurtre d’un bouc » (v. 139) Il ne faut pas oublier que Dionysos est le
Dieu du théâtre et entre autres de la tragédie. Or le mot tragédie vient de tragos qui signifie sacrifice d’un
bouc. C’est donc ici, toute la fonction
de dieu de Dionysos qui est évoqué. Dieu
de la végétation et de tous les sucs vitaux, Dionysos est à la fois Dieu
avec ses attributs, homme mais également animal. Cette faculté de métamorphose
mène Dionysos vers son ambivalence. La photographie montre le côté sombre que
peut avoir Dionysos selon les interprétations. Les couleurs utilisées, le
regard plein de défi et d’insolence, la posture, les cornes faisant penser aux
cornes du diable montrent le côté négatif de Dionysos. (
Pistes scéniques suggérées par l’image ? Il me semble que l’on aurait pu
parler de la séduction érotique de Galliano également.)
Le
troisième document est sans doute le plus énigmatique. Il s’agit d’un
photogramme extrait d’une projection vidéo intitulée Tristan’s Ascension (the sound of a Mountain Under a Waterfall) de
Bill Viola datant de 2005. Ce photogramme montre une cascade prenant toute la
place et une silhouette semblant s’élever dans les airs que l’on distingue à
peine. Ce document pourrait être mis en relation avec le premier document à
cause de la place de l’eau. La figure humaine disparaît presque totalement
derrière l’élément naturel. C’est une ombre que l’on voit s’élever au-dessus du
sol sans pour autant disparaître dans les airs. C’est la place ambigüe de
Dionysos qui pourrait être montrée par ce document. Mi-homme, mi dieu, Dionysos
tend à s’élever au-dessus des hommes et à s’affirmer comme Dieu sans pour
autant y parvenir tout à fait. Il est comme bloqué à un stade se situant entre
humanité et divinité, ne trouvant sa place ni chez l’un ni chez l’autre. C’est
cet entre-deux, sûrement lié à sa double naissance : « « dans la
douleur forcée de ses couches, sa mère mit au monde » (V. 87-91),
« aussitôt Zeus […] l’enfouit dans sa cuisse […] il le mit au monde »
(V. 96-99). Cette naissance à la fois humaine et divine fait que Dionysos ne
trouve pas réellement sa place. Les couleurs sombres de la photo et la position
du corps en transe (rappelant fortement la danse des Bacchantes qualifiée de
transe dionysiaque) évoquent le désir de puissance du Dieu. (Il faudrait je crois développer aussi l’idée de ses pouvoirs
magiques, son don d’ubiquité aussi.)
Le
dernier document est un photomontage s’intitulant DIsembodied body d’Ulric Colette datant de 2013. Le photomontage
montre au premier plan un homme dont le buste a disparu, en arrière-plan une
commode et une plante, le tout dans des couleurs assez sombres. L’homme, vêtu
d’habits modernes a perdu une partie de son corps. Ce qui reste visible sur le
photomontage sont les bras, la tête et les jambes. Cet assemblage entre visible
et invisible peut être associé à Dionysos dans la mesure où ce dernier est un
dieu s’incarnant en homme pour démontrer son pouvoir. La dualité homme-dieu est
donc explicitée par ce dernier document. Plus que le côté protéiforme de
Dionysos, c’est le côté magicien du dieu que l’on peut apercevoir ici. Il ne
faut pas oublier que Dionysos a fait des miracles qu’aucun mortel n’aurait pu
accomplir : « pour cela je suis arrivé à changer l’espèce humaine et
j’ai travesti ma forme propre dans une nature d’homme » (v.53-54). C’est
un dieu magicien, sorcier que l’on peut apercevoir à travers ce photomontage
qui fait grandement penser à un tour de magie. Penthée ne manque pas de
rappeler dans la pièce, le côté magicien de Dionysos : « j’ai souffert
l’horreur, l’étranger m’a échappé, l’homme qui à l’instant était retenu de
force dans des liens » (V 642-613). La position étrange de la tête et des
bras enfin, montre le côté fou du dieu de la décadence, de la vie sous sa forme
la plus insensée, la plus incontrôlée.
Pour
conclure, les documents iconographiques peuvent être clairement répartis par
grands thèmes. Il y a dans le document un la présence d’un Dionysos comme dieu
absolu. Dans les trois autres documents c’est l’ambivalence de Dionysos qui est
montrée. Le premier et le troisième document peuvent être reliés à cause de la
thématique de l’eau fortement présente dans la pièce : « j’approche
les flots de Dircé et l’eau d’isménos » (V.4-5). Quoi qu’il en soit, les
quatre documents montrent un personnage ne rentrant dans aucun des canons
classiques de l’humain ou du divin.