Projet Bacchantes 2017 avec Chiar Villa de la compagnie Villathéâtre
C’est la metteure en scène Chiara
Villa qui a pris en charge le travail sur les
Bacchantes d’Euripide pour la dernière année de sa mise au programme,
choisissant de le mener dans une direction totalement différente de celles
qu’avaient prises, les années précédentes, Carolina Pécheny et Sandrine Pires.
Dans un travail autour de la
table assez important avec les élèves, elle a
procédé à un découpage du texte
qui mette au centre du propos le caractère manipulateur de Dionysos et
la façon dont toute une ville se trouve fascinée par le sectateur d’un nouveau
dieu que certains- Tirésias et Cadmos par exemple- vont ménager par prudence
politique et nostalgie des « plaisirs » de la jeunesse, d’autres dans
le chœur parce qu’ils y voient des avantages, d’autres encore parce qu’ils ont
peur du déchaînement dont il est capable. Le parti pris est donc de montrer que
la pièce dénonce le fanatisme religieux et les excès auquel il conduit, mais
pas seulement le fanatisme dionysiaque, celui de toutes les religions. Ainsi le
chœur est-il dans notre travail constitué de personnes ordinaires qui ont
accompagné le dieu et envahit l’espace de Thèbes, le palais de Penthée et de
Cadmos et qui se comportent comme des adeptes fervents. Pour montrer que toutes
les religions peuvent tomber dans un extrémisme, les costumes, contemporains
sur fond de tenue de travail noire, ont été élaborés à partir de signes
religieux ajoutés très variés qui
évoquent toutes les religions possibles, de même que les « évohés »
bachiques prennent la forme de toutes les formes de louanges divines possibles.
Le personnage de Penthée a été réparti entre trois comédiennes : on le
voit lutter en vain contre la puissance du dieu qui s’est répandu partout. Les
messagers qui viennent raconter à Penthée les agissements des bacchantes
cadméennes sont plutôt vus comme des journalistes, des lanceurs d’alerte.
Chiara a délibérément supprimé
les passages qui suggèrent que les victimes, Penthée, Agavé sont en en partie
responsables de ce qui leur arrive, donc pas de travestissement de Penthée
avant d’aller à la montagne, ni le retour d’Agavé en chasseresse folle et son
dessillement progressif horrifié de mère infanticide, susceptibles de créer de
la compassion. Pas de danses bachiques du chœur non plus qui pourraient avoir
des connotations de liberté et d’émancipation.
Chiara a demandé aux élèves que
le texte soit parlé au maximum comme un discours quotidien d’aujourd’hui,
quitte à le modifier parfois, pour le rendre plus clair aussi pour un public
d’aujourd’hui. Nous avons veillé également à ce que le texte dit soit compris
dans le détail par une réflexion précise sur le vocabulaire et sur les
reformulations qui nous semblaient le rendre plus clair. Comme « la forme
brève » que nous créons chaque année ne peut prendre en charge l’ensemble
de la tragédie se pose toujours le problème de la compréhension par le public
de la présentation de travaux de ce qui se joue. Chiara s’est mise au défi avec
les élèves de faire comprendre cette fois l’histoire des Bacchantes, du moins
l’une de ses interprétations.
Les comédiens ne quittant jamais
le plateau, elle a élaboré avec eux un code très clair lorsqu’ils sont à cour
et jardin en attente de jeu, ils sont simplement en tenue noire, ils revêtent
leurs accessoires au moment de l’entrée en jeu. Lorsqu’ils sortent du jeu, ils
doivent passer par le neutre, mais toujours rester vigilants. La scénographie a
été élaborée à partir des objets qui figuraient dans le grenier B, la salle de
travail : canapés, tabourets noirs, table de régie, micros, câbles,
pupitres de musicien. Les acteurs doivent apprendre à gérer les objets
scéniques et les accessoires avec beaucoup de précision à l’intérieur d’une
structure mise en place par la metteure en scène. Ils ont cependant été
sollicités pendant l’élaboration pour le choix de ces éléments, la construction
des personnages, ils ne sont absolument pas instrumentalisés dans le projet de
la metteure en scène qui s’est toujours enquis de leur adhésion à ses
propositions. D’abord Chiara a élaboré avec eux la structure de la forme brève
que nous présenterons le 1er et 2 juin, puis elle est entrée dans le
détail du jeu de chaque partie retenue avec beaucoup de rigueur.