dimanche 8 octobre 2017

Le Mariage: spectacle vendredi 13 octobre salle Europe

Pour les premières de spécialité, n'oubliez pas que nous allons voir le Mariage le vendredi 13 octobre à 20h salle Europe. Il ya encore des places pour vos parents s'ils le souhaitent. ( téléphone pour réserver 0389305301) durée 2heures.




On le sait depuis longtemps, le mariage est un prétexte idéal pour le théâtre. S'y entremêlent les problématiques intimes, familiales, sociales, religieuses, à tel point que l’on a l’impression de connaître intuitivement toutes les histoires de mariage.

Ce qui nous intéresse ici n’est pas le récit d’un n-ième mariage mais l’aspect « sous terrain » d’un mariage qui a lieu « ailleurs » et dont les enjeux nous offrent la possibilité de faire, en creux, un portrait de notre temps. Nous n’assistons pas au mariage réel, nous plongeons dans un endroit de la conscience (Conscience d’un personnage ? Du spectateur ? Conscience collective?) où se mêlent par la voix des différents personnages : pensées conscientes, rêves, intentions, souvenirs, non-dits, pulsions, fantasmes,pensées refoulées, mémoires enfouies... C’est en cet endroit invisible que se « fabrique» la réalité visible.

C’est ici que se tisse la trame d’une histoire que nous avons le sentiment de bien connaître. Le double mariage entre Jasmine et Ivanov et Tania et Ibrahim campe une histoire éternelle et contemporaine :
- Eternelle car l’institution du mariage pose un certain nombre de questions : le mariage est la porte par laquelle la société entre dans l’intime pour y fixer des règles et des normes et on le sait, cette entrée procède d’un système patriarcal (l’homme prend femme) qui n’hésite pas à s’imposer par la force lorsque cela est nécessaire. (Dans notre histoire, Patoun, le patriarche, se pose comme le puissant organisateur de la fête).
- Contemporaine, car en invitant deux communautés à confronter leurs vérités lors de cette réunion,notre mariage se teinte d’une actualité brûlante. Pour autant, il ne nous intéresse pas, ici, de nous engouffrer dans une peinture sociale, mais plutôt de nous demander ce qui dans nos problématiques actuelles a quelque chose d’universel et si notre époque a de quoi nous permettre de faire le rêve d’une issue qui ne soit pas tragique.
L’intention affichée de Patoun est de sceller la réconciliation des deux familles dans la paix et dans l’amour. Or, il est rapidement évident que le projet est miné. Les blessures cachées, les non-dits, les sentiments refoulés, les humiliations subies, les injustices, les viols, toute la farandole des crimes qui appartiennent à l’histoire de l’humanité est là, tapie dans l’ombre. Tout ce qui par le passé a été écarté, écrasé, déconsidéré, ressurgit à l’occasion de ce mariage.
 
C’est l’éternelle histoire d’Antigone qui vient réclamer, au moment où l’on ne s’y attend pas, ce que l’ordre social veut gommer, ce que Créon ne veut pas prendre en compte. C’est l’histoire de l’individuel qui dépasse du collectif, le perturbe et le dérange, la sempiternelle dialectique entre le « un » et le « tout », entre le « Je » et la communauté, qui dans la tragédie ne trouve sa résolution sublime que dans le sacrifice du « un ».

Ainsi ce mariage s'écroule. Et personne ne semble rien y pouvoir. Tout s'affale irrémédiablement.
Pourtant au milieu de la débâcle, quelque chose est à l'oeuvre à l'intérieur des couples qui donne une chance à un nouvel équilibre: Jasmine et Tania posent face à leurs hommes une parole libérée, une parole qui s'affirme et ne transige pas; et Ivanov et Ibrahim ne peuvent faire autrement que d'y être attentifs.
Quelque chose a profondément changé: les femmes ne peuvent plus se taire et les hommes ne peuvent plus rester sourds. Cette nouvelle donne offre un espace de création qui, quoique fragile, laisse une chance à quelque chose de nouveau.
Aussi, lorsqu'au beau milieu de la noce un enfant se perd, il va se trouver un certain nombre d'invités pour accepter d'interrompre la fête et se mettre en quête de cet enfant. Plus encore, ils accepteront une fois l'enfant retrouvé d'écouter l'écho de ses pleurs en eux même. L'enfant est alors, on l'a compris la clé qui mène chacun à la source de lui même. Et le processus de retour à soi est l'issue que tente d'explorer les protagonistes du mariage pour résister à la reproduction des schémas archaïques et s'en libérer.

Ce mariage «réunit » une famille «blanche» (celle de Patoun) et une famille «maghrébine» (celle de Mouloud). L'Histoire de la France et de l'Algérie, celle de la colonisation, de la guerre d'indépendance ou des événements d'Algérie (selon la vision que l'on adopte), de l'immigration mais également les problématiques de l'identité, de l'intégration, de la radicalisation teinte la pièce. Elles viennent prêter leur matière complexe à l'histoire et permettent de poser la question de la mémoire: Que faire de l'Histoire? De ses blessures? Y a t 'il une place pour le pardon? Pour l'oubli?
En organisant ce mariage, les amoureux engagent leur famille sur un chemin de résilience. Quelle que soit la conscience qu'ils en aient, quelle que soit leur l'intention, c'est un fait: ils devront s'affronter aux dénis, aux secrets, à l'innommable, à la divergence des visions.... A tout un amas complexe et parfois inextricable de fait qui appartient à la mémoire et qui s'invite dans le présent par le ressentiment qu'ils ont généré.
Il ne s'agit pas d'un spectacle sur le thème des rapports douloureux de la France et de l'Algérie, notre projet est davantage de se poser la question du rôle de l'Histoire dans le présent...
On ne peut expliquer l'actualité qu'en connaissant l'Histoire, qu'en se confrontant à la réalité de la mémoire (consciente ou inconsciente). On ne peut donner une chance au présent qu'en tenant compte de ce qui s'est passé «avant».