Le personnage de Moi-Même au début de la pièce Illusions Comiques. Attention cette étude ne concerne pas le personnage dans la totalité de la pièce.
Le
personnage de Moi-même
Illusions comiques est une pièce écrite
et publié en 2006 par l’écrivain, comédien et metteur en scène Olivier Py. Cette
pièce raconte l’ascension fulgurante puis la chute tragique d’un écrivain, les
aléas de la vie au sein d’une troupe de théâtre, la place du théâtre, sa
fonction au sein de notre société mais également, en arrière-plan une réelle
lutte une guerre contre le SIDA. Puisque Moi-Même et ses camarades se
souviennent du poète mort trop tôt, Jean-Luc Lagarce. On peut aisément
remarquer la grande diversité et le nombre important de personnages qu’elle
contient. D’autant plus qu’ils ne sont uniquement interprétés par Olivier Py et
sa fidèle troupe constituée d’Olivier Balazuc, Samuel Churin, Michel Fau,
Philippe Girard, Élizabeth Mazev, Bruno Sermonne, Mireille Herbstmeyer. Ces
différentes personnes ayant marqué le quotidien de Py se retrouvent dans sa
pièce sous les personnages de Monsieur Balazuc, Monsieur Fau, Mademoiselle
Mazev ou encore Monsieur Girard… On retrouve également Olivier Py, lui-même,
derrière le personnage de Moi-même qui sera au cœur de notre étude du jour
suite au visionnage d’une captation du début de la pièce, la scène
d’exposition.
La pièce débute de façon bruyante et
relativement désordonnée : les personnages rentrent et circulent dans tous
les sens, le pianiste accorde et répète… puis
les comédiens s’attablent face aux miroirs comme s’ils étaient dans des
loges. Moi-même, quant à lui circule dans le public où il va se tenir pendant
un certain temps. De ce fait, il n’y a plus de quatrième mur puisqu’une
interaction s’opère entre Moi-même, dans le public, et les autres personnages
présents sur scène. Cette place pourrait également faire référence à la place
du metteur en scène qui, installé dans public observe et dirige les acteurs sur
scène. En effet, Moi-même étant le double théâtral d’Olivier Py il s’avère donc
être également metteur en scène au sein d’Illusions Comiques.
Par la suite, il rejoint les autres acteurs sur plateau où
il se déplace et bouge énormément : circule de jardin à cour, du lointain
jusqu’à l’avant de la scène il finit par s’asseoir…
En observant,
il semblerait que chacun des personnages soit doté d’un fort caractère. Celui
de Moi-même se caractérise notamment par ses nombreux grands gestes mais
également par sa parole plutôt joyeuse et très puissante. Dans ce début de
pièce il passe par de nombreuses émotions et états : de la joie, de
l’euphorie lors de la lecture du journal qui contient des éloges de son art à de la
colère envers ses acteurs sur qui il va même hurler.
Durant la
première intervention de Tante Geneviève, jouée par Michel Fau, on comprend la
complicité présente au sein de cette troupe mais également la surprise face à chaque représentation qui
peut être qualifié d’unique. Olivier Py ne peut s’empêcher de rire en essayant
tant bien que mal de rester dans son rôle face au jeu complètement burlesque et
hilarant de Michel Fau. Cela rappelle également la difficulté de cet art qu’est
le théâtre.
En ce qui
concerne les costumes : tous les acteurs portent une tenue neutre noire à
l’exception de Moi-même qui est vêtue d’une chemise blanche. Au courant de la
pièce les acteurs sont amenés à ajouter des accessoires ou changer
intégralement de tenue pour l’interprétation d’autres rôles. Le personnage de
Moi-même, par exemple, reçoit une écharpe scintillante au couleur de la France
après avoir été nommé Ministre de la Culture par le ministre de la culture
lui-même…
En effet,
outre l’écharpe qui marque la puissance naissante de Moi-même on observe que
son jeu et notamment sa position sur scène se transforme. L’article, lu par les
acteurs, marque ce changement. Celui-ci est le départ de la suprématie de
Moi-même. Initialement aux côtés et même niveau des personnages de Mademoiselle
Mazev, Monsieur Balazuc et Monsieur Fau, Moi-même va se placer sur une estrade
qui le surélève et montre ainsi sa supériorité son succès grandissant. On le
voit même allongé comme le faisait les puissants empereurs romains dans
l’Antiquité. Cet te assurance acquise semble s’effacer à l’entrée du personnage
de Maman. On retrouve une certaine complicité, celle d’une mère ultra protectrice
et manipulatrice et son fils comme retombé en enfance depuis son entrée.
Il est impossible d’aborder la mise en
scène d’illusions comiques sans
aborder les visages blancs. Les acteurs ont leurs visages recouverts, maquillés
tout de blanc. Il s’agit là d’un choix parfaitement réfléchi dont plusieurs
interprétations s’offrent à nous. On peut y voir, tout d’abord, une référence
au théâtre de l’Antiquité où les acteurs étaient amenés à incarner plusieurs
rôles au sein d’une même pièce ou même un seul acteur prenant en charge tout
une distribution. Ainsi les acteurs portaient un masque blanc à trois
visages pouvant facilement exprimer plusieurs émotions : la joie, la
tristesse et la colère. Cette première hypothèse peut être envisageable dans la
mesure où les acteurs incarnent plusieurs personnages, ce qui permet une
certaine neutralité de base autour de laquelle peuvent s’ajouter d’autres
traits de caractères ou accessoires.
Ces visages
blancs peuvent également symboliser un effacement de l’acteur derrière le
personnage qu’il incarne. Par exemple, Olivier Py interprète le personnage de
Moi-même et non Olivier Py. On peut reconnaître ses traits aisément sans pour
admettre qu’il s’agit bien de lui.
Ainsi ces
visages blancs peuvent donc nous rappeler à nous spectateurs que nous sommes
bel et bien face à une pièce de théâtre et ses personnages et non face à un
pastiche de la vérité.
On retrouve
également derrière ce maquillage une référence directe au cabaret où les
acteurs, chanteurs et danseurs se recouvrent intégralement le visage de blanc.
Olivier Py est un adepte et pratique lui-même l’art du cabaret et notamment
celui du travestissement.. En effet, Py avait créé tout un spectacle où il
incarnait une chanteuse Drag-Queen « Miss Knife » qui chante au
rythme du jazz ses amours, le temps qui passe, la jeunesse, la vieillesse. Le
cabaret semble très important au sein de la pièce de Py puisque la question du
travestissement et de la recherche identitaire semble également être au cœur de
l’intrigue.
Pour finir,
le personnage de Moi-même communique régulièrement avec
celui du poète disparu. Ces deux personnages étant de deux mondes
différents : le premier appartient au monde des vivants, le seconde à
celui des morts. Afin de marquer cette distinction tout en permettant une
communication entre eux Moi-même s’adresse au poète en étant dos à lui. On peut
y voir ici une volonté de rappeler que le poète n’est plus visible de Moi-même
tout en étant bien présent dans ses souvenirs, sa tête avec sa parole
résonnante.