Il est possible aussi de résumer la pièce autrement :
Félix,
gouverneur romain d’Arménie a une fille Pauline qui, soumise à la
volonté de son père a renoncé à son amour pour Sévère qui n’était pas
d’un rang assez convenable. En bonne fille, elle a épousé un noble
arménien Polyeucte qu’elle finit par aimer d’un amour sincère, même si
elle n’oublie pas Sévère. La pièce s’ouvre sur le songe/cauchemar de
Pauline où elle voit son mari mis à mort devant Sévère.
Et
justement Sévère devenu le protégé de l’empereur vient en Arménie pour
fêter ses dernières victoires lors d’un sacrifice aux dieux païens.
Au
même moment, Polyeucte fraîchement converti par Néarque se fait
baptiser en secret et décide de détruire les idoles en public lors du
sacrifice. Néarque est exécuté sur le champ.
On cherche à sauver Polyeucte qui décide toutefois de mourir en martyr non sans avoir au préalable « cédé » Pauline à Sévère.
Finalement,
après l’exécution de Polyeucte, Pauline et Félix se convertissent au
christianisme tandis que Sévère se révèle le seul personnage mesuré de
l’histoire, il tente d’apaiser les passions et prône la tolérance envers
les chrétiens.
Texte de Nietzsche que Brigitte Jaques-Wajeman a rajouté à la fin
Nietzsche L’Antéchrist
« Que des martyrs prouvent
quelque chose quant à la vérité d’une cause, cela est si peu vrai que je
voudrais nier qu’un martyr eut jamais le moindre rapport avec la
vérité. Dans le ton avec lequel un martyr jette à la tête du monde sa
certitude, s’exprime déjà un si bas degré de rectitude
intellectuelle, une telle stupidité devant le problème « vérité », qu’un martyr ne vaut jamais la peine qu’on le réfute.
(...)
Les martyrs, soit dit en passant furent un grand malheur dans
l’histoire, ils séduisirent...Déduire comme font tous les idiots (...)
qu’une cause pour laquelle un homme accepte la mort (ou même comme pour
le premier christianisme), qui provoque des épidémies d’envie de mort,
doit bien avoir quelque chose pour elle - cette logique fut un frein
pour l’examen, pour l’esprit d’examen et la prudence. Les martyrs
portèrent atteinte à la vérité...
Comment ! Que l’on donne sa vie pour une cause, est-ce que cela change quelque chose à sa valeur ?
Les
martyrs tracèrent sur le chemin qu’ils suivaient des signes de sang et
leur folie enseignait que la vérité se prouve avec du sang.
Mais
le sang est le plus mauvais témoin de la vérité, le sang est un poison
qui change la doctrine la plus pure en délire, en haine des cœurs.
Et quand on irait traverser le feu pour sa doctrine, qu’est-ce que cela prouve ?
Extraits de la conférence de Monsieur Fischer à la Médiathèque Gerrer:
La pièce a été créée, sans doute en 1641/421 au théâtre du Marais à
Paris, elle traite de la rapidité et des effets d’une conversion au
christianisme dans les premiers temps de notre ère, sous l’empire
romain, d’un jeune noble arménien Polyeucte, devenant un saint et un
martyr, connu essentiellement par le théâtre.
En ce sens,
et par sa dimension de tragédie chrétienne, Polyeucte a une place un
peu singulière dans l’œuvre de Corneille, au moment de sa grande
maturité, elle fait suite aux tragédies dites romaines : Horace, Cinna,
Pompée où s’affirme la figure du héros cornélien.
Présente
pendant longtemps parmi l’étude des classiques au lycée où elle
fonctionnait comme trait d’union entre « la France fille aînée de
l’Eglise » et son éducation laïque, la pièce s’est faite beaucoup plus
discrète et est finalement assez peu représentée.
La mise en scène de Brigitte Jacques-Wajemann a pris le
parti de montrer dans cette tragédie la manifestation et les ravages du
fanatisme religieux où un homme jeune, fraîchement marié s’exalte à
l’idée de mourir pour son dieu et une vie éternelle après avoir détruit
les idoles romaines :
« Allons, mon cher Néarque, allons aux yeux des hommes
Braver l’idolâtrie, et montrer qui nous sommes;
C’est l’attente du ciel, il nous faut la remplir,
Je viens de le promettre, et je vais l’accomplir. »
Comment ne pas faire le parallèle avec des événements récents, Bâmiyân, Mossoul, Tombouctou, Palmyre etc. ?