Sandrine Pires défend un
théâtre qui engage le corps et demande une présence très incarnée. Elle a
choisi, contrairement à Patrice Verdeil, l’an dernier, qui a travaillé surtout sur le
premier acte et sur la présence du Poète Mort trop tôt, de s’intéresser au
deuxième et au troisième acte, à l’ascension fulgurante de Moi-même et à sa
chute, à tout ce qui concurrence le théâtre comme art de la Parole, à l’exil des comédiens qui ne sont chez eux
finalement que sur un plateau de théâtre, dont pourtant ils peuvent être
chassés parfois, toujours en errance, privilégiant ainsi une réflexion sur ce
que dit la pièce de la condition concrète des gens de théâtre, de leurs rêves d’influence
sur la société, de ce que peut le théâtre ou pas, de ce qui « insiste »
dans cette parole que l’on montre comme le dit Philippe Girard lorsqu’il
incarne le tragédien.
Olivier Py a écrit une pièce qui est un
hommage aux acteurs amis de sa compagnie, une célébration du théâtre .Il s’est
abreuvé de la parole de ses acteurs et leur propose de jouer un condensé d’eux-mêmes.
Il remet dans leur bouche leurs propres paroles. Selon Sandrine, la pièce ne nécessite pas grand-chose d’autre que
l’acteur et son infini capacité de métamorphose. L’acteur dit par exemple « je
fais le marchand de mode » et il se transforme à vue, même les costumes
peuvent être dessinés par le jeu de l’acteur, par exemple la grande jupe de
maman sous laquelle se cache Moi- Même ou son costume de lapin. Elle souhaite travailler
sur le mouvement, permettre aux élèves d’expérimenter un corps qui soit à la
hauteur de la Parole. Elle leur a demandé de jouer chaque mot, de le donner à
voir et de s’emparer du plateau avec fougue. Au début du projet elle a insisté sur le côté carton pâte du théâtre :
pancartes pour signaler le rôle, accessoires comme la fameuse « épée de
bois », sur un acteur qui serait aussi un artisan-bricoleur en demandant
aux élèves d’apporter ficelles, marqueurs, matériel de récupération, bazar dont
on peut se servir, grands cartons, mais au fur et à mesure des séances elle a
renoncé à cet aspect pour privilégier le travail sur le corps et la parole. Parce
que la pièce interroge l’identité même du théâtre, ses fonctions, Sandrine a
tenu à ce que les élèves proposent chaque semaine une définition du
théâtre d’après ce qui s’est passé dans la séance, ce qui a été travaillé en
particulier, en échos aux définitions qui figurent dans le texte à la fin de la
pièce. Les exigences de Sandrine qui engageaient profondément le corps et
demandaient un véritable lâcher prise ont paru parfois difficiles à satisfaire
pour les élèves mais ont sur la durée provoqué un véritable plaisir du jeu, une
Joie de théâtre, même si retrouver l’intensité à chaque répétition a été, est
un véritable défi.