mercredi 21 novembre 2018

Purge ( d'après la Mort de Danton), mise en scène Mathias Mortz

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PRÉSENTATION

La Mort de Danton raconte le divorce sans merci de deux ténors de la Révolution, Danton et Robespierre. L’humanisme orgiaque de l’un prône la réconciliation, la raideur conceptuelle de l’autre veut la Terreur. Pendant le combat le peuple a faim. Ensuite le peuple a toujours faim. Les révolutionnaires modifient tout mais à la fin, il reste l’exploitation et la férocité. Ce que découvre Büchner c’est que le destin de l’action humaine n’est ni la jouissance ni la liberté mais la déception. 
Dans cet espace amer Purge adapte trois moteurs. Le premier concerne les pierres d’attente qui connectent le texte de Büchner à des urgences d’aujourd’hui. Elles concernent par exemple la parité, l’avenir du corps humain ou les stratégies populistes. 
Le second amplifie le matériau burlesque. Il bouscule le grand récit jusqu’au bord de la farce, jette le rire de l’acteur sur le vide de l’histoire et dit la fêlure des personnages. 
Le dernier manifeste sur scène l’univers imaginaire de la pièce. Il construit une poésie du silence dont la matière provient des éléments référentiels et rhétoriques mis en jeu par Büchner.
Purge est la deuxième pièce de la Trilogie de l’Etat Urgent qui sera montée entre 2017 et 2019. 

NOTE D'INTENTION

D’où vient notre intérêt pour La Mort de Danton et pourquoi sa mise en scène porte le nom de Purge ? Trois raisons au moins l’expliquent.

La première est politique.
À quelques mois des élections présidentielles, le paysage politique français a fortement muté. Plusieurs chefs de file ont vu leur tête brutalement rouler dans le rejet. Le favori des sondages, inversant une remarque de Woyzeck, ne cache plus que la morale est une denrée pour démunis. Certains assurent que la Cinquième République est morte. D’autres lui promettent cette éternelle jeunesse que sait offrir le maquillage global. Face aux extrêmes, le corps électoral songe à s’abandonner au viol, et des jambes amputées ne parviennent plus jusqu’aux bureaux de vote.
Parce que La Mort de Danton met en jeu la fondation et le destin d’une république, on ne trouvera pas de pièce plus urgente.

La seconde est dramaturgique.
Notre but n’est pas de représenter la pièce du répertoire mais d’inventer ce que Büchner en ferait aujourd’hui. Lorsqu’il s’attaque à L’Histoire de la Révolution française de Thiers, il commence par déconstruire le texte. Il le reproduit, le coupe ou le condense puis le remonte pour obtenir des effets de rythme et de sens. C’est ce que nous ferons.
Il intercale ensuite des scènes qui sont des points de fuite vers l’univers de la conscience et de l’intime. C’est ce que nous ferons, en insistant sur leur nature plastique.
Après cela, il connecte un large réseau de références qui fait passer sur scène des personnages de Shakespeare, quelques auteurs modernes et des phrases piquées dans l’air du temps. C’est ce que nous ferons.
Il incruste des séquences musicales qui sont comme de la vie à l'état brut les nerfs à nu. Nous ne ferons pas autrement.

La troisième est biographique.
Dans le nom de Büchner, quelque chose se dit pour moi de fraternel et d’aigu qui perfore le théâtre et qui se fit Strasbourg, ce qui m’a toujours inspiré je ne sais quoi d’heureux en respirant l’air de ma ville.
La Dinoponera / Howl Factory joue rarement des pièces à l'état isolé.
Son prochain cycle regroupera Du sang aux Lèvres, la pièce écrite par Riad Gahmi à cette occasion, Purge, et une adaptation du Massacre à Paris de Christopher Marlowe. En d’autres termes le terrorisme en ce moment, le moment de la Terreur et les guerres de religion: une trilogie de l’état d’urgence.
Mathias Moritz