jeudi 30 mai 2019

Présentation de travaux Woyzeck

Il est des morts qui ne font pas de bruit, celle de Büchner fut de celles-là. De son vivant déjà, il n’était rien, ou presque : un exilé politique, un ancien agitateur désormais retourné à l’anonymat, un jeune professeur dont l’enseignement ne dura que deux mois, dans une discipline bizarre, l’anatomie animale. Côté littérature, il était l’auteur d’une seule œuvre, un drame historique, La Mort de Danton. Ce curriculum déjà modeste ne s’est accru que de la publication posthume des rares manuscrits recueillis après sa mort : un autre drame, à l’état de fragments, Woyzeck, une comédie destinée à un concours, Léonce et Léna, un récit inachevé, Lenz. Pourtant, c’est avec rien de plus que ce peu-là que Büchner a fait son entrée dans la modernité. Et la force de cette œuvre inachevée continue de nous étonner, quand on considère la postérité prodigieuse d’un homme mort à 23 ans
Büchner  dévoile  dans Woyzeck « l’obscène », ce qui est rejeté communément hors de la scène, hors du théâtre du monde : l’exploitation de l’homme par l’homme, la folie, les pulsions meurtrières. Il y approfondit la critique sociale de ses textes précédents en prenant pour personnage principal un pauvre diable qui sert de domestique à son Capitaine, de sujet d’expérimentation médicale, qui est trompé par sa femme et humilié en public par l’amant de celle-ci. Il finit par la tuer à coups de couteau.
Sandrine Pires a demandé aux élèves dans le traitement quasi choral de fragments de la pièce d’accentuer la dimension de marionnette des personnages, en proie chacun à une manipulation différente qui les mène vers une folie, toujours sous le regard du groupe qui semble exiger que chacun joue un rôle préétabli, comme le suggère le bonimenteur, animaux de foire et êtres humains aliénés ne sont guère éloignés les uns des autres. Et finalement le plus fou n’est pas Woyzeck dont le discours hanté n’est jamais dénué d’une profonde humanité. Il ne sait pas vraiment dire mais ce qu’il ressent sonne souvent juste et plonge dans un abîme vertigineux.