mercredi 15 mai 2019

question du regard dans Woyzeck(2)


Question du regard : de façon obsessionnelle : la sexualité et la mort cf Danton « Qu’est-ce qui en nous fornique, ment, vole et tue ? » Vie = « force fondamentale supportant les êtres pour les faire apparaître, et les détruisant sans cesse par la violence et la mort. »

Dr ne cesse de prédire des morts prématurées à ses patients rêvant à sa propre immortalité : « ma théorie, ma nouvelle théorie » (…) audacieux, éternellement jeune. Woyzeck, je deviens immortel. » DR comme David lorsqu’il vit Bethsabée : je ne vois que les culs de paris » : grivois.
Capitaine obsédé par la mort, le temps qui passe cf la roue du moulin
Visions de morts de Woyzeck cf la tête qui roule qui ressemble à un « hérisson »
Le capitaine accuse Woyzeck de se poignarder avec ses yeux !
La mort habite le regard de tous .

Geste du meurtre potentiellement en chacun, Woyzeck paraît le plus conscient de cela ;
Cf dans l’auberge «  Vous croyez que j’ai tué quelqu’un ? Je suis un assassin ? Pourquoi vous me regardez comme ça, regardez-vous vous-mêmes ! »

Woyzeck observant sa bien aimée entrain de danser : oui vautrez-vous les uns sur les autres : » puis vision d’un carnage : pourquoi ça devient rouge devant mes yeux ! C’est comme s’ils se vautraient dans une mer de sang, tous ensemble ! Une mer rouge ».
 Truchement du fou : ambigüité du mot sang à la fois source de vie et indice de mort : « ça pue ça pue le sang »

Dimension animalière : cf Tambour= taureau, comme un lion » élevage de tambour-major, bête sauvage ; » sexualisation du regard qui entraîne l’abolition d’une coupure nette entre le règne animal et celui des hommes. C’est du pareil au même. Cf réplique de Marie après avoir céder)
Œil verre grossissant où les forces qui traversent leur organisme se donnent à lire, malgré eux, de manière particulièrement nette.
Personnages aveugles en grande partie à ce qui les meut.

Pièce elle autoréflexive : cf scène de la foire et du bonimenteur : mise en abyme de l’invitation à entrer voir un spectacle, sorte de prologue

Technique du dressage grâce à la quelle le singe bat en brèche la frontière entre le règne animal et celui de l’homme, en passant du statut de simple créature voire du néant pur et simple à celui d’homme-soldat art cf différence en allemand entre Bildung et ERziehung : culture et dressage
Ce qui est dressé pas seulement les animaux mais le regard des spectateurs, des badauds auquel l’art oratoire déployé par le bonimenteur inculque une certaine manière de voir. Accomplit la métamorphose du singe de manière performative ici et maintenant et dimension visuelle du processus la pseudo humanisation des animaux animalise en fait les humains conditionnés et dressés.
// avec la leçon du Docteur aux étudiants du haut de sa lucarne : très dirigiste le dr demande à Woyzeck de remuer les oreilles. « Transition de l’homme à l’âne » : dégradé au rang d’animal, incite le public à participer à la constitution de l’individu Woyzeck.
Frontière instable entre animal et humain et enjeux du pouvoir qui sont attachés à un tel partage du savoir ; visée satirique grotesque et ridiculise le docteur en assimilant sa démonstration outrancière à un spectacle de foire .

Deux mécanismes disciplinaires montrés sur scène : spectateurs invités à participer à ces processus disciplinaire : malaise. Formuler un diagnostic, un jugement.
Le regard esthétique de nous autres spectateurs n’est pas complètement désintéressé. Ambivalence du dispositif théâtral.
Cf le policier à la fin : «  un bon meurtre, un vrai meurtre, un beau meurtre aussi beau qu’on peut le désirer, il ya longtemps qu’on n’en a pas eu de pareil. » Registre esthétique, dimension spectaculaire de l’acte, curiosité morbide plus important que savoir qui l’a commis même réaction du policier que de l’enfant qui veut encore voir quelque chose avant qu’on l’emporte.
Woyzeck historique première personne à avoir été exécutée en public ;
Assassinat considéré comme l’un des beaux arts : Thomas de Qincey
Paroles du policier peuvent aussi être interprétées comme le fin mot de l’histoire : le geste fatal de Woyzeck remplit une place vacante toujours déjà prévue par le système disciplinaire dans son ensemble.


Après avoir donné un certain nombre d’effets personnels à Andres, Woyzeck sort un document écrit e lit à haute voix : » Friedrich Johann Franz Woyzeck fusillier assermenté au 2ème régiment, 2ème bataillon, 4ème compagnie, né le jour de l’annonciation, j’ai aujourd’hui 20 juillet 30 ans, 7 mois et 12 jours. » : scène testamentaire ? Woyzeck lèguerait ses affaires à Andres avant de passer à l’acte. ? On peut aussi l’interpréter comme un acte de naissance : production réussie de l’individu Woyzeck : il reprend à son propre compte l’identité qui lui a été inculquée au premier chef par l’appareil disciplinaire de l’armée cf Woyzeck obligé de se rendre à l’appel ( lire à voix haute le nom le grade de chaque soldat suivis des tâches à accomplir le lendemain. Version papier de cet appel que Woyzeck sort de sa poche, mais à la première personne « je ». Il n’est pas seulement le protocole constitué par le docteur : « Urée, 0, 10 chlorue d’ammonium, hyperoxydule ».

Mais le mot allemand pour dire cet appel « Verles » veut aussi dire la faute que fait quelqu’un en lisant ( misreading). 
Le « je » de Woyzeck se permet un « jeu ». IL est l’effet d’une construction.

Woyzeck lecteur, « déchiffreur de signe », dimension poétique du personnage ;

Lire Woyzeck à travers les yeux de Woyzeck ?

Pbl. de lectures quand Woyzeck ne cesse d’attirer l’attention de son compagnon Andres sur les signes visuels et acoustiques cf première scène de la 2ème ébauche : «  Oui Andrès c’est ici l’endroit maudit. Tu vois cette fine trainée, là, sur l’herbe, où les champignons poussent, là le soir la tête roule, quelqu’un l »a ramassée une fois, croyait que c’était un hérisson (…° C’étaient les francs-maçons , on ne me l’a fait pas.)…
Sensibilité plus aiguisée qu’Andrès  ( nom qui signifie les autres, les hommes en général) car en plaquant son oreille au sol, il perçoit le sondes acoustiques bien avant que ne les entende son compagnon.
Mais assigne à ces perceptions un sens déterminé qui les fait basculer dans le délire, sens puisé dans des croyances superstitieuses, théorie du complot, passages de la Bible (ancien testament, apocalypse)
Il ne cesse de transformer en signes, dans le but de dire un manque initial, des objets apparemment choisis au hasard : perturbant
Cf la scène sur la nature avec le docteur : toile d’araignée, champignons, voix)  pb d’un personnage mélancolique confronté à une lecture infinie des signes.
Mais dans la dernière version plutôt personnage au bord de l’aphasie ( incapacité de parler), bredouillements impuissants// gestualité saccadée
Image de la toile d’araignée rend compte du fonctionnement du système panoptique à l’oeuvre dans la pièce.