mardi 14 janvier 2020

La Cerisaie de Tchekhov: exploration

Deux metteurs en scène et acteurs parlent de la pièce en 2015, ils jouent tous les deux Lopakhine: A écouter tout de suite après les infos: La Cerisaie sur l'émission La Grande Table 
Dans l'émission on entend une partie du début que nous avons lu lundi . On entend aussi le traducteur.

L es metteurs en scène Christian Benedetti et Frank Vercruyssen, du collectif TG Stan, montent et jouent tous deux dans La Cerisaie de Tchekhov. Ils nous parlent aujourd'hui de cette pièce à la fois comique et tragique, dont les personnages ne sont jamais jugés moralement mais illustrent une forme de destruction de soi par la recherche de vérités intimes. Une pièce qui pose, selon Christian Benedetti une question essentielle : "comment être à l'heure à un rendez-vous qu'on ne peut que manquer, celui de sa propre vie?"

Lecture de la pièce sur France Culture

La Cerisaie, achevée en 1904, est la dernière pièce d’Anton Tchekhov. Œuvre somme, elle associe le réalisme des conversations et des actions quotidiennes, au symbolisme des apparitions spectrales et des sonorités (à la manière de ce bruit de « corde cassée, mourant, triste », qui retentit aux actes II et IV). 
Œuvre phare, la pièce met en scène les mutations historiques du tournant du xixe et du xxe siècle : déclassement des anciens propriétaires fonciers, avènement d’une nouvelle bourgeoisie, aspirations utopistes de la classe étudiante.

 Les didascalies tchekhoviennes sont nombreuses et précises. Au xixesiècle, le discours didas-calique se développe par rapport à l’époque classique : il est influencé par les descriptions romanesques.

 La pièce est structurée en acte, mais il n’y a pas de découpages en scènes. Ces sont les didascalies, très nombreuses, qui prennent en charge les indications concernant l’entrée ou la sortie d’un personnage. On notera le grand nombre de mouvements de scènes, d’entrées et sorties, qui marquent l’agitation des personnages au moment de l’arrivée de Lioubov et de sa
famille. La mise en espace fera apparaitre ces variations de manière évidente (deux personnages, puis la scène vide, puis Firs seul, puis huit personnages au moins, et enfin deux couples de femmes successifs).Tous ces mouvements donnent à la scène son réalisme. Comme dans la vie, certains personnages passent, sans avoir d’action précise à faire sur scène (c’est le cas de Firs, p. 13), ou de réplique essentielle à dire (comme Charlotte qui parle de son chien, p. 14). Chacun s’affaire. Des discussions s’engagent de-ci, de-là. On a donc un sentiment « d’éclatement » de l’action dramatique en petites actions simultanées, comme dans la vie quotidienne.
 Les rires et les pleurs – émotions contradictoires – ne cessent de se relayer dans cette scène, ce qui montre l’intensité des émotions des personnages au moment des retrouvailles. Le personnage le plus étonnant de ce point de vue-là est bien celui de Lioubov, qui allie les deux émotions (p. 13 « d’une voix joyeuse, les larmes aux yeux »). D’emblée, on ne sait pas quel registre domine dans la pièce : comique ou pathétique ?