mercredi 22 janvier 2020

Oncle Vania à l'Odéon, mise en scène Stéphane Braunschweig

Emission de radio sur france Culture L'appel de la forêt

 Astrov : – (...) L’homme a été doué de raison et de force créatrice pour multiplier ce qui lui était donné, mais, jusqu’à présent, il n’a pas créé, il a détruit. Les forêts, il y en a de moins en moins, les rivières tarissent, le gibier a disparu, le climat est détraqué, et, chaque jour, la terre devient plus pauvre et laide. (A Voïnitski). Tu me regardes d’un air ironique, là, et rien de ce que je dis ne te paraît sérieux... et... peut-être que, pour de bon, c’est des histoires de toqué, mais quand je passe devant les bois des paysans que j’ai sauvés de la hache, ou quand j’entends bruire ma jeune forêt, plantée de mes propres mains, j’ai conscience de ce que le climat, lui aussi, est un tant soit peu en mon pouvoir, et que si, dans mille ans, les hommes sont heureux, eh bien, ça sera aussi, un tant soit peu, de mon fait. Quand je pense à un bouleau, que je le vois se couvrir de feuilles et se balancer dans le vent, mon âme s’emplit de fierté, et je... (Voyant le valet de ferme qui lui apporte un petit verre de vodka sur un plateau.) N’empêche... (il boit) il est temps que j’y aille. Acte I, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan (éd. Actes Sud)

Pour lui, Tchekhov est comme une sorte de lanceur d'alerte sur la destruction de la nature.

Oncle Vania (sous-titrée "Scènes de la vie de campagne"), créé au Théâtre des Nations de Moscou le 15 septembre 2019, sera joué au Théâtre de l’Odéon du 16 au 26 janvier 2020 dans la mise en scène de son directeur Stéphane Braunschweig. C’est la quatrième pièce de Tchekhov qu’il monte, cette fois-ci avec des acteurs russes. Avec nous, il affirme que "le quotidien est le sens même du théâtre".
A chaque nouvelle lecture, on est sensible à des choses différentes, et cela dépend du contexte, de l’époque. Il y a tout ce discours d’Astrov sur la destruction de la planète qui, jusqu’alors, passait inaperçu …Tchekhov lui-même est extrêmement attentif à cette dégradation des campagnes russes et, ce qui est intéressant, c’est qu’il le met tout de suite en relation avec la destructivité de l’homme.     
(Stéphane Braunschweig)
L’histoire de Vania est l’histoire d’un homme qui perd ses idéaux, ses croyances, ce qui était son moteur de vie. Et il ne le supporte pas. Il détruit les relations autour de lui. Et, chez Tchekhov, les destructions d’ordres psychologiques sont aussi importantes que les destructions écologiques.     
(Stéphane Braunschweig)
Dans la pièce la plus sombre du dramaturge et nouvelliste, publiée en 1897, le metteur en scène a notamment mis en avant la dimension écologique. La Russie de la fin du XIXe est en effet en proie à une peur eschatologique liée à l’anéantissement de la nature par l’homme. En ce sens, Tchekhov fait figure de visionnaire, distillant une inquiétude mêlée à l’angoisse métaphysique qui travaille toujours ses personnages. Celui d’Astrov, double de l’auteur – et peut-être du metteur en scène – incarne l’oscillation entre la tentation d’un espoir et le plus profond désarroi.
Les acteurs russes sont dans cette tradition très stanislavskienne du jeu, ils ont besoin de savoir énormément de choses sur leur personnage ; moi, je pars plutôt des relations, des situations. Pour moi, ce sont les situations qui déterminent les personnages et pas les personnages qui déterminent la situation.     
(Stéphane Braunschweig)
Je suis quelqu’un de très attentif au texte mais je ne glorifie pas la langue. Je crois que c’est le sens et le concret qui donnent la force à la langue et pas le contraire.

 https://www.theatre-contemporain.net/images/upload/pdf/f-39b-5e21f5e5890b7.pdf