lundi 5 octobre 2020

1er spectacle Salle Europe vendredi 9 octobre Après la fin de Dennis Kelly ( 1ères et Terminales)

 Salle Europe, 20h, vendredi 9 octobre Après la Fin de Dennis Kelly, mise en scène Catherine Javoleyes ( durée 1h45) ( 4,25 dans une enveloppe à votre nom.)

Découverte d'un auteur contemporain anglais: Dennis Kelly

 L’ÉCRITURE DE DENNIS KELLY

 C’est une écriture très rythmée, incisive, percée de silences, de pauses.De longs monologues alternent avec des dialogues courts saccadés et des accélérations. La pièce n’est pas bavarde elle va à l’essentiel, c’est une écriture musicale qui doit se respecter comme une partition. Cette forme d’écriture est assimilable à un effeuillage qui est aussi le


mode d’évolution du couple Mark-Louise. Ils se dévoilent au fur et à mesure. Pour le spectateur, l’intrigue se construit par petites touches. A lui de trouver le cœur du drame s’il pense qu’il y en a un.C’est un nouveau genre d’intrigue policière que proposent ces dramaturges britanniques. À l’opposé du principe d’explicitation, les enquêtes policières de Kelly se structurent autour de l’absence, du vide, en d’autres termes, de ce que l’on pourrait appeler lenon-dit.

Esquisse de fable: 

Louise reprend conscience après une explosion nucléaire. Mark, un ami de longue date, est à ses côtés. C’est lui qui l’a sauvée en la transportant dans un abri souterrain, vestige d’un autre temps, dissimulé à l’arrière de son appartement. Ils ont pour seules ressources de quoi tenir quelques jours, le chaos semble régner au-delà des murs.

Dans la précarité de cette proximité contrainte, Louise et Mark se livrent à un combat pour tenter par tous les moyens de survivre au détriment de l’autre : culpabilité et asservissements, violences physiques et psychiques, mépris et séduction, les mots et les corps deviennent des armes aliénantes. Mue par une amitié qui semblait pourtant infaillible, leur relation et leur intégrité se désagrègent dans cet environnement carcéral.

Après la fin est un théâtre d’acteur, car mélangeant les genres, il l’oblige à avancer dans le présent, sur le fil entre le thriller, la comédie et la tragédie.C’est une forme de théâtre psychologique où le personnage porte en lui les contradictions profondes de notre réel.Ici: on sort les personnages de leur environnement naturaliste et on aboutit à une certaine forme d’abstraction.

 C’est aussi un texte politique, il est exigeant et radical, interroge le fonctionnement de nos sociétés européennes et des individus qu’elles produisent, sans jamais dire ce qu’il faut faire ou penser; le public est engagé à travailler en résonance avec ses propres vécus. L’auteur nous incite à explorer plusieurs thématiques à partir de son texte: notre relation à l’autre, à l’étranger, nos choix de vie, nos difficultés à dire, nos frustrations, nos désirs, nos peurs au sein de la société, l’impact du libéralisme mondial sur l’évolution de l’humanité, notre animalité, le rapport à la violence et l’incroyable résilience humaine ...La violence de notre monde apparaît dans le blanc des mots quand elle ne s’exprime pas ouvertement. Dennis Kelly nous met face à ce qu’il y a de plus terrible mais aussi de plus fragile et de plus friable chez l’être humain.Il ouvre le dialogue avec le public; Mais le théâtre de Dennis Kelly est un théâtre qui observe le monde que nous fabriquons sans être un théâtre sociologique. Il incite aux prises de conscience de façon sous-jacente. C’est un théâtre qui se joue des frontières entre action et réalité, et qui par son goût du ludique, permet de mieux appréhender nos propres réalités souvent si complexes.

 Ce théâtre est écrit pour des acteurs qui prennent plaisir à décrypter l’humour et l’absurde enfoui dans les situations aussi horribles que rocambolesques. Or, ce plaisir de jeu se communique très vite à la jeune génération. L’humour fait partie de l’écriture anglaise, c’est l’ingrédient qui fait que la situation du spectacle qui est en train de se jouer, est aussi importante que la situation des personnages elle-même. 

 Le théâtre anglais est aussi spécialiste de l’assemblage de genres : on passe d’une comédie de genre enlevée à un thriller qui glace le sang, pour revenir à un drame romantique ou à un simple fait divers. C’est une matière à réflexion. Ici, on ne doit pas entrer en compassion avec les personnages. On doit voir l’endroit où ils piétinent, s’aveuglent et rendre le spectateur complice de l’absurde qui en découle.C’est cela qui génère l’humour grinçant des situations.