Personnages dans mises en scène de Chéreau
Prince : pas soupirant. Dirige, décrète, même la machinerie lui obéit. Tient la princesse en son pouvoir, captive. Allure de rastaquouère à cheveux gominés de Roland Bertin ( acteur), mondain des années 30. Arrogant, distant, ironique. Flux de paroles et soudain éclat violent débit plein qui s’interrompt pour détacher un mot, harmonie courtoise de surface. Leçon de philo emprunte de rudesse. Mouvements onctueux puis brutaux( ex. caresser le cou violemment d’Hermiane)
Hermiane : princesse triste en robe blanche, pas maîtresse régnant sur sa domesticité : victime malmenée, moquée par ses suivantes et les autres invités. On lui impose la vision de l’expérience cruelle : dissection du cœur humain. Chéreau la fait glisser vers la Marquise de Merteuil ( personnage des Liaisons Dangereuses) sans la rendre aussi perverse. Elle ne peut diriger ses pas où elle souhaite, les femmes, maquerelles blafardes, rient quand elle se plaint. On lui impose de se regarder dans un miroir quand elle voudrait détourner ses yeux d’elle-même, rayons lumineux qu l’agressent. Comédienne étrangère au léger accent
Petit podium: acteurs du prologue limités dans leurs évolutions, trop près des regards et des souffles des spectateurs ; mal à l’aise en surplomb près d’une fosse de 3m. acteurs en danger quand ils traversent la passerelle étroite ; 1976: mort qui plane, cauchemar, Hermiane démaquillée // Cris et chuchotements.
Carise et Mesrou : serviteurs noirs fondus dans les feuillages effraient la Cour, rire moqueur, action par le rire quand ils n’ont pas de texte à dire. Pas d’indulgence à l’égard des enfants qui s’étonnent devant le monde ou résistent aux diktats. Enfants racistes qui les trouvent laids : Noirs américains tournent en dérision les enfants, les rabrouent ; Présents ils les inquiètent, absents ils leur manquent. Font office de parents nourriciers, de serviteurs et de gardiens. Transmettent les quelques objets nécessaires, énoncent les noms nouveaux ; accent, élocution déformante = langue secrète des rites de passage. Noirs vêtus de noir très dignes, pas de geste quotidien, même lorsqu’ils baignent, sèchent, talquent le dos d’Eglé ou qu’ils lui tendent un miroir ou un portrait. Manière appuyée de prononcer le nom d’Azor, clarifient pour le spectateur les étapes de l’expérience , opposent aux enfants une présence active, les provoquent, font obstacles. Le Prince intervient lui-même, dirige, donne des signaux jette des clés agite un mouchoir, suspend une scène nous le voyons mener les enfants à leur perte.
Interprètes des enfants très marqué par ce travail : incités à se chercher eux-mêmes quête de soi, enfance 1er homme et 1ère femme quand aucun tabou ou préjugé social ne pesait sur eux. Etat antérieur d’où peuvent surgir les pulsions.
Partir du rien comme si la bonne éducation n’avait pas existé. Enfants qui vagissent à terre, poussent des cris, ont peine à tenir les yeux ouverts etc corps gauches, maladroits « un bloc de solitude » A 19 an sils découvrent ce que l’on découvre à entre trois et dix ans. Réflexes d’enfants pas tout à fait innocents mais il y a une part de la vie qu’ils n’ont pas eue.
Retour aux sources pratiqué par tous les artistes ; psychanalyse, thérapie. Pas faire une sauvagerie de composition, pas l’idée du sauvage.
Eglée et Adine: Filles en longs bas noirs et robes à la Lewis Carol ( époque où l’on commence à redécouvrir l’enfance), se meuvent en toute liberté, jambes ouvertes, seins à l’air. Les garçons se dénudent, chacun inventorie son propre corps et s’en émerveille ou s’en irrite que l’Autre a semblable corps et l’agresse immédiatement. Texte disloqué, diction futuriste. Choc entre la prose policée de Marivaux inattendue dans leur bouche, langage artificiel que l'on a bizarrement inculqué aux enfants; comportement à la Hélène Keller. Enfants qui ne marchent ni ne dansent mais sautillent, équilibre incertain, désarticulés. Rien de devait être routinier stéréotypé, quotidien pour les acteurs.
Partir du sol pour explorer les situations. Assis, rampant à quatre pattes : innocence enfantine, état neuf : éclosions des désirs, des passions. Première fois. Devenir débutant pour l’acteur aussi . Chéreau cherche avec les comédiens, pas gourou. « accoucheur de comédiens », accoucheur de personnage en tous les cas. Soumis à la violence : Eglée projetée sur scène les yeux bandés dans un lieu inconnu. « Séminaires d’aveugles artificiels » où pour découvrir l’origine des sensations on bandaient les yeux des personnes cobayes laissées dans l’isolement ; Eglé tâte lentement le mur, angoissée. Peu d’explications, des railleries, elle est plongée dans l’eau par les serviteurs ; rit de surprise, jouit de la caresse de l’eau, pleine d’une intense bonne volonté apprend à s’habiller toute seule ;
Azor est projeté de même se cogne lui aux murs fermés tente de s’échapper. Fâchés contre les serviteurs leur jettent de la terre.
Succession de découvertes : ruisseau, visage dans l’eau, « personne » en face de soi// réactions et comportements à la fraicheur rimbaldienne cf les enfants de 7 ans poème cité dans le programme ou violence qui procède du sens de l’absolu des êtres jeunes.
Absolue : Eglée déjà entière et dominatrice. ( inflexions fermées, affirmation de soi, volonté d’emprise sur autrui, débit haché car encore inexpérimentée, modulations maladroites associées à sa fermeté =comique.
Bande sonore entre en discordance avec son discours raillerie des croassements de crapauds.
Au cours de la 6ème nuit : transformation progressive : voix moins enfantine mais toujours réactions violentes ; querelle avec Azor, le trompe avec Mesrin mais ne supporte pas qu’Azor la trompe à son tour. Cri d’affolement, de désespoir ;: Je ne veux rien perdre. »
En 76 « Chaque enfant n’a pas le même point de départ car, à chaque fois, la Cour veut voir autre chose. » développe la rencontre entre Adine et Mesrin même s’il n’y a pas de scène écrite.
« Je leur laisse le temps de se découvrir l’un l’autre, on en sort un, puis le second, yeux bandés, on les oblige à se toucher, ils ont peur, une fos, deux fois, trois fois ; on les fait entrer dans une maison dont on ferme la porte à clé, on laisse passer une nuit, le lendemain on ouvre la porte, l’un d’eux s’enfuit à toute vitesse. » Adine a soif de domination autant qu’Eglée ; comme elle, elle veut être admirée et régner sur les cœurs » chattes aux griffes sorties » éclaboussant d’eau sa rivale ou dirigent sur elle le feu d’un miroir comme une arme, corps fébrile agité de pulsions contraires ; mouvements vifs, vraies larmes Elle aime elle hait Eglé à la fois, elle s’abandonne et se reprend. Azor épris d’Eglé la tire par la jambe et l’effraie ; rencontres hommes/femmes chaotiques, gestuelle qui avorte. Les deux garçons se battent, s’affrontent ou fraternisent. Vivent deux à deux toutes les tentations de l’érotisme. Pas de pudeur/impudeur, pas de péché encore ; comédiens se frôlent se caressent s’embrassent, se mordent peau dénudée, couteau brandi etc plus l’impression d’être dans un jeu mais les ados vivent devant nous leurs pulsions.identification absolue pour le spectateur : retour à l’adolescence et à la force pulsionnelle.