Tous des oiseaux est une pièce de théâtre contemporaine écrite par Wajdi Mouawad, célèbre metteur en scène, dramaturge, comédien, voire plasticien actuellement directeur du théâtre de la Colline. Cette pièce, abordant comme beaucoup de celles qu’il a écrites la quête identitaire, est très riche en événements, mais contient également un sous texte important. Afin de mettre en lien les intentions de Wajdi Mouawad avec sa pièce, nous allons dans un premier temps voir en quoi les événements de l’extrait choisi peuvent se référer aux propos du metteur en scène puis nous verrons en quoi la mise en scène filmée fait elle aussi échos aux paroles de Mouawad. ( Introduction à retravailler : présentation de la fable, de l’extrait sur lequel on travaille, analyse de la citation pour donner lieu à un questionnement fondé sur elle)
Dans l’extrait, nombreux sont les éléments pouvant se rattacher aux perceptions et aux sensations ainsi qu’au fait que l’intellect du spectateur soit peu sollicité. En effet, tout d’abord, après un repas assez animé, le Seder, Eitan va prendre la décision d’analyser l’ADN de ses parents présents en récoltant les couverts restés sur la table. Pendant ce temps Wahida raconte à léah qu’elle vient tout juste de rencontrer ce qui s’est passé et les raisons de sa venue chez elle. Cette superposition d’événements qui appartiennent à des temps différents oblige le spectateur à rester attentif à l’action, ce qui le plonge encore plus dans la fable. Une scène dans une autre n’est pas réaliste, ainsi les perceptions du spectateur sont altérées.
Ensuite dans la scène 8, lorsqu’Eden vient rendre ses affaires à Wahida et s’excuse pour les actes qu’elle a commis lors de l’interrogatoire au check point du Pont Alleby, au moment de l’explosion terroriste qui a projeté Eitan dans le coma, les tirades d’Eden font en sorte qu’il ya comme une histoire qui nous est contée de sort que le spectateur soit happé par la narration de ce qu’a vécu Eden.
Par ailleurs dans cette même scène, les tirades d’Eden font directement appel à nos sens. On peut y retrouver la vue, l’ouïe ou encore le toucher. Le spectateur n’est donc plus dans la réflexion mais absorbé par un tas de sensations et perceptions. Les éléments très détaillés, tels par exemple sa description du bougainvillier permettent de se plonger dans la scène et de tout visualiser comme si on y était alors que cela est seulement raconté. En ce qui concerne le toucher, nous pouvons relever le passage où Eden dit « quand j’ai posé ma main sur ta peau ». Enfin le sens auditif est lui aussi présent, notamment dans les évocations au langage en fin de scène ou encore dans la didascalie du bombardement.
Pour finir, les jeux de mots ou allusions telles que le parallèle entre les dires d’Eden et son prénom ou encore la phrase « Tout a explosé avant que tout explose » rendent le texte poétique et riche émotionnellement. Il ya aussi la répétition du mot « vomis » par exemple qui accentue les perceptions possibles ainsi que les métaphores avec les mots « bête » ou « une chose pareille s’ouvre » qui inscrivent très fort la présence du corps dans le dialogue.
Dans l’extrait filmé de la captation qui nous permet de prendre connaissance de la mise en scène, les perceptions et sensations que nous avons étudiées dans le texte vont être accentuées. En effet, les transitions entre les séquences se font à vue et sont très actives. Il ya de la musique dans chacune d’entre elles, ainsi que des personnages mobiles ou s’ils restent sur scène extrêmement expressifs, ce qui fait que le spectateur ne décroche pas et n’a pas le temps de faire un retour réflexif sur ce qui vient de se jouer. De plus, la transition dans laquelle Eitan est d’abord sur la table, qui se transforme ensuite en lit d’hôpital, permet que le spectateur soit entraîné dans une autre perception, dans un autre lieu, de façon fluide sans faire appel à l’analyse rationnelle. La transition fait échos à des événements futurs c’est-à-dire le coma d’Eitan.
Ensuite le choix de superposition de deux scènes qui se passent à des moments différents est déconcertante pour le spectateur puisque nous voyons des personnage s absents de la scène du Seder comme Léah et Wahida évoluer dans le même espace que la famille d’Eitan et le rabbin, le spectateur n’a pas le temps de réfléchir à ce fait et comprend intuitivement ou pas ; De plus le fait qu’Eitan se recroqueville en position fœtale sur la nappe qui devient drap, en nous faisant penser à un enfant à naître, plonge le spectateur dans une image scénique très forte qui sollicite ses sens ;
Par ailleurs dans la scène 8, Eden parle avec ses mains afin d’accentuer son propos. Lorsqu’elle évoque la peau de Wahida, elle fait le geste de se caresser la paume de la main, celle qui a touché le corps de Wahida , ce qui immerge le spectateur encore une fois dans la sensation du toucher et lui fait revivre la scène explosive de l’abus de pouvoir commis par Eden dans un excès de désir pour Wahida.
Dans sa seconde tirade, Eden s’adresse d’ailleurs aussi au public, ce qui fait encore une fois fait naître des perceptions chez le spectateur. Wahida, elle, reste stoïque mais ses expressions faciales nous montrent combien elle est impactée par ce qui est dit. Pour finir, les sons d’avions de chasse que l’on peut entendre à la fin de la scène 8 accentuent encore l’immersion auditive.
Tous des Oiseaux est donc une pièce caractéristique du style de Wajdi Mouawad puisqu’elle correspond aux intentions qu’il formule dans la citation. L’immersion sensuelle. Sensitive du spectateur est totale grâce aux sons, aux transitions fluides sans passage au noir et à un texte très riche en images ; Les perceptions et sensations sont déjà sollicitées dans le texte et la mise en scène, le jeu des acteurs viennent accentuer encore la place du corps et des émotions de telles sorte que l’intellect passe au second plan.