Emission sur Le Tartuffe de Braunschweig
"Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit, qui a été longtemps
persécutée, et les gens qu’elle joue ont bien fait voir qu’ils étaient
plus puissants en France que tous ceux que j’ai joués jusques ici. Les
marquis, les précieuses, les cocus et les médecins, ont souffert
doucement qu’on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se
divertir, avec tout le monde, des peintures que l’on a faites d’eux ;
mais les hypocrites n’ont point entendu raillerie ; ils se sont
effarouchés d’abord, et ont trouvé étrange que j’eusse la hardiesse de
jouer leurs grimaces, et de vouloir décrier un métier dont tant
d’honnêtes gens se mêlent. C’est un crime qu’ils ne sauraient me
pardonner ; et ils se sont tous armés contre ma comédie avec une fureur
épouvantable. (...) C’est aux vrais dévots que je veux partout me
justifier sur la conduite de ma comédie ; et je les conjure, de tout mon
cœur, de ne point condamner les choses avant que de les voir, de se
défaire de toute prévention, et de ne point servir la passion de ceux
dont les grimaces les déshonorent."
Molière, préface au Tartuffe
Entrelacer les dimensions
J’ai un faible pour ce "Tartuffe" qui croise les problématiques politiques, sociales, religieuses, métaphysiques, psychologiques, et qui les entrelacent. Dans le théâtre que je fais, l’entrelacement des dimensions est fondamental.
Stéphane Braunschweig
Molière, pourfendeur de la religion ?
Dans la préface, du Tartuffe, écrite en pleine querelle, Molière se justifie en disant qu’il attaque les hypocrites... on sait que la pièce parle des faux dévots, et il essaie de trouver un peu de crédit auprès des vrais dévots… le problème est que les vrais et les faux dévots ne sont pas toujours séparables… Les gens de la cour sont relativement inoffensifs, à l’époque, Louis XIV avait mis au pas sa noblesse. La question de la dévoterie, et derrière, la puissance du religieux sur le pouvoir, ça c’est une nouvelle dimension qui apparaît notamment avec l'influence de Madame de Maintenon... La façon dont le pouvoir royal peut être mis sous l’emprise des bigots, des dévôts et des puritains, c’est un vrai sujet politique à l’époque, et ce n'est pas étonnant que la pièce ait déclenché une telle querelle. Molière essaie de se frayer un chemin pour ne pas apparaître comme le pourfendeur de la religion mais c'est quand même toute cette question du pouvoir religieux sur le pouvoir du roi qui est en question.
Stéphane Braunschweig