jeudi 25 mars 2021

Séance du vendredi 19 mars (suite) - Les Inamovibles

La langue

1.Variété des registres de langue

- Vitalité des colères et des jeunesses, et traits de langue qui leur sont propres

- Saynète enchâssée avec Marguerite: tonalité grand guignol, humour du texte malgré la morosité du thème

- Langue inventive, imagée de Lamine («une belle Dubaï mûre, bien mûre», p.7)

- Langue sarcastiquement administrative de Post(jeu sur le verbe «passer» p.33)

- Média:pastiche des radios (p.34-35), accompagnés de changements typographiques, mentions de France 25 Africa 25 comme pastiches des chaînes d’information en continu France 24 et Africa 24.

Trois régimes cohabitent: passages rhapsodiques –de Lamine, d’Amadou –: une langue qui raconte; régime dialogique (voire régime théâtral avec la saynète enchâssée où Lamine joue «un invité»); régime épique (grande place du récit).

> Les inserts Chaine 1 et Chaine 2 viennent s’y ajouter, en rupture (distinction typographique): plus qu’un canal de communication, ils indiquent une transposition distancée de l’action sur un régime de représentation et rejoignent donc le plan méta théâtral également

> La langue du texte est très changeante en fonction des situations.Elle passe par des moments très poétiques (souvent signalés par le sens du signe «/.../») correspondant à des monologues intérieurs, soliloques, expression de la pensée mais aussi réflexions douloureuses sur l’état du monde et sur les tensions entre les personnages.La mise en page contribue également à ces moments de suspension poétique en passant parfois à des vers libres (par contraste avec le reste du texte), ou en insérant des moments de pause à l’aide de pages blanches, qui créent des trous dans la construction.Adresses:La plupart du temps il s’agit de dialogues où les répliques s’enchaînent, le plus souvent en bouclage serré, parfois en stichomythies (surtout pour les chœurs). Les adresses sont donc assez claires. Deux monologues intérieurs, témoignages des personnages «en cours de disparition», ménagent davantage de trouble:-l’adresse à un «tu» pour Malick, qui serait une adresse à sa femme s’il était au téléphone(monologue intérieur adressé à sa femme?) au tableau 1

- monologue intérieur deLamine adressé à sa mère (Mam), tableau 4


2. Poétique

- Sonorités et rythme

De nombreux effets d’assonances, de rimes internes à la phrase: «C’est ici que l’espace meurt tout autour de moi. Le jour s’es tévadé. Plus de phrase, plus de gyrophares, plus de sirènes, plus de courses, plus de poursuites. C’es tla gare. C’est l’attente; attente de départ. C’est le train des nuitards qui n’arrive pas.»(p.2).

Allitérations et anaphores: «Nous sommes tissés de toiles qui ne flottent pas, / Flottent pas dans les airs, flottent pas par le vent, flottent pas par les vagues, flottent pas» (p.12). LAMINE à la scène 4 (pp.13-14) avec récurrences de «toiles», «tissages» «nous sommes tissés», «flottent»,etc.MARIAME: «toutes sortes de bris et brides,un peu dressés, un peu débridés»(p.24)

La langue est rythmée, presque slamée, rimes internes, échos: «Vraiment pas besoin de pourquoi tout ci et tout ça ne peuvent pas s’entendre pour désactiviter tout ça afin que Tutsi, Hutu2et tout ça changent unefois pour toutes de face à la face du monde» (2èmecolère, p.39).«Juuuuuuuuusqu’en. » (p.19) [mot pouvant former phrase tout seul], Lamine: «la course, fuite, la course-poursuite»(p.14).

Le rythme est réglé par le texte:le tableau 1 dure le temps d’une cigarette. De nombreuses scènes en stichomythies s’opposent à des tableaux composés uniquement de longs monologues ou de longues tirades. Distinction du rythme des moments signalés par «/.../» en vers libres, ainsi que de la scène finale en vers libres.

- Métaphores

Elles abondent dans le texte(didascalies comprises)et lui confèrent une dimension lyriqueet une épaisseur symbolique essentielle.On note par exemple la récurrence de l’image des toiles(p.11: «des toiles dans ma tête», «des tissages étoilés» -«tissés de toiles» -«toiles solides» p.13),et de celles qui filent l’eau: MARIAME «l’espace [...] il coule goutte à goutte dans la rivière de l’oubli» p.24,LAMINE «D’autres, humaines salées, marinées à mort dans la Méditerranée» (p.14)

- Jeux sur les répétitions, le sens des mots

Répétitions qui forment des parallélismes dans le texte qui avance: Lamine «Tout devient noir, il me semble que je deviens une portion de ce noir. / Fardeau. Je suis fardeau flottant». (p.18) et«Tout devient noir, tu deviens une portion de ce noir. / Fardeau Tu es fardeau flottant.» (p.43)Paronomase sur la «tête» (p.36), antanaclase: ex: «Avant de gagner l’argent qu’on aura, il faut qu’on ait gagné la Méditerranée» (p.37).Jeux de mots sur le verbe «passer» et «le passé» (p.33), «Conjonction de condamnation» (p.35), «Point barque» (p.41), champs lexicaux filés: «Plus de phrase, plus de gyrophares, plus de sirènes, plus de courses, plus de poursuites.» (Malick, p.2).Jeusur les homophones pour faire aborder des faits historiques ou politiques par la bande (jeu sur «clauses de confidentialité» / «clauses de clandestinité» p.51

Lamine possède de nombreux passages manifestes, qui font de lui l’avatar de l’auteur: «Que tout devienne histoire. / Tout est devenu histoire sans tête ni cervelle comme un divorcé social et ses actes qui tremblent. / Puis, tissons tout! / Que ça devienne voile. / Une, deux, plusieurs à la fois / Toutest devenu voile d’histoires mêlées.» (p.14) -«Je vendrais des histoires pour amasser des consciences» (p.17)