Notes de la biographie Koltès de Maisetti
1977, Nombreuses lettres à la mère qui éclairent le processus de création.
Impossibilité d’être seul/impossibilité d’être avec les autres.
Paris Montorgueil, lettres à sa mère, désir de repartir vers l’Est : URSS mars à Saint Petersbourg, Avril à Prague, seul
Feuillets d’un monologue écrit pour son pote du TNS Yves Ferry : ne peut achever la première phrase qui se continue, véritable coup de force
« Le texte que j’écris pour Ferry est vraiment bien, en toute modestie ; j’en ai écrit quinze pages serrées, et ma phrase n’est toujours pas finie ! » tout dire, tout agglomérer en elle, serrer les lettres et les pages et les idées pour y jeter tout ensemble ce qu’il faudrait dire : c’est le projet.//un moment, un jour unique, serré lui aussi e que sera toute une nuit qu’on écrirait, une partie de la nuit traversée d’une parole affolée. A un seul qu’on la dirait comme un secret au silence de l’autre, comme un désir.
Dire une part du monde – sa part concédée au jour, arrachée à la nuit quand le monde se retire pour prendre des forces et qu’il reste seulement les plus fragiles dehors.
Relation d’un auteur à l’écriture : la solitude et ce qu’il faut pour la franchir. Celle de Koltès à Ferry : amitié , amour, fraternité, Ferry appellera cette phrase un » présent », cette phrase de Koltès écrite pour un ami n’est la sienne à Koltès que dans la mesure de cette dépossession.
Souvenirs de lecture des Portes du paradis de Jerzy ANdrezjewski, une phrase de 150 pages avec pour toile de fond la Croisade des enfants du XIIIème siècle menée par Jacques de Cloyes : puissances mises en jeu dans l’Histoire au nom d’idéaux abjects. Polonais clandestin sous le régime nazi, communiste puis quitte le PC en 56 critique p106
2ème phrase fin du texte : « Et ils marchèrent toute la nuit »
Forme et moteur : une phrase monologue, acteur et désir : Yves Ferry,
thème : adresse à un passant rencontré dans la rue, reste à fabriquer les images
Ecrit très vite les premières pages, vitesse , urgence, dilatation du temps et le retenir, produire une « vitesse ralentie » à l’extrême : ce qui se dit là se formule tout à la fois d’un seul coup comme une anfractuosité dans le temps où se libère un flux.
Euphorie de ce printemps, un certain accord, voyages cf les ponts 31 comme un mois entier, géographie d’une ville qui s’étend le long d’une durée interminable.
Avec Nicole en mai journée à écrire, soir théâtre et cinéma, soumet les pages d’abord à Gignoux avant Ferry : examen passé fort honorablement
Ce que raconte l’histoire de ce texte c’est simplement secrètement un homme qui témoigne à un autre ce qu’il a traversé pour le trouver.
Gignoux pense qu’il faudra un très très bon comédien. Koltès content car Yves Ferry l’est, il espère que le texte lui plaira. « tout exprès pour lui, rien de ses pentes naturelles à lui Koltès.
Paradoxe ! Plus tard il dira que ce texte fondera tout le reste de son travail. Premier texte qu’il reconnaîtra comme sien.
L’a écrit contre lui-même mais origine fondatrices. C’est toujours à l’envers de soi que l’on invente !
Lettres dans lesquelles il est heureux de ce texte, quelque chose se dénoue. « une heure et demie seul sans presque bouger sujet les loubards de banlieue titre La nuit juste avant les forêts du Nicaragua texte où il ne se passe rien, où la musique pourra jouer un rôle ( jean Marie sénia)
Double relation de désir et d’offrandes: « Tu es là dedans complètement » mais Ferry considérait qu’il n’avait rien à voir avec ce monde urbain et sauvage
Vide ouvert par la situation si fragile de l’adresse au passant, tout se passe dans ces jeux de silence et de secrets. Récits qui parsèment l’échange, raconter, s’interrompre, revenir : « pute morte d’avoir avalé de la terre » dans un cimetière, rêve d’un « syndicat à l’échelle internationale pour la défense des loulous pas bien forts » il y a dans les forêts du Nicaragua des colombes cernées par des soldats, il ya ces types qui dans le métro l’agressent, il y a les « raqués qui font la manche et les loubards sapés qui font la chasse aux ratons » au centre l’obsession de la fille mama perdue à tout jamais cf Carmen je t’aime sur les rues de Strasbourg ! réécrire les années strasbourgeoises avec Ferry
Ferry résume lui-même la pièce ainsi : « Un homme tente de retenir par tous les mots qu’il peut trouver un inconnu qu’il a abordé au coin d’une rue, un soir où il est seul. Il lui parle de son univers. Une banlieue où il pleut, où l’on est étranger, où l’on ne travaille plus ; un monde nocturne qu’il traverse pour fuir, sans se retourner ; il lui parle de tout et de l’amour comme on ne peut jamais en parler, sauf à un inconnu comme celui-là, un enfant peut-être, silencieux, immobile. »
Début guillemets qui ouvrent la parole et ne se refermeront plus comme si le texte était un extrait, fragment, ruine de cette nuit perdue. Adresse tu :projet, objet, sujet, pas monologue, parole de partage qui cherche à rompre la solitude
Adresse qui se cherche sans cesse tournée vers l’autre, point de fuite de la parole et son soutien silence de l’autre est un appui essentiel. Cf Chéreau avec Thierry Tieu Niang au Louvre prise de conscience du duo.
+ impersonnel de la pluie il pleut ! dehors vague et incessant, réalité entière des choses qui tombent..et toujours la pluie, la pluie, la pluie, la pluie…
Le" je" se place à l’intermédiaire des corps : relation avec le « camarade » amitié et relation politique brother en anglais
Fugue ( Bach que jouait Koltès) exposition des thèmes reprises et variation, boucles qui ne se referment jamais angle de rue= infléchissement de l’écriture
Yves Ferry à la Sainte Baume avec Grégo ; lecture du texte pacte dans l’ivresse de ce texte à trois
Bascule quand Ferry deviendra père d’un fils avec Grégo…: "ici je n’arrive pas à te dire ce que je dois te dire, il faudrait être ailleurs » Moni Grégo sera la metteuse en scène pour Ferry du texte. Geste d’amour.
« Véritable emballement dans la tête, à toute vitesse
jusqu’à ce que mort s’en suive » indication fondamentale, essoufflement
comme critère de diction, la mort qu’on repousse. ( Mais Matthieu Cruciani ne suit pas cette note d'intention pour mieux dégager les différentes étapes du discours et donner du rythme au texte, séquences un peu différentes selon le propos.)
P112 J’écris, j’écris… Il faut se dépêcher ! »
Proposition par Attoun du Gueuloir dans le Festival In et du Off, puis reprise à Paris en septembre.
Mois de juin répétition: « performance que Koltès dirige « c’en est une : plus d’une heure sans bouger grand plan sur la gueule », espoir d’être reconnu.
Hésitation du titre :
La Dernière nuit avant la forêt du Nicaragua disparaît faute de place
sur les affiches. mais Les Nicaraguas restent dans le texte!
Influences Taxi Driver, La Nuit obscure de Jean de la Croix, Dostoïevski, manifestes politiques érotisés, Bach, musique de rue avant le rap + expérience déterminante en avril 1976 café de la rue Saint jacques rencontre avec un jeune ouvrier, un camarade. Ils parlent toute la nuit ou plutôt Koltès écoute, ce qui les rapproche, désir fraternité politique mais aussi ce qui les sépare : vie détruite par le travail/ vie d’artiste cultivé impossibilité de le rejoindre malgré la proximité déchirure de l’être, Koltès s’est senti du mauvais côté. A fui comme un voleur, honte, honte sociale, philosophique, honte quasi mystique » la part du bien est claire, sûre, bien délimitée, mais celle du mal est imprécise, elle se déplace à tous instants. Ainsi ces exploités de 20 ans, c’est la part malheureuse, la part de Dieu sans conteste possible (…) mais nous, où sommes-nous ? »
Localiser les territoires de vie, pas ceux qu’on nous impose, mais ceux que l’on se choisit, vit cette rencontre comme un signe qui l’engage… Plus Koltès fait le choix de la classe ouvrière, plus il se rend compte qu’il en est séparé.
L’homme qui parle tient la parole du jeune ouvrier du café et il parle pour lui : à sa place et en sa direction. Qui garde le silence, un enfant écrivait Ferry, Infans qui ne peut pas parler, K rejouant son silence à lui ?
Pas de gueuloir en Avignon finalement mais reste dans le off argent fourni par Wenzel et Louise Douteligne du Théâtre du Quotidien
Passe avant chez Carrière, doivent trouver un lieu à Avignon pour jouer, accueilli dans une salle par Patrick Baty qui joue la Religieuse de Diderot avant son spectacle place Crillon 15 nuits du 16 juillet au 5 aout, salle de l’ancien Hôtel des ventes, Ferry assis sur un tabouret de bar dit le texte rapidement, le visage aveuglé par un projo, gros plan, mise en voix sans déplacement montage sonore, adresse au public et à Koltès qui tient le projo et l’éblouit. Dernière « mise en scène de Koktès. Peu de spectateurs mais bouche à oreille fonctionne, de plus en plus les potes, pas beaucoup de journalistes mais Léonardini dans l’Huma : « petit pain de réel immédiat cuit avec rage »
Dossier artistique à consulter après avoir vu le spectacle
Lumières inspirées la lumière du noir de Pierre Soulage.( video) à exploiter quand vous interprétez les choix scénographiques.