Pouur ceux qui se demandent ce qu'est une "trace " de spectacle digne de ce nom en spé, voici la magnifique réflexion de Julia sur La Méningite des Poiraux.
TRACE ECRITE
La Méningite des poireaux : Spectacle du vendredi 1er octobre 14h au CDRS
François Tosquelle est un psychiatre catalan engagé du côté de la jeune république espagnole il est membre également du POUM, parti ouvrier d’unité marxiste. Lors de la Retirada en 1939, Tosquelle est forcé de s’exiler en France à cause de la prise de pouvoir de Franco. Enfant, Tosquelle visite parfois l’hôpital psychiatrique près de chez lui. Mais il ne peut accéder à la zone des ‘agités’. Lors d’un repas dominical en famille, Tosquelle enfant va, accompagné de Jésus de la Mancha, à la section des agités qui sont animalisés. Lors de ce repas en famille, les parents sont vus à partir des yeux de l’enfant. La question de qu’est ce que la vraie folie ? Qui est vraiment fou ? est perceptible car les parents parlent d’une manière ‘ridicule’ de sujets qui peuvent paraitre complètement frivoles. J’ai beaucoup apprécié cette scène du repas en famille pour le jeu des acteurs. De plus, le dispositif était très simple mais cela rendait franchement très bien. Par exemple, la comédienne réussissait à bien démarquer son double jeu : la conversation des femmes à table (le rire mécanique qu’elle faisait m’a particulièrement impressionné) et celle des hommes parlant de politique. On n’avait aucun mal à percevoir le changement de rôle notamment par le ton de voix, par le rire pour caractériser les femmes. J’ai toujours trouvé assez difficile au théâtre de rire sur commande, ce qu’elle faisait parfaitement. C’est un exercice de lâcher prise et en même temps très technique. Pour le comédien, qui interprétait en même temps Jésus et le jeune Tosquelle, c’était aussi une scène impressionnante et très intense du point de vue du jeu. Le fait qu’ils ne soient que deux acteurs pour jouer cette pièce m’a vraiment captivé, et m’a donné une belle leçon de théâtre notamment pour la mise en scène réalisée avec des objets très simples comme l’omniprésence du papier (leur point de départ étant le journal de l’hôpital psychiatrique). De plus, le fait qu’à la fin du spectacle ils partent avec toute leur scénographie dans une valise m’a fait penser à la définition de la théâtralité dans la préface de Claudel dans Le Soulier et de Peter Brook. Pour faire du théâtre, il suffit que quelqu’un traverse le plateau et c’est déjà du théâtre. Et chez Claudel, que tout ait l’air improvisé ‘le désordre est le délice de l’imagination’. Même si dans ce spectacle tout était merveilleusement travaillé et pensé, la simplicité de la scénographie, qui n’était simple que dans l’apparence, m’a particulièrement plu et m’a ouvert l’horizon de mise en scène différente. On est souvent enfermé dans une vision confinée du théâtre classique quand on commence le théâtre. Ce que j’apprécie de plus en plus, c’est de me dire, quand j’assiste à une pièce, tiens je pourrai reproduire moi-même sans aucun budget ce décor, que les idées soient accessibles à tous.
Deux autres scènes qui m’ont particulièrement marquées ce sont celles des psychiatres. La première du psychiatre qui parle de la grand-mère Elise. On perçoit à travers le jeu incroyable du comédien Frédéric Naud dans son jeu de bouche très technique (qui m’a paru vraiment difficile) le côté inhumain d’une certaine psychiatrie à laquelle s’opposait Tosquelle dans laquelle les ‘fous’ sont traités avec humanité. Souvent, les institutions médicales ont tendance à déshumaniser les malades. La répétition de la maladie mentale ‘schizophrène à troubles…’ de la grand-mère avec le jeu de la langue dans la joue du psychiatre qui se contente de répondre à chaque réponse de la famille par l’énonciation de la maladie donnent un côté très drôle à la scène et même temps tragique car le psychiatre ne cesse de répéter la même phrase d’un ton neutre et détaché puis fini par dire qu’elle est incurable. Il ne se rend même pas compte de toute la portée du mot ‘incurable’. Je trouve que cette scène réussissait à nous transmettre toute l’horreur de certaines institutions où les malades ne sont plus vus comme des êtres humains mais comme des numéros, des noms de maladie à qui on colle l’étiquette ‘d’incurable’ quand la réaction dépasse leur savoir médical.
Le dispositif du spectacle, le rapport au public : comment être inclusif ? :
Le cadre de ce spectacle était assez différent, ce n’est pas un théâtre mais le CDRS (Centre Départemental de Repos et de Soin). Comme son nom l’indique donc nous étions dans une sorte d’auditorium avec une scène. Le public était assez différent de ce qu’on rencontre d’habitude aux théâtres comme la CDC, il y avait présent des malades et des médecins, plutôt psychiatres. Je trouvais cela intéressant d’intervenir en tant que comédiens dans un lieu médical, cela montre que le théâtre universel. Bien souvent, j’ai l’impression que le théâtre à une certaine tendance à rester cantonné, réservé à une certaine élite alors que justement il doit, à mon sens, être destiné à tous. Même quand c’est un public comme celui-là qui n’avait pas au premier abord de lien avec le théâtre on pouvait observer quand même comment l’art a un impact sur les individus. Cela était visible notamment à travers les réactions sonores rires, attention palpable de la salle même. A la fin, une dame, qui était psychiatre je crois, a beaucoup participé à la discussion avec les comédiens. Elle a dit à un moment que le théâtre n’est pas toujours efficace en milieu hospitalier. Je suis ne suis pas tout à fait d’accord avec elle, il est vrai que l’art, le théâtre et les autres arts, peuvent laisser indifférents certains. Pourtant, on peut observer le pouvoir de l’art, l’impact, l’impression que l’art laisse sur les individus comme dans la pièce. Quand Tosquelle met en scène Barbe Bleue, le conte, interprétés par ses malades et que cela opère une vraie catharsis chez la sœur directrice cela montre vraiment le pouvoir de l’art. De plus, cette scène est vraiment incroyable pour l’interprétation du comédien Frédéric qui joue à la fois Tosquelle et la Mère supérieure. La répétition de la part du docteur ‘ce n’est que du théâtre’ pour calmer la mère supérieure et la réaction de cette dernière qui prend la pièce au début au premier degré m’a particulièrement marquée. Dans cette scène, il y a le conte qui est déjà très important dans la compréhension de l’inconscient collectif de l’humain et le théâtre pour le mettre en scène, donc c’est vraiment impactant comme on le voit à travers le changement radical opéré chez la Mère supérieure. Et tout cela est perceptible à travers le jeu de l’acteur et de la mise-en-scène très réussie.
Autre scène qui m’a marquée c’est celle de l'évocation de la création du journal Trait d'union. Dans cette scène, le comédien s’adresse à une salle, on peut imaginer où sont réunis les malades, mais il s’adresse à nous, c’est comme si nous étions les malades, ce qui n’était pas faux pour certains. Dans cette pièce, il y a un code de jeu particulier beaucoup de stylisation, de reprise d’un mot pour caractériser un personnage, comme ici, la redite de ‘hum’ pour le docteur Tosquelle à force d’être répété à fait réagir le public : premièrement par le rire et puis vraiment certains ont participé en le répétant en même temps que l’acteur.
Ce qui pourrait nourrir notre travail sur Le Soulier :
Ce qui a attiré mon attention et qui pourrait nourrir notre travail du soulier, c’est l’utilisation du papier pour se faire un costume comme la création de la fraise et qui m’a fait penser tout de suite à notre Soulier. Chez Claudel, le cadre temporel est celui du siècle d’or espagnol où les nobles espagnols portaient des fraises. Le fait de le faire en papier rejoint ce qui est dans la préface claudélienne et je pense qu’il ne sera facile de l’utiliser. Aussi, le code de jeu, pour caractériser un personnage trouver un geste qui le caractérise, la reprise d’un motif dans le jeu comme faisait le comédien avec jeu de la langue dans sa joue par exemple. On pourrait essayer chacun de caractériser nos rôles par une gestuelle, une expression corporelle ou de visage.