téléfilm sur le site de l'INA Madelen gratuit aujourd'hui.
À l’occasion de l’hommage national rendu à l’acteur décédé le 13 avril, la plateforme de l’INA propose de regarder gratuitement une adaptation télévisée de la pièce de Molière, filmée à l’ancienne par Marcel Cravenne en 1971. Mais riche d’une épatante distribution.
Bonheur des archives. Bonheur de retrouver certaines mises en scène de notre répertoire théâtral réservées au petit écran – la transmission culturelle y avait encore un sens –, qu’elles soient tournées avec invention – le Dom Juan ou le Festin de Pierre, de Molière, en 1965 par Marcel Bluwal – ou médiocre convention, façon Marcel Cravenne ici, mais avec des distributions épatantes. Telle celle de ce Tartuffe, platement filmé en noir et blanc – combien de fois on n’aimerait rien qu’un contrechamp sur la réaction, le regard d’un personnage ! – dans un moche salon bourgeois du XVIIe siècle parisien. Au moins Marcel Cravenne a-t-il choisi pour l’imposteur Tartuffe Michel Bouquet, pour son bienfaiteur trahi Orgon l’étonnant Jacques Debary et pour l’épouse de ce dernier, que désire ardemment Tartuffe, l’éblouissante Delphine Seyrig. On découvrira aussi en fils d’Orgon le jeune et bouillonnant Jacques Weber et quelques immenses comédiens oubliés tels Madeleine Clervanne et Paul Le Person.
S’il a incarné Orgon à la scène – déjà fatigué en 2017 à 91 ans, avec
Michel Fau – Michel Bouquet n’a jamais repris le personnage de Tartuffe
dont il révèle ici l’effrayante sournoiserie. À travers ce faux dévot,
Molière dénonce en effet les hypocrisies d’un parti dévot tout-puissant à
la cour ; et sa pièce dut être plusieurs fois interdite par le roi
avant de triompher en 1669 dans une troisième version. Par-delà la
critique de l’hypocrisie religieuse, il y témoigne, aussi, déjà, des
affres d’une famille bourgeoise où le mari délaisse son épouse,
ensorcelé par une sorte d’ange-démon qui parvient jusqu’à troubler
l’épouse même, Elmire. Michel Bouquet a rarement joué les amoureux, il
n’aimait pas ça, ne s’y trouvait pas bon, trop profondément pudique
peut-être. La manière dont il incarne le désir est ainsi surprenante.
Inquiétante. Dérangeante. On aimerait la voir mieux captée par la
caméra… Delphine Seyrig, elle, mieux filmée par Cravenne, est superbe,
frémissante. Ne pas rater son dernier regard, à la dernière seconde du
film…( Télérama)