vendredi 8 avril 2022

Molière ou la vie d'un honnête homme d'Ariane Mnouchkine

 Vous pouvez regarder le film en replay sur Arte: Molière

Dossier sur le site du Théâtre du Soleil 

Un bel article sur le film avec des extraits

 

120 comédiens, 600 participants, 1 300 costumes, 220 décors, 2 ans de travail, 4 heures de film... le Molière d’Ariane Mnouchkine est une œuvre à l’ambition démesurée. Le film fut très mal reçu par la critique lors de sa présentation au festival de Cannes : on lui reprocha ses longueurs, la théâtralité de certaines scènes, et surtout le point de vue atypique qu’il proposait sur le grand homme de la littérature française1. Et pourtant : la splendeur de l’image, le travail des corps, la créativité de la mise en scène, les moments de grâce offerts, comme l’envol du théâtre ou les gondoles vénitiennes traversant les Alpes enneigés, font la richesse et la beauté de cette œuvre, tandis que le regard porté sur Molière, sa troupe et son siècle rend son propos original et stimulant.
Comme elle l’explique , Ariane Mnouchkine a en effet
souhaité retracer la vie de Molière en l’inscrivant fortement dans son contexte social et historique. De Molière, elle dit avoir retenu l’homme, plutôt que le génie, et elle ne cherche pas à donner un point de vue scolaire sur l’ensemble de son œuvre : Molière est ici un personnage, humain, charnel, et non un monument littéraire ; un chef de troupe, compris à travers ses relations avec ses partenaires, et non un homme de plume solitaire abordé à la seule lumière de ses écrits. Du siècle, elle offre une image épique, multiplie les tableaux, les
scènes de foule, donnant corps et vie au siècle de Molière, au peuple des rues de Paris et
des campagnes françaises, à la cour du roi et à ses acteurs : l’abondance et la précision des décors et costumes y contribuent sans pour autant figer le film en une simple reconstitution historique. Ariane Mnouchkine parvient ici, bien souvent à travers le regard de son héros et les gestes, les scènes qu’il observe, à rendre compte de moments de vie, d’émotions, et à nous les rendre proches, malgré leur éloignement dans le temps.
Ariane Mnouchkine dit avoir voulu faire un film populaire, et non un film d’érudition
2. On rejoindra ce point de vue, dans la mesure où elle s’affranchit du discours didactique ou de l’hagiographie obligée, et qu’elle privilégie un aspect spectaculaire (au service du plaisir du spectateur), qui repose peu sur les dialogues, mais énormément sur la dimension visuelle, et sait créer des émotions variées et intenses chez le spectateur.
Il ne s’agit évidemment pas pour autant d’un pur divertissement : ce film est porteur d’une
certaine vision du peuple et du théâtre, d’un message politique sur les liens entre les deux, et sur la place de l’artiste dans sa société. Né, selon Ariane Mnouchkine, à un moment où la troupe du Théâtre du Soleil était en perte de repères, ce projet a été une sorte de manifeste pour refonder les valeurs communes du groupe ; il a permis aussi de donner un écho plus vaste à sa foi en ce que le théâtre peut être, et en ce qu’il peut apporter au cinéma.