De la part de Serge,
On est à la campagne, dans la propriété d’Anna Petrovna, une jeune veuve accablée de dettes. Il y a là des banquiers, des propriétaires fonciers sentimentaux, des pique-assiettes avec des pellicules sur leur veste, des jeunes femmes belles et déterminées, des retraités qui s’endorment à la moindre occasion et cassent des chaises à cause de leur obésité... Certains songent en bâillant à une vie meilleure. Ou bien regrettent le bon vieux temps, éternels nostalgiques, ardents défenseurs du “c’était mieux avant”. D’autres plus pragmatiques, des hommes “nouveaux”, voraces, ne pensent qu’à l’argent.
Au milieu de tout ça s’agite Platonov.
Platonov. Un homme promis à un brillant avenir d’intellectuel et qui a hérité d’un banal présent. Instituteur reclus à la campagne, il râle, rouspète, provoque, scandalise, transgresse, séduit, déçoit... Un être attirant, répugnant, immoral qui théâtralise le néant de la vie, qui joue avec les sentiments comme un enfant joue à cache-cache avec Dieu. Il est celui par qui le drame arrive, il en faut bien un. Et quand j’emploie le mot drame, je pense à l’amour et à la vérité. Platonov hurle : “J’aime tout le monde ! Tout le monde ! Et vous aussi je vous aime !... Les gens c’est ce que j’ai de plus cher...” On aimerait bien le croire...
Rodolphe Dana