Scénographie du Soulier ( Merci aux collègues du Nord:
https://sfe9386a4a97406fa.jimcontent.com/download/version/1646929653/module/8093778362/name/La%20sc%C3%A9nographie.pdf)
- Didascalie initiale qui nous donne des renseignements
sur le contexte :
-> « le
monde » : globalité du monde, macrocosme. Cela est confirmé par le discours de l’Annoncier : on est entre l’Ancien et le
nouveau monde, importance des étoiles =
verticalité : de la terre au ciel. Très important chez Claudel puisque les deux amants ne réaliseront leur amour qu’au-delà de cette
terre + présence d’un Ange gardien qui fait le lien entre terre et ciel.
->
Comment traduire cette globalité du monde et aussi le mouvement transcendant à l’oeuvre dans la pièce ?
-> «
l’Espagne à la fin du XVIe, à moins que ce ne soit le commencement du XVIIe s » : moment de la conquête du nouveau monde (El
siglo de oro). C’est un univers nouveau qui
s’offre aux hommes qui repoussent les limites de l’inconnu. -> Que fera-t-on de ce cadre spatio-temporel dans la
scénographie et les costumes ?
-> mais
compression des pays et des époques : on se rend compte qu’il y a un certain flou sur l’époque précise + des ellipses temporelles
(plusieurs générations). On passe
rapidement d’une terre à une autre, ou de la terre à la mer, de la nuit au
jour...
rapidité de
tous ces changements et grandes variétés : les répertorier rapidement en voyageant dans les didascalies au début de chaque
scène.
- océan atlantique (I,1), façade de maison espagnole
(I,2), une rue de ville en Espagne (I,4), palais de Belem à Lisbonne (I,6), désert de Castille (I,7), une
auberge près de la mer (I,9), un ravin près de
l’auberge (I,12), une boutique de tailleur à Cadix (II,1), une
salle de
château en Espagne (II,3), campagne romaine (II,5), le bateau de Rodrigue en pleine mer (II,8), forteresse de Mogador (II,9), une
forêt vierge en Sicile (II,10), une clairière dans une forêt vierge en Amérique (II,12) + ombre + lune...
- On peut noter que les didascalies sont souvent d’ordre
poétique. Elles donnent surtout une couleur à la scène
représentée, on se rend bien compte qu’on ne pourra pas les reproduire de façon naturaliste (c’est donc
une piste à éviter!).
-> Quel
dispositif scénographique permettrait de comprimer ainsi le temps et les lieux sans alourdir la mise en scène et les transitions
?
= Ces trois questions devront trouver une résolution dans les propositions scénographiques et on va voir comment Vitez va y répondre avec son scénographe,Yannis Kokkos.
2. Dans la
mise en scène d’Antoine Vitez (scénographe : Yannis Kokkos).
- Création dans la cour d’honneur : cela va induire des
contraintes d’espace -> extérieur, façade de la cour, espace très grand.
- Credo : « Travailler vite et mal » : pas de détails,
on s’intéresse aux grandes lignes.
- Surtout pas de naturalisme. On n’oublie pas que
Claudel était proche du théâtre symbolisme a
ses débuts. Il en reste quelque chose dans son écriture et Vitez s’en saisit.
1. La
globalité du monde
- La scène est considérée comme le microcosme reflétant
le macrocosme. Référence au théâtre élisabéthain : « Le monde
est un théâtre. »
- Idée du « théâtre de poche » : petit plateau de bois
(réf au caractère forain de ce théâtre),
posé sur la mer comme un radeau sur une mer de toile bleue, tendu sur un horizon en ellipse. = plateau incliné, ce qui crée une
contrainte dans le corps des
acteurs,
jamais complètement stable et en équilibre.
-> Ne pas
oublier que la machinerie du théâtre est la même que celle d’un bateau !
-> Ce
caractère épuré permet de tout créer par l’imagination, comme dans le théâtre
de Shakespeare.
- L’acteur est au centre, il invente avec rien. Il amène
lui-même ses accessoires.
2. Le
contexte du tournant du XVIe-XVIIe s et la découverte du nouveau monde:
- Les jeux anachroniques de Claudel sont respectés par
les costumes : on passe d’une assez grande
fidélité au siècle d’or (avec quelques détails anachroniques) vers des éléments empruntés au XXe s (on ne s’en rend pas
forcément beaucoup compte sur
seulement 2
journées).
- Rappel de l’univers marin : couleur bleue, présence
des ex-voto marins (petites décorations
qu’on remettait dans un temple ou une église pour remercier d’avoir échappé à un naufrage) par des peintures sur les
parois d’escaliers mobiles, les proues,
les chevaux
de bois... = aventure !
- Présence de deux figures de proue, un homme et une
femme, qui ferment l’espace puis
l’ouvrent, ce qui les se sépare = rappel de l’univers marin mais aussi de Prouhèze (PROUE!) et Rodrigue qui vivent séparés le
temps de la représentation.
3.
Compression et variétés des époques et des lieux
- Présence d’accessoires qui renforcent le côté
miniature de ce parti-pris : bateau, terre, ports et forteresses entrent parfois en scène.
- Travail sur la lumière pour figurer différents moments
du jour : lumière, grisaille.
- C’est l’acteur qui nous fait changer de lieux avant
tout.
- À la fin, plus de décors -> intemporalité voulue,
pour entremêler le présent et l’histoire,
le mythe et le quotidien.
Conclusion
- On va donc avoir une scénographie plutôt qui jouent
sur la figuration symbolique (deux amants
séparés, l’aventure, le microcosme) et sur la théâtralité (tout est à portée
de main des
acteurs qui sont mis en valeur, plateau de bois incliné qui les contraint).
- Vitez révèle que Le Soulier est avant tout une pièce
sur l’aventure, et même l’aventure du théâtre.
(Regardez des photos de la scénographie du Soulier en ligne.)