mercredi 14 décembre 2022

Thomas Jolly notes sur Maquiller les ténèbres

Thomas Jolly : Maquiller les ténèbres

T = art citoyen qui cherche à interroger les fondements de l’humain

«  Je pense que ça correspond à mon envie que le théâtre soit une réalité augmentée, que le théâtre soit une loupe sur le vrai monde et puis le monstre n’est pas très loin de l’acteur (…) le monstre est une sorte d’humanité exacerbée, amplifiée, faite pour la scène »

Je dis souvent que je suis un enfant du théâtre public, c’est-à-dire que vraiment mes parents n’ont jamais déboursé un centime pour que je puisse apprendre le métier (…)j’ai profité où je pouvais des options facultatives et obligatoires.

La table est notre principal endroit avant le plateau, pour se mettre d’accord sur tout un tas de choses, de règles, pour devenir savant aussi sur ce que l’on raconte, sur ce que raconte son personnage, son texte, sa partition…

Pense les acteurs comme des créateurs à l’instar de Py » Donnez aux acteurs le rôle qui est le leur »

Pas metteur en scène mais « entremetteur en scène » pour que s’opère la rencontre entre l’acteur et le texte, lui donner des outils.

Un spectateur perdu une seconde est un spectateur perdu à jamais, tenir le spectateur dans ma main et dans le temps avec nous.

Citation de Hugo : « Il y a deux manières de passionner la foule au théâtre : par le grand et par le vrai. Le grand prend les masses, le vrai saisit l’individu. » etre au milieu de cet équilibre, spectacle vivant, spectacularité, effets, musique donnés et commandés par le texte et pas par mon goût personnel ;

Importance de la phantasia des Grecs : récit de bataille alors que l’acteur sort de la coulisse. Rendre au spectateur sa capacité de représentation mentale, mais il faut créer les conditions de cette représentation

Pour jouer un monstre quand on est acteur il faut forcément le défendre, trouver sa part d’humanité, parce que si on fait son procès à peine entré en scène ce n’est pas intéressant. Cf « monstres sacrés » proximité avec l’acteur ;

Richard étant rejeté de l’humanité décide de s’en rejeter lui-même : Eh bien puis que les cieux ont ainsi façonné mon corps, que l’enfer fasse mon âme difforme pour y répondre. » Ce sont des choix de douleur, au départ au moins ; qu’est-ce qui pousse quelqu’un à sortir de l’humanité pour la violenter ?

La couronne importe moins que la lignée, c’est l’avenir qui est important. Richard ne veut pas être roi, il veut engendrer une lignée de roi cf «  Et puis après j’épouserai Lady Anne, moins par amour que dans un autre but, étroitement secret auquel en l’épousant je parviendrai » faire des enfants souci de sa postérité.

 

Richard III: question politique chez Jolly

 Davantage peinture d’une société meurtrie et dévastée propice à l’éclosion d’un monstre, génération désolée d’enfants nés dans la guerre sans autre repère que le sang et autre logique que la violence, élevés pour combattre, venger et tuer ; absences de règles et climat d’angoisse, Richard est-il un monstre né ou le produit d’une société, de la monstruosité d’une époque ?

Lecture de l’Histoire : resserrement du conflit : guerres entre états, guerres entre familles, guerre au sein de la famille, guerre au sein de Richard ; Edouard IV a fait de la sécurité son marchepied, société de surveillance généralisée et de suspicion,  délation, paranoïa

Arme politique du théâtre, manipulation, hypocrisie, mensonge dans la sphère politique

Travail dramaturgique profond pour comprendre la façon d’agir de Richard :

En épousant lady Anne but secret : elle ne le mène pas à la couronne, alors ? toutes les malédictions se réalisent, or Lady Anne maudit celle qui épousera Richard, lui promet un fils avorton : enfant monstrueux qui ne survivra pas et dont elle ignore encore qu’elle sera la mère : pas seulement accéder à la couronne mais être père et se perpétuer, engendrer une lignée royale Jolly rajoute l’épisode d fils mort :: dans l’impossibilité de perpétuer sa lignée, il doit « bloquer tous les espoirs dont la croissance peut lui nuire » et d’usurpateur devenir…tyran.

Début de la pièce: mort d’Edouard IV, affrontements dynastiques, lutte de Richard pour arriver au pouvoir par tous les moyens// fin de la pièce : Richard III assailli par ses ennemis lors de la bataille de Bosworth dont il ressort vaincu avant de mourir de la main de Richmond qui fait figure de rédempteur. Henry VII, mariage avec la jeune Elisabeth, union des York et Lancastre, ancêtre d’Elisabeth 1ère

Richard= vilain, traitre de tragédie  et« fool »,  force symbolique incarnation du vice et du mal

Thème politique de l’ambition (Sénèque, Machiavel) et question métaphysique : être sans transcendance et sans loi, exemplum tragique, victoire du bien sur le mal. Notre regard sur Richard est ambivalent : fait horreur et fascine, objet de rejet et d’admiration, courage et peur de la mort qui le rendent humain, à la fin remords de sa vie passé dans sa tente après le cauchemar mais désespoir d’un homme qui ne peut connaître la rédemption. Terreur et pitié.  Questionnement de la notion de providence qui laisse faire le mal et reste silencieuse jusqu’au renversement de situation.