Figure de proue du théâtre public, Nicolas Bouchaud est de nouveau sur les planches avec "Maîtres anciens" du 5 au 23 décembre au Festival d'Automne. L’occasion rêvée pour revenir avec lui dans Affaires Culturelles sur son parcours atypique de comédien engagé.
Nicolas Bouchaud a consacré toute sa vie au théâtre, et pas n’importe lequel. Public, toujours, décentralisé, au maximum. Ce désir d'une culture se propageant loin de la capitale pour gagner les régions excentrées et convertir le peuple à l'art a longtemps orienté ses pas. En 1992, il fait la connaissance de l’auteur et metteur en scène Didier-Georges Gabily, avec lequel il collabore durant quatre ans. Ce dernier dirige Nicolas Bouchaud dans, entre autres, Enfonçures (1993) au Festival d’Avignon, Gibier du temps (1995) et Dom Juan/Chimères (1996). Après le décès tragique de son mentor, il collabore avec Jean-François Sivadier, sous la direction duquel il interprète de nombreuses pièces : Noli me tangere (1998), La folle ou le mariage de Figaro (2000) de Beaumarchais, Le Roi Lear (2007) de William Shakespeare, ou encore La Dame de chez Maxim (2009) de Georges Feydeau. Durant cette période, Bouchaud travaille également avec Rodrigo Garcia dans Borges et Goya en 2006, Yan-Joël Collin dans Henri VI, une adaptation de l’œuvre de Shakespeare (1998), Bernard Sobel dans L’Otage (2002), ainsi qu'avec le Théâtre Dromesko. Il s’essaye aussi à la mise en scène en 2008 avec Partage de midi de Paul Claudel, une création en association avec Jean-François Sivadier. Retour sur 30 ans de théâtre et de compagnonnage artistique avec le comédien Nicolas Bouchaud, à l'occasion de "Maîtres anciens" du 5 au 23 décembre au Festival d'Automne.
"Le théâtre, ça se déplace ! "
Les parents de Nicolas Bouchaud, Jean Bouchaud et Danièle Girard sont aussi acteurs :
" Lors de mon enfance, le métier de mes parents m'était abstrait. Quand on me demandait leur métier en classe, ils m'avaient dit d'inscrire "artiste dramatique" ! A chaque fois "dramatique" résonnait dans ma tête comme mauvais artiste... Mais je devais être impressionné."
Dans une salle disparue du 14e arrondissement de Paris, à 13 ans, Nicolas Bouchaud est marqué par une pièce burlesque écrite par son père, également dramaturge, "Le Gros Oiseau", inspirée des Producteurs de Me! Brooks.
" "Le Gros Oiseau" est le premier moment où je découvre vraiment ce qu'ils font et que j'y prends énormément de plaisir. Je me souviens aussi très précisément de ce lieu qui n'existe plus, dans le 14ème arrondissement de Paris, Avenue du Maine, qui s'appelait la Cour des Miracles. Tous les soirs était programmé trois spectacles, souvent coupé d'un concert. Il y avait du monde, ça grouillait, il y avait toujours un peu de bordel. C'était un peu la cour des miracles finalement !" sourit Nicolas Bouchaud
Mais ce qui reste surtout de cet humus fondateur, c'est le goût de la décentralisation, qui le verra épouser le nomadisme de ses parents :
"Grâce à mes parents, j'ai compris que le théâtre se déplaçait. Si on veut que les gens voient notre pièce, il faut se déplacer en chair et en os. La tournée fait partie de la vie de comédien. Une fois que vous avez créé un spectacle, que vous l'avez joué à Paris, puis dans les grandes villes, il faut aller le montrer partout."
" Didier-Georges Gabily m'a déniaisé"
Avec l'auteur et metteur en scène Didier-Georges Gabily disparu prématurément, en 1996, Nicolas Bouchaud rejoint une troupe, le Groupe Tchang. Alors qu'il avait été refoulé l'entrée de deux prestigieuses écoles d'art dramatique, faute de correspondre aux emplois en vigueur l'époque, il ressuscite en entendant les mots de Gabily :
"C'est quelqu'un qui regardait vraiment les gens. Et la première chose que j'ai apprise avec lui, c'est qu'on travaille avec ce qu'on est. Avec son corps, avec son chaos, ses défauts, sa laideur... Je dis toujours, Didier nous a un peu déniaisés. A 25 ans, j'avais l'envie de rentrer sur le plateau, d'être beau, puissant, d'être plein de présence et d'énergie. Et lui, il nous a salis, on va dire. Grâce à lui, j'ai appris à lâcher complètement. " Nicolas Bouchaud