Vous pouvez revoir la fin de la mise en scène sur la plateforme Cyrano ( en passant MBN médiacentre) Important pour les absents.
-Comparez la tirade de Théramène avec la version Cruciani.
La mort de Phèdre est l’accomplissement d’un destin dont la ligne tragique est tracée par l’origine du personnage : « [Son] mal vient de plus loin », en elle coule un « sang déplorable » et, dès le début de la pièce, son sort est scellé. Comme le dira Maurice Blanchot « Ce n’est pas la mort de Phèdre qui a besoin d’être expliquée, c’est plutôt sa survie, car pendant toute la pièce elle expire, elle porte dans les veines un poison plus lent mais plus fatal que celui de Médée, elle est à tout instant en sursis d’existence » (Maurice Blanchot, Faux-pas, Gallimard, 1943, p. 84).
Dans son approche du texte racinien, dans son travail de répétition, Patrice Chéreau recherchait d’abord « l’intensité », et c’est cette intensité fiévreuse et violente qui parcourt le jeu de la comédienne durant tout ce spectacle – avec des conséquences douloureuses évoquées dans Chantiers, je (p. 102105). Comme le dira Dominique Blanc dans le documentaire Grands Rôles sur Phèdre (réalisé par Samuel Doux, Arte, 2008) : quand le spectacle s’arrête, la violence du rôle est encore en vous, mais il n’y a plus de scène pour l’exprimer ; alors – à l’image du personnage – le danger est de retourner la violence contre soi.
Au début de la scène, en quoi la position de Phèdre est-elle significative ? Comment évolue-t-elle jusqu’à sa mort ?
La dernière apparition de Phèdre au début de cette scène finale peut étonner
car sa position diffère du reste du spectacle. Dès son entrée dans l’acte I
scène 3, elle apparaît courbée, contorsionnée entre le sol et les cieux. Ici le
port du corps est fixe, faussement droit, la position des mains laisse voir
l’artificialité de son maintien : à la manière d’un corset, Phèdre fait
l’effort de se tenir debout alors que le poison agit. La lutte intérieure,
physique et morale, s’exprime d’abord par cette fixité affectée. Puis la vérité
– cet autre poison courant dans les veines de Phèdre – se libère et
le déchirement du corps reprend jusqu’à l’agonie. Le corps se courbe, bave, se
redresse et s’avance, aimanté par celui d’Hippolyte gisant de l’autre côté.
Mais, malgré ses efforts pour l’atteindre, cette mort sur le corps de son amant
lui sera refusée. Elle rampe, le souffle altéré, comme une bête blessée, un
soldat épuisé dans une tranchée, pour enfin trouver le repos du trépas, la main
tendue vers Hippolyte comme dernière expression du désir, accomplissement
cathartique (le mythe grec) et expiatoire (sa réécriture chrétienne par Racine)
du personnage. Thésée refuse tout honneur à celle qui vient de mourir, en
appelle à l’oubli, et la mise en scène accompagne ce mépris par le geste de
Thésée recouvrant à moitié le corps de son épouse.
La mise en scène
Dans Chantiers, je, (p. 87-88) Dominique Blanc dit sa déception devant la mort de Phèdre, « dans un coin », non théâtrale, « sans que rien ne se voie ».
Comment comprenez-vous cette déception ? En quoi cette mise en scène prend-elle appui sur les enjeux dramaturgiques du texte de Racine ?
On sait que le dernier acte a été travaillé à la toute fin, dans l’urgence des
dernières répétitions. Pour Dominique Blanc, la mort de Phèdre est reléguée au
second plan par Patrice Chéreau, au profit de l’image finale : le couple
père/fils, unis par le sang d’Hippolyte dont Thésée se recouvre le visage. Si la
mort de Phèdre est un accomplissement, l’événement de cette dernière scène est
le nouvel aveu du personnage, le plus lucide, et sa condamnation immédiate par
Thésée qui réclame l’oubli pour celle qui devient un mythe. La mise en scène de
la mort, après le parcours décrit plus haut, rejoint l’enjeu premier du
texte : l’épuisement d’un personnage en sursis. L’absence de cérémonie
dans l’attitude de Thésée épouse cette économie du spectaculaire : le
geste de la couverture négligemment jetée sur le corps de Phèdre est celui d’un
soldat sur le cadavre d’un ennemi vaincu. Le linceul est incomplet mais
cette incomplétude fait sens : on ne cache pas le corps de Phèdre, comme
l’on n’effacera pas sa mémoire, « le désir de Phèdre est
irréversible » (Francesco Orlando, Lecture freudienne de Phèdre,
Les Belles Lettres, 1986, p. 161).
La conception d’un rôle
Lisez les annotations de Dominique Blanc dans le livret : sur la couverture
« Femme entre érotisme et sacré » / « Dépendance physique si forte » / « Voix du ventre » / « Offrir le visage » / « Ton rythme à toi » ; en marge « Ne pas rester à la périphérie. Se tordre le corps. » ; dans la marge de la scène finale « Démarche avec difficultés » puis « Se plier » puis « ne peut plus se relever ».
En quoi ces annotations correspondent-elles à votre vision de la scène ? Question à laquelle vous pouvez vous entraîner à répondre en me soumettant votre réponse.
Vous mêmes notez dans votre carnet de bord les indications qu'on vous donne ou que vous vous donnez.
Extrait où Dominique Blanc dirige des élèves sur Phèdre. Elle insiste sur l’action du poison dans le corps : comment faire sentir ce que le personnage ressent, faire entendre le compte à rebours lancé par le poison qui agit. Elle demande l’essoufflement, un corps écroulé, « c’est physique la tragédie ». Même si l’on ne connaît pas l’expérience d’une intoxication volontaire, le comédien doit visualiser le poison qu’il a pris, savoir s’il l’a sur lui, etc.
Elle insiste beaucoup sur la respiration.
Dans cet esprit, on trouve dans les documents de travail de Dominique Blanc un échange de mail avec un médecin pour connaître les symptômes d’une prise d’arsenic.
Vous trouverez dans d’autres entretiens des récits où Dominique Blanc évoque son travail de recherche, d’enquête sur ses différents rôles au théâtre comme au cinéma, notamment l’émission À voix nue sur France Culture.
Vous pourrez élargir votre recherche vers d’autres comédiens en quête d’un personnage à incarner.
Nous avons aussi regardé le documentaire Les Grands rôles PHèdre que vous pouvez revoir ici