« TRÈS STEVEN SPIELBERG ! » (Millénium, III, 7) : LA FORCE DES APPARITIONS
Faire apparaître des anges sur scène est une grande gageure pour la mise en scène : comment techniquement faire apparaître les figures ailées, comment faire de la scène le théâtre d’une vision impossible,à laquelle pourtant le spectateur puisse croire aussi bien que le personnage ?
« Très Steven Spielberg ! » est la remarque de Prior à la première apparition de l’ange. En consultant la filmographie du réalisateur avant 1991, émettre des hypothèses sur ce qui peut déclencher un tel commentaire.
Spielberg est particulièrement connu pour des films comme Rencontres du troisième type, E.T. ou encore La Guerre des mondes, films qui comportent des apparitions diverses
Tony Kushner, notes de l’auteur
"Les hallucinations et moments de magie doivent être délibérément traités comme des instants d’illusion et de merveilleux théâtral et tant mieux si les procédés sont visibles, sans pour autant nuire au merveilleux"
Angels in America, M, III, 7
Prior :
(Près du lit, les lampes clignotent frénétiquement, tandis que le lit avance et recule. Il se produit un craquement accompagné de gémissements provenant du plafond au-dessus du lit, suivi d’une pluie de plâtre.) OH ! OH ! Il va se passer quelque chose, j’ai peur, ça ne me plaît pas du tout, quelque chose approche et je… (Une musique triomphale éclate, annonciatrice d’un événement. La lumière devient impitoyablement pâle, froide, d’un bleu d’acier, puis se change en une couleur estivale, chaude, dorée, puis en un jaune verdâtre intense et enfin dans un pourpre impérial, spectaculaire. Prior dans un souffle, terrorisé.) Dieu tout-puissant… Très Steven Spielberg !
Un son comparable à celui d’une météorite tombant verticalement comme une pierre, venu de très très loin de la Terre, vient heurter la chambre à une vitesse incroyable ; la lumière semble reculer à mesure devant cette arrivée ; lorsque la chambre devient obscure, on entend un crash terrifiant comme si quelque chose d’énorme venait heurter la Terre ; le bâtiment entier tremble sur ses bases, et une partie du plafond tombe sur le sol. Alors, dans une lumière blanche tombant en douche, irréelle, l’Ange, ses grandes ailes d’opale argentée déployées, descend dans la chambre et s’immobilise au-dessus du lit.
L’Ange :
Je te salue, Prophète ! Le Grand Œuvre commence !
Le messager est arrivé.
la scène de l’apparition de l’ange dans
la série Angels in America de Mike Nichols (DVD 1, chapitre 3, de 2 h 31 min 40 s à 2 h 34 min 57 s)Chercher un photogramme.
Différentes mises en scène de l’Ange à étudier.
propos de Krzysztof Warlikowski recueillis par Jean-François perrier en février 2007
— Comment avez-vous traité le problème de l’ange, des anges qui sont au centre de la pièce ?
— Tony Kushner n’est pas allé très loin dans son analyse du « Ciel », du divin. L’ange est présenté ici comme une créature déchue, comme chaque individu sur terre. On pourrait alors traiter cela par le grotesque ce qui ne me convient pas du tout. J’ai choisi de mettre en scène une femme, mais très hermaphrodite, d’une telle beauté qu’elle en est presque inhumaine. J’ai construit le personnage autour d’une des phrases que lui fait dire Kushner : « nous on est fait pour aimer », comprise aussi dans le sens d’une copulation éternelle et universelle. Il me semble que l’ange en faisant passer l’homme vers la mort lui rend la vie. Mais je n’ai pas de certitude absolue concernant cette analyse
Voir le traitement de l'Ange dans le film Les Ailes du désir de Wim Wenders