Vous trouverez ici le dossier pédagogique du théâtre de l'Odéon:
http://www.theatre-odeon.eu/fichiers/t_downloads/file_284_dpd__phedre.pdf
Lisez au moins l'interview de Patrice Chéreau.
Le dossier d'Arte avec de belles photos du spectacle:
http://download.pro.arte.tv/archives/fichiers/01672816.pdf
Une mise en scène proche du spectateur
Quels procédés (dans
le déplacement des personnages, dans le décor et dans la diction)
permettent de créer une intimité avec le spectateur ?
Loin du hiératisme figé de la tragédie antique et loin de la pompe solennelle du XVIIe siècle, cette mise en scène s’attache à rendre les personnages très proches du public. Différents procédés utilisés pourront être rapidement observés car cette volonté de réduire la distance avec le spectateur se manifeste dès la scène d’exposition. Théramène et Hippolyte surgissent au milieu du public et éteignent les conversations. Leur irruption dans un clair-obscur estompe encore davantage la rupture entre le hors-scène et le spectacle. Hippolyte conte les exploits glorieux de son père qui ont bercé son enfance, assis sur une des marches des travées de la salle du théâtre. Le dispositif bifrontal crée une sorte de huis clos oppressant qui permet à chacun de voir autant que d’entendre l’affrontement des personnages prisonniers dans l’arène. Aussi, l’abandon du quatrième mur invisible de la salle à l’italienne impose aux interprètes une tout autre scénographie : les corps se meuvent sans plus veiller à être face aux spectateurs et offrent des points de vue multiples en parcourant de manière horizontale différents espaces délimités par les éclairages.
Enfin, la scansion de l’alexandrin chère aux puristes est abandonnée au profit d’une diction plus naturelle. Les hémistiches s’enchaînent sans césure et les modalités exclamatives ou interrogatives retrouvent leur intonation spontanée. Patrice Chéreau s’est d’ailleurs expliqué à plusieurs reprises sur ce sujet : « Je suis archi contre le fait de faire entendre un arrêt à l’hémistiche, au bout de la sixième syllabe. Et je suis archi contre un arrêt à chaque vers. Par exemple, pour les fameux vers d’Oenone : "Vous le craignez. Osez l’accuser la première/Du crime dont il vous veut charger aujourd’hui", on ne comprend pas si on s’arrête à la rime. Mais si on ne s’arrête pas, j’entends le projet monstrueux. » Il s’agit donc bien d’« entendre » des paroles débarrassées de l’opacité rugueuse de la métrique. Ainsi, le morceau de bravoure que constitue le récit de Théramène devient une intense déploration qui bouleverse ses auditeurs.
On peut opposer cette volonté de créer une intimité avec le public à la célèbre Phèdre de Vitez (1975) au théâtre d’Ivry. En effet, cette mise en scène accusait au contraire la distance par le recours systématique à l’artifice, par la restitution de l’univers du Grand Siècle dans le choix des costumes et du décor. (Lire « Le document ».) La comparaison des deux mises en scène peut amener les élèves à réfléchir sur le sens de la catharsis et sur les conceptions de la fatalité que ces choix des metteurs en scène infléchissent.