Le couple
Feydeau
Nous
connaissons mal la vie privée de Feydeau, et il en sera ainsi jusqu'à la
publication - improbable - de lettres hypothétiques. Ses descendants semblent
n'avoir rien conservé qui touche à ce domaine intime.
En l'absence
de documents, nous devons nous en tenir strictement aux faits et à l'œuvre.
Indiscutablement,
Feydeau (malgré ses penchants volages abondamment manifestés dans sa jeunesse) a
fait un mariage d'amour. Fort belle, intelligente, toujours souriante et,
d'après certains témoins, très indulgente et compréhensive, Marianne
Carolus-Duran a mérité cet amour, - partagé semble-t-il -pendant de nombreuses
années, au moins jusqu'à la naissance de Jean-Pierre, en 1903.
En 1898,
Sacha Guitry notait : "Cette famille est l'image du bonheur"!
Compagne des
débuts difficiles, Marianne a certainement sa part dans la persévérance
acharnée de son époux, qui devait finalement le mener au succès. De ce succès,
elle a recueilli les fruits, notamment sur le plan du confort matériel,
toujours important pour une maîtresse de maison.
Par la
suite, les erreurs financières de Georges qui ont entraîné certaines
catastrophes, la vie libre qu'il a toujours prétendu mener, n'ont pas manqué de
créer dans le ménage des troubles sans cesse grandissants. Imaginons d'ailleurs
quel peut être l'état d'esprit de cette jeune femme, qui passe le plus clair de
ses soirées et de ses nuits à attendre le retour du noctambule impénitent !
De son côté
Feydeau, comme tout écrivain, a besoin chez lui de silence et de concentration-
et il supporte assez mal la turbulence de quatre petits enfants. Les scènes
vont bientôt éclater, à propos de tout et de rien :
"C'est
moi, dit Jacques Feydeau, qui ai été le héros de On purge Bébé."
Et les
choses se sont passées à très peu de choses près comme dans la pièce.
Sur le mode
mineur au début, les querelles vont devenir plus graves, épuisantes et
lassantes à la longue, et Feydeau avouera à ses proches: "Vraiment, je
n'étais pas fait pour le mariage !"
Il éprouve
certainement beaucoup d'amertume et de souffrance intérieure à constater
l'échec de cette union si joliment commencée et ses dernières comédies, quoique
toujours gaies, porteront l'empreinte de cette peine...
En septembre
1909, après une querelle plus violente que les autres, Feydeau s'enfuit de chez
lui, emportant un peigne, une brosse à dents et un pyjama, et se réfugie à
l'hôtel Terminus, près de la gare Saint-Lazare. A plusieurs reprises, il
reviendra rue de Longchamp pour quelques jours, sous prétexte de
prendre des
affaires. Mais la rupture avec Marianne sera désormais consommée et
l'appartement 189 du Terminus restera pendant dix ans le véritable logement du
vaudevilliste.
Jacques
Lorcey
Chronologie
du couple Feydeau
1889 14
octobre, mariage de Georges Feydeau avec Marianne Carolus-Duran, fille du
peintre portraitiste.
1890
Naissance de leur premier enfant : Germaine.
1892
Naissance de Jacques, qui travaillera dans la banque comme son grand-père et
écrira des comédies comme son père. Il meurt le 26 février 1970.
1900
Naissance de Michel, son troisième enfant.
1903
Naissance de Jean-Pierre, scénariste et dialoguiste de films, mort en septembre
1970.
1908 15
novembre, Feu la mère de Madame. Pièce en un acte.
1909
Séparation du couple Feydeau.
1910 12
avril, On purge bébé. Pièce en un acte.
1911 9
décembre, Léonie est en avance. Pièce en un acte.
1914
Procédure de divorce.
1916 Le
divorce est prononcé. Feydeau a tous les torts.
1919 En
octobre, Jacques et Michel, ses fils, installent Feydeau dans une maison de
repos à Rueil-Malmaison. Il y finira sa vie, alternant périodes de mutisme et
crises violentes.
1921 Feydeau
meurt à Rueil-Malmaison, il est enterré le 8 juin au cimetière Montmartre