Un Entretien avec Éric Soyer, scénographe de la compagnie Louis Brouillard, réalisé le 8 février 2008.
Éric Soyer a rejoint Joël Pommerat au
Théâtre de La Main d’Or et a réalisé la scénographie de
tous ses spectacles.
La scénographie
des spectacles de Joël Pommerat est extrêmement particulière et tient une place
considérable dans le spectacle. Comment
la définiriez-vous ?
Éric Soyer – La scénographie dans les
spectacles de Joël a pour but de mettre l’espace en mouvement. Elle procède par
la création d’un espace vide. Il s’agit de fabriquer une boîte dans laquelle on
oublie le théâtre et où tout devient possible au niveau de l’imaginaire. On
s’attache à faire disparaître les limites du lieu où l’on inscrit la
représentation. C’est une boîte de lumière qui permet de créer des tensions
dans l’espace. Il s’agit plus d’un art chorégraphique au départ : la place des
corps et leur mouvement dans l’espace. Joël a l’art de poser les corps dans
l’espace. Ses mises en place sont extrêmement précises. La lumière se fait en
même temps et vient proposer ou soutenir ces tensions. C’est une partition qui
se décline sur plusieurs niveaux de sens : sensoriel, sonore, visuel pour
rendre les choses intelligibles sur le plan de l’émotion.
[…]
Joël Pommerat a
tenu à se démarquer fortement de cette étiquette de « travail cinématographique
» dont une
partie de la
presse l’a affublé.
E.S. – On n’utilise pas directement des
procédés de cinéma, on les retranscrit. On utilise la notion de découpages : flashbacks, séquençages, ellipses
de temps, …
Par exemple, on
saisit des gens
en mouvement à l’apparition de l’image ce qui demande d’imaginer ce que
l’on n’a pas vu. Le son est un élément
aussi volatile que la lumière. Très souvent le son vient poursuivre en écho le
travail sur la lumière et inversement.
La perception de
l’un est totalement
modifiée par l’autre.
Ce sont deux
matières complémentaires qui transportent le spectateur en un quart de
seconde. On écrit une partition avec des
ingrédients : notes, rythme, on prolonge une image par les sons, ou bien on
fait en cut, on fait disparaître en
net, ou au contraire en flou, lentement. Dans Pinocchio qui dure environ une
heure dix, on transporte instantanément le spectateur dans de nombreux lieux
différents, intérieurs et extérieurs, à l’école, au cirque, dans le ventre de
la baleine, sans aucune des lourdeurs du « changement de décor ». L’agencement des séquences vise à créer une
rythmique, une partition.