samedi 15 février 2014

entretien avec Eric Soyer, scénographe de Cendrillon



Un Entretien avec Éric Soyer, scénographe de la compagnie Louis Brouillard, réalisé le 8 février 2008.


Éric Soyer a rejoint Joël Pommerat au Théâtre de La Main d’Or et a réalisé la scénographie de
tous ses spectacles.

La scénographie des spectacles de Joël Pommerat est extrêmement particulière et tient une place considérable  dans le spectacle. Comment la définiriez-vous ?
Éric Soyer – La scénographie dans les spectacles de Joël a pour but de mettre l’espace en mouvement. Elle procède par la création d’un espace vide. Il s’agit de fabriquer une boîte dans laquelle on oublie le théâtre et où tout devient possible au niveau de l’imaginaire. On s’attache à faire disparaître les limites du lieu où l’on inscrit la représentation. C’est une boîte de lumière qui permet de créer des tensions dans l’espace. Il s’agit plus d’un art chorégraphique au départ : la place des corps et leur mouvement dans l’espace. Joël a l’art de poser les corps dans l’espace. Ses mises en place sont extrêmement précises. La lumière se fait en même temps et vient proposer ou soutenir ces tensions. C’est une partition qui se décline sur plusieurs niveaux de sens : sensoriel, sonore, visuel pour rendre les choses intelligibles sur le plan de l’émotion.

[…]
Joël Pommerat a tenu à se démarquer fortement de cette étiquette de « travail cinématographique » dont une 
partie de la presse l’a affublé.
E.S. – On n’utilise pas directement des procédés de cinéma, on les retranscrit. On utilise la notion de découpages   :   flashbacks,   séquençages,   ellipses   de   temps,      Par   exemple,   on   saisit   des   gens   en mouvement à l’apparition de l’image ce qui demande d’imaginer ce que l’on n’a pas vu. Le son est un  élément aussi volatile que la lumière. Très souvent le son vient poursuivre en écho le travail sur la lumière   et  inversement.   La   perception   de   l’un   est   totalement   modifiée   par   l’autre.   Ce   sont   deux  matières complémentaires qui transportent le spectateur en un quart de seconde. On écrit une partition  avec des ingrédients : notes, rythme, on prolonge une image par les sons, ou bien on fait en cut, on fait disparaître en net, ou au contraire en flou, lentement. Dans Pinocchio qui dure environ une heure dix, on transporte instantanément le spectateur dans de nombreux lieux différents, intérieurs et extérieurs, à l’école, au cirque, dans le ventre de la baleine, sans aucune des lourdeurs du « changement de décor ».  L’agencement des séquences vise à créer une rythmique, une partition.