mardi 11 mars 2014

Le voyage d'Erasme de Jean-Marc Eder

Voici un lien vers le site de jean-Marcr Eder





 Certains ont fait part d'une problème de compréhension du texte dit par Jean-Marc. Voici la retranscription de la lettre à Christian:




Lettre de Erasme à Christian de Lubeck (Gallimard – Trad Marie Delcourt)
(Lettre 56 - Paris printemps 1497)
(Extrait)
Je ne saurais douter, Christian mon ami très cher, de l'incroyable ardeur dont tu brûles pour les belles lettres, et j'ai vu que tu avais moins besoin d'être encouragé que d'être guidé, d'être dirigé dans la voie que tu as choisie. J'ai jugé de mon devoir de marquer les étapes par lesquelles j'ai passé moi-même depuis mon enfance, pour ton profit à toi qui m'es attaché par tant de liens et qui m'es particulièrement cher. Si tu écoutes mon exposé aussi attentivement que je le fais, je suis sûr que
nous ne regretterons pas, moi de t'avoir donné des conseils, toi de les avoir suivis.
Que ton premier soin soit donc de te choisir un précepteur, un précepteur des plus instruits, car faute d'être instruit lui-même nul ne saurait bien instruire autrui. Dès que tu l'auras trouvé, mets tout en oeuvre afin qu'il éprouve pour toi les sentiments d'un père et toi, pour lui, ceux d'un fils. A quoi nous invite une raison de justice, à savoir que nous devons autant à ceux qui nous enseignent le moyen de bien vivre qu'à ceux qui nous ont appelés à vivre.
Montre-toi ensuite attentif et assidu à ses leçons. Un effort exagéré étouffe parfois les dons naturels des élèves. L'assiduité, au contraire est une vertu de juste milieu qui peut se maintenir …
L’assiduité accumule par des exercices quotidiens bien plus qu'on ne l'imagine. La satiété est partout détestable, nulle part plus que dans les belles lettres. Il faut donc relâcher parfois la tension d'esprit qui nait de l'étude, y intercaler des jeux …
Mais des jeux faits pour des hommes bien élevés, dignes des bonnes lettres et restant à leur niveau.
Disons plutôt qu'au coeur même de l'étude nous devons apporter un attrait continu, qui nous rende attentif au plaisir plutôt qu'à la peine. Aucun effort ne se soutient longtemps s'il n'offre quelque plaisir pour retenir le studieux.
Apprends tout d'abord et tout de suite de qu'il y a de meilleur. C'est grande folie que d'apprendre ce qu'il faudra désapprendre ensuite. Observe à l'égard de ton esprit les ordonnances des médecins lorsqu'ils soignent l'estomac. Garde-toi de l'encombrer d'une nourriture nuisible ou trop copieuse aussi funeste l'une que l'autre. Ce qui compte pour toi au début est plus la qualité que la quantité de tes acquisitions.
Écoute attentivement, avidement l'explication de ton précepteur. Non content de suivre son exposé, tâche parfois de le devancer. Confie toutes ses paroles à ta mémoire et les plus importantes à tes cahiers, fidèles gardiens des mots. Mais ne commets pas l'erreur d'avoir des cahiers pleins de science alors que la tienne sera nulle. Pour éviter que ne s'envole ce que tu as entendu, répète-le pour toi-même ou avec d'autres.
Souviens toi d'accorder une partie de ton temps à la réflexion silencieuse, le meilleur exercice dit 'saint Augustin, à la fois pour l'intelligence et la mémoire. La discussion également est comme une palestre qui révèle les muscles des esprits, les stimule et les fortifie. Ne rougis pas de questionner si tu as un doute, d'être corrigé si tu t'es trompé. Évite les veillées prolongées, les études à l'heure du sommeil : elles éteignent l'intelligence et nuisent gravement à la santé. L'aurore est l'amie des
Muses, faite pour l'étude.
Lis avant de t'endormir une page particulièrement belle et digne d'être retenue, afin que tu y penses tandis que le sommeil te gagnera et que tu la retrouves en toi même en te réveillant.