Certains ont fait part d'une problème de compréhension du texte dit par Jean-Marc. Voici la retranscription de la lettre à Christian:
Lettre de Erasme à Christian de
Lubeck (Gallimard – Trad Marie Delcourt)
(Lettre
56 - Paris printemps 1497)
(Extrait)
Je
ne saurais douter, Christian mon ami très cher, de l'incroyable ardeur dont tu
brûles pour les belles lettres, et j'ai vu que tu avais moins besoin d'être
encouragé que d'être guidé, d'être dirigé dans la voie que tu as choisie. J'ai
jugé de mon devoir de marquer les étapes par lesquelles j'ai passé moi-même
depuis mon enfance, pour ton profit à toi qui m'es attaché par tant de liens et
qui m'es particulièrement cher. Si tu écoutes mon exposé aussi attentivement
que je le fais, je suis sûr que
nous
ne regretterons pas, moi de t'avoir donné des conseils, toi de les avoir
suivis.
Que
ton premier soin soit donc de te choisir un précepteur, un précepteur des plus
instruits, car faute d'être instruit lui-même nul ne saurait bien instruire
autrui. Dès que tu l'auras trouvé, mets tout en oeuvre afin qu'il éprouve pour
toi les sentiments d'un père et toi, pour lui, ceux d'un fils. A quoi nous invite
une raison de justice, à savoir que nous devons autant à ceux qui nous
enseignent le moyen de bien vivre qu'à ceux qui nous ont appelés à vivre.
Montre-toi
ensuite attentif et assidu à ses leçons. Un effort exagéré étouffe parfois les
dons naturels des élèves. L'assiduité, au contraire est une vertu de juste
milieu qui peut se maintenir …
L’assiduité
accumule par des exercices quotidiens bien plus qu'on ne l'imagine. La satiété
est partout détestable, nulle part plus que dans les belles lettres. Il faut
donc relâcher parfois la tension d'esprit qui nait de l'étude, y intercaler des
jeux …
Mais
des jeux faits pour des hommes bien élevés, dignes des bonnes lettres et
restant à leur niveau.
Disons
plutôt qu'au coeur même de l'étude nous devons apporter un attrait continu, qui
nous rende attentif au plaisir plutôt qu'à la peine. Aucun effort ne se
soutient longtemps s'il n'offre quelque plaisir pour retenir le studieux.
Apprends
tout d'abord et tout de suite de qu'il y a de meilleur. C'est grande folie que
d'apprendre ce qu'il faudra désapprendre ensuite. Observe à l'égard de ton
esprit les ordonnances des médecins lorsqu'ils soignent l'estomac. Garde-toi de
l'encombrer d'une nourriture nuisible ou trop copieuse aussi funeste l'une que
l'autre. Ce qui compte pour toi au début est plus la qualité que la quantité de
tes acquisitions.
Écoute
attentivement, avidement l'explication de ton précepteur. Non content de suivre
son exposé, tâche parfois de le devancer. Confie toutes ses paroles à ta
mémoire et les plus importantes à tes cahiers, fidèles gardiens des mots. Mais
ne commets pas l'erreur d'avoir des cahiers pleins de science alors que la
tienne sera nulle. Pour éviter que ne s'envole ce que tu as entendu, répète-le pour
toi-même ou avec d'autres.
Souviens
toi d'accorder une partie de ton temps à la réflexion silencieuse, le meilleur
exercice dit 'saint Augustin, à la fois pour l'intelligence et la mémoire. La
discussion également est comme une palestre qui révèle les muscles des esprits,
les stimule et les fortifie. Ne rougis pas de questionner si tu as un doute,
d'être corrigé si tu t'es trompé. Évite les veillées prolongées, les études à
l'heure du sommeil : elles éteignent l'intelligence et nuisent gravement à la
santé. L'aurore est l'amie des
Muses,
faite pour l'étude.
Lis
avant de t'endormir une page particulièrement belle et digne d'être retenue,
afin que tu y penses tandis que le sommeil te gagnera et que tu la retrouves en
toi même en te réveillant.
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