Réflexion sur l'utilisation des nouvelles technologies dans les mises en scène
Pourquoi
utiliser de la vidéo ou des micros pour une mise en scène de théâtre ?
C’est une pratique qui se développe et qui est de plus en plus répandue.
D’après Cyril Teste, metteur en scène du Collectif MxM, « Cette
utilisation est générationnelle : les images font intrinsèquement partie
du monde dans lequel nous sommes nés et avons grandi. Le théâtre doit
rendre compte de l’humain et de son environnement et le nôtre est
indissociable des images. »[1]
C’est
donc pour lui une simple adaptation des artistes aux évolutions de la
société, et il est facile de le croire lorsque l’on constate
l’augmentation croissante du taux d’équipement en ordinateurs,
téléphones portables aux nombreuses fonctionnalités, et autres bijoux de
technologie. Mais la relation homme/technologies est souvent interrogée
et remise en cause à travers l’usage même de ces nouveaux outils que
sont la vidéo, le traitement du son avec l’utilisation de micros,… comme
dans Electronic City de Falk Richter, mis en scène par Cyril Teste[2], où l’auteur décrit un monde saturé d’images et de gadgets.
C’est
donc dans une démarche de recherche à la fois purement théâtrale sur
des techniques et des outils de mises en scène que les artistes de
théâtre font appel aux nouvelles technologies, mais également dans une
démarche de recherche sur l’homme lui-même dans sa relation quotidienne à
ces technologies. C’est en tous cas ce que soutient Franck Bauchard[3]
: « Les artistes utilisant les nouvelles technologies se gardent de
s'inscrire dans des logiques de rupture pour défendre une attitude
expérimentaliste qui tend à détourner, à recomposer, à distordre les
syntaxes et les langages acceptés comme tels. »[4]
Par ailleurs, cette opinion peut être mise en parallèle avec le travail
du Collectif MxM qui met en place régulièrement des « laboratoires »
qui « sont une invitation permanente à questionner les nouveaux outils
dont nous nous sommes emparés, une réflexion en acte sur les matériaux
textuels à visiter ou à réinventer »[5].
Les
nouvelles technologies sont donc bien des outils à l’enrichissement de
la création théâtrale pour certains artistes qui voient dans leur
utilisation une bonne façon de parler de et à l’homme d’aujourd’hui.
Attention tout de même à certains écueils faciles dans l'emploi de ces
outils qui pourraient n’être que gadgets supplémentaires à une mise en
scène plus « traditionnelle » : « L'utilisation des nouvelles
technologies doit toujours être dramaturgiquement fondée si on ne veut
pas en rester aux effets spéciaux et à la stimulation sensorielle prise
comme une fin en soi. »[6]
L’intérêt
de l’utilisation des nouvelles technologies dans la mise en scène
semble donc être de représenter une réelle valeur ajoutée : « Notre
principe est de les dissoudre dans le spectacle, de les effacer au
profit du plateau. Le temps du théâtre est du temps réel. Le temps de
l’image est tout autre. Or nous cherchons à amener le temps de la vidéo
au temps du théâtre […]. C’est en ce sens qu’il faut […] considérer la
vidéo comme un outil complémentaire de tous les autres dont les effets
puissent s’intégrer à l’ensemble du spectacle. »[7]
Cette valeur ajoutée peut être de deux natures : valeur ajoutée en
terme de création d’espace, d’ouverture de l’espace théâtre, ou bien en
terme de point de vue offert au spectateur et de création d’une nouvelle
relation avec celui-ci.
Tout
d’abord, la vidéo permet un éclatement de l’espace qui, tout à coup,
n’est pas uniquement celui de la scène où évoluent les comédiens, mais
également celui des écrans, des supports sur lesquels est projetée la
vidéo. En effet, l’espace physique de la scène peut être dépassé à
travers l’utilisation de la vidéo car cet outil permet d’ouvrir
l’espace, de proposer de nouvelles ouvertures a priori invisibles sur
scène. De plus, les technologies peuvent renouveler la relation entre
les comédiens et le public par le rapprochement du comédien par rapport
au public. En effet, les personnages mis en scène peuvent se présenter
de façon beaucoup plus intime et se dévoiler au public, par le recours à
des gros plan en vidéo par exemple, ou de micros qui amplifient le
moindre souffle des comédiens et donnent alors l’impression d’être
physiquement proche des spectateurs. Une nouvelle intimité au théâtre
est créée et l’espace séparant la scène de la salle est réduit.
Mais
au-delà de considérations artistiques et sensorielles, le recours aux
nouvelles technologies dans la conception des mises en scènes entraîne
aussi des changements techniques. En effet, la manipulation du matériel
technique permettant d’obtenir les effets artistiques voulus implique
une bonne connaissance de ce matériel : le personnel technique au sein
des compagnies ou des lieux de diffusion a donc besoin d’être formés en
conséquence. Ces nouvelles tendances artistiques ont donc certainement
un impact sur le contenu des formations professionnelles aux métiers
techniques du théâtre.
Nous
avons évoqué précédemment le changement du rapport comédiens/public
tendant vers d’avantage d’intimité. Nous pouvons rapprocher cette idée
de celle de la création, ou de l’apparition d’un nouveau public, en
parallèle à l’émergence de la tendance à l’utilisation des nouvelles
technologies. Celles-ci touchent aujourd’hui un nombre grandissant
d’individus, comme nous l’avons indiqué en introduction, c’est pourquoi
il est envisageable que ces nouvelles formes théâtrales puissent séduire
un public déjà sensible aux images mais peu au théâtre. En effet, « On
est dans une stratégie d'adaptation au public. Il s'agit non pas d'un
théâtre d'avant-garde, mais d'un théâtre populaire fondé sur des
procédures de communication renouvelées avec le public. »[8]
Par ailleurs, les effets visuels et sonores découlant de l’utilisation
des nouvelles technologies dans le théâtre tendent parfois à rapprocher
l’esthétique du théâtre à celle du cinéma. Nous pouvons évoquer par
exemple, le spectacle Norman Bates est-il ?
de Jean-François Auguste et Marc Lainé (création 2009), qui s’interroge
dans le fond et la forme, sur le personnage principal de Psychose, le film d’Alfred Hitchkock.
[1] Source : Cyril Teste pour le magazine « La Terrasse » / Propos recueillis par Catherine Robert
[2] Collectif MxM
[3]
Directeur adjoint du CIRCA (Centre de recherche sur l’intermédialité),
il a publié des ouvrages sur la question du théâtre et des nouveaux
médias dans des revues françaises et étrangères
[4]
Source : www.ciren.org / « Interdisciplinarité des arts numériques —
Théâtre et spectacle vivant, Recherche musicale, Littérature et
génération de textes, Arts visuels »
[5] Source : site internet du Collectif MxM / Présentation des laboratoire / www.collectifmxm.com/
[6]
Source : Franck Bauchard / www.ciren.org / « Interdisciplinarité des
arts numériques — Théâtre et spectacle vivant, Recherche musicale,
Littérature et génération de textes, Arts visuels »
[7] Cyril Teste – Collectif MxM
http://theatretechnologies.blogspot.fr/2010/04/reflexion-sur-lutilisation-des.html