samedi 13 décembre 2014

La Grâce, mise en scène Jean-Marc Eder

Mardi 9 décembre, les secondes enseignement d'exploration ont rencontré le metteur en scène Jean-Marc Eder et ses collaborateurs qui travaillent actuellement en résidence au Centre Europe sur sa prochaine création La Grâce de Michael Leewis Maclennan, un auteur canadien.

La pièce écrite en 1996 retrace, au cours d’une journée, dans une grande ville, les trajectoires de six personnages anonymes qui ont fait un pas de côté. Leurs tentatives de rencontre, leurs échanges parfois dérisoires, leurs transformations éphémères sont autant d’épisodes qui dessinent une chorégraphie urbaine autour de la recherche d’une grâce salvatrice, qui aujourd’hui s’accorde peut-être tout simplement d’homme à homme.
Le projet de mise en scène de cette pièce est né de mon envie de retrouver, au sein d’un même projet, plusieurs jeunes gens, que j’ai formés ou rencontrés en Alsace depuis mon arrivée dans cette région en 2001. Quatre d’entre eux seront là comme comédiens, et trois dans l’équipe artistique. Avec eux, entourés par des artistes plus aguerris, nous aborderons cette création avec le désir de raconter cette fresque urbaine, avec humour et légèreté dans les mots, sensualité et grâce dans les corps.
Jean-Marc Eder 


Comme par un déplacement métonymique, MacLennan passe de son titre La Grâce à une mise en jeu du verbe Sauver. La pièce pourrait être entendu comme une sorte de variation autour de cette question : Le Salut aujourd'hui, mais venant de qui ?
Il y a encore quelques dizaines d'années, dans nos sociétés occidentales, la réponse à nos angoisses était en partie fournie par la religion : Au bout du compte Dieu sauvera tous les hommes en leur accordant sa Grâce.
Mais aujourd'hui, alors que les convictions religieuses se dissolvent dans une multiplicité de possibles, alors que le rite devient coutume ou pire, prétexte au commerce, alors que le matérialisme débridé et l'individualisme aveuglé rendent l'accès à une quelconque vérité divine, absurde, qui donc peut nous sauver de la cruauté de notre réalité humaine et sociale ? Le Salut est même devenu une utopie dangereuse.
Qui plus est, Sauver induit un absolu. Car c'est Dieu qui sauve, et cela définitivement, pour l'éternité. Alors, sauver quelqu'un, n'est-ce pas, d'une part se prendre pour Dieu, et d'autre part espérer trouver une réponse définitive à notre angoisse existentielle ?
Tous les personnages de la pièce, pris dans un réseau de contraintes psychiques et sociales, sont en quête d'une solution définitive à leur incapacité de vivre. Certains espèrent un être qui apaiserait tout, d'autres cherchent un abandon total par l'errance ou la mort.
Alors MacLennan s'amuse à organiser entre eux, des rencontres fugaces, des ratages, des incompréhensions, des moments d'écoute, des rounds d'observation, des échanges dérisoires ou fulgurants, bref, tout un ensemble de situations dramatiques volontairement anecdotiques qui cartographie une sorte de chorégraphie urbaine, autour de la recherche d’une grâce salvatrice perdue.
Et finalement, au bout de la nuit, l'auteur, avec un humour léger et tendre, fait surgir pour chacun de ses personnages, une possible résolution, profondément ancrée dans ces tentatives de relation humaine, mais évidemment fugace. Une grâce temporaire d’homme à homme.