Farben a obtenu le prix des jeunes auteurs au Deutsche Schauspielhaus de Hambourg.
Cette pièce a été mise en espace pour la première fois en français à la Mousson d’été en 2005. Elle a été lue à la Comédie-Française en 2009. Farben a reçu le prix Italia 2009 de la meilleure fiction radio (France Culture).
Exaltés par un idéal scientifique incarné au début
du XXe siècle par Pierre et Marie Curie, Clara et Fritz, couple de
chimistes, consacrent leurs recherches au progrès de
l’Humanité. Histoire réelle ou biographie
onirique ? Farben est le récit de Clara Immerwahr, première femme
chimiste en Allemagne, en lutte pour l’intégritéCette pièce a été mise en espace pour la première fois en français à la Mousson d’été en 2005. Elle a été lue à la Comédie-Française en 2009. Farben a reçu le prix Italia 2009 de la meilleure fiction radio (France Culture).
En 1901, Clara Immerwahr, première femme chimiste allemande, épouse Fritz Haber, chercheur juif qui œuvre « pour le bien de l’humanité ». Tandis que Clara renonce à sa carrière, Fritz invente les premiers gaz de combat. Clara tente alors de le détourner de ses recherches qu’elle juge criminelles et contraires à l’éthique scientifique… Cette pièce étonnante de Mathieu Bertholet est divisée en un prologue et quatre actes : « jaune citron », « vert acide », « bleu ciel » et « rouge sang », ils forment la toile des émotions de Clara, tout en rappelant la classification des gaz par leur couleur. La mise en scène de Véronique Bellegarde restitue l’urgence de cette écriture fragmentée, comme ultime tentative d’échapper au destin du XXe siècle.
A la Belle Epoque, Clara Immerwahr, première femme chimiste allemande, épouse Fritz Haber, chercheur "pour le bien de l'humanité". Mais, tandis que Clara est contrainte de se limiter à la seule chimie de sa cuisine, Fritz invente pas à pas les premiers gaz de combat. Des tableaux aux couleurs fortes, du vert acide au rouge sang, forment le paysage des émotions de Clara et préfigurent, tout au long de cette plongée onirique, sa réaction irréversible face aux choix corrosifs de son mari.
La fable:
Deux coups de feu dans l'aurore. Berlin-Dahlem se réveille en sursaut. Le front est loin, mais aujourd'hui la guerre était dans la maison d'à côté. Mai 1915, Clara Haber perd son sang dans la gazon mouillé. Près d'elle, son fils, son mari avec son arme de service. Pas de larmes. Le mari remonte les marches vers la villa, il prend le téléphone et dicte une annonce mortuaire. Il fait ses valises, donne des ordres au personnel de la maison et de son laboratoire. Il quitte Berlin, direction le front de l'Est. Il y avait une fête hier soir dans cette villa. Des officiers, des scientifiques et leur femmes ont fêté le succès de Fritz Haber et de son Institut dans les tranchées d'Ypres. On fêtait la mort de dix-huit mille hommes, tombés dans la première attaque au gaz de l'histoire. Ils étaient des ennemis, une bonne raison de fêter ça. Clara se traîne dans la maison depuis le matin. Elle ne veut pas. Ce soir, elle se disputera avec son mari pendant sa fête et elle montera très tôt dans sa chambre. Les gens parleront. Ils penseront, ils diront: Fritz en aime une autre, une plus jeune, une plus belle, une vraie femme, pas une de ces scientifiques, pas une de ces femmes modernes. Mais ils auront tort. Oui, Fritz en a une autre, mais Clara ne s'y intéresse pas. Elle ne peut plus supporter que leur science, leur travail aient mis fin à tant de vies. En 1890, ils se sont rencontrés à Breslau. Il était officier. Elle encore une jeune fille. Ils ont pris des cours de danse ensemble. Il est parti ailleurs. Pendant de longues années, Clara s'est battue pour réaliser son rêve : être plus qu'une épouse et une mère; elle veut devenir chimiste. Et ce n'est pas simple. Il y a encore très peu de femmes dans les universités et les vieux professeurs n'aiment pas enseigner au sexe faible. Mais Clara est douée et quelques professeurs vont quand même l'aider. En 1900, elle est la première femme docteur en chimie de l'Université de Breslau. Lors d'un voyage de travail à Fribourg, elle revoit Fritz. Elle a beaucoup entendu parler de lui pendant ses études; il est devenu un chimiste réputé. Il n'a pas pu l'oublier depuis ces cours de danse, prétend-il. Il veut l'épouser. Elle hésite et finit par accepter, touchée par l'idée de deux bureaux égaux" qui se feront face dans un même laboratoire. Un mariage pour encadrer la recherche commune. Mais les choses se passent autrement. Pour Fritz rien n'est facile non plus. Il est Juif. Aussi difficile pour lui d'obtenir un poste universitaire que pour sa femme d'étudier. Elle le soutient, cuisine, nettoie, fait tout ce qu'une femme a fait depuis des siècles, mais sans grand talent. Elle espère qu'un jour tout ira mieux, qu'ils pourront employer du personnel et qu'elle pourra travailler avec son mari au laboratoire. Mais les choses se passent encore autrement. Elle (ils) a (ont) un fils et son destin est scellé. Plus jamais elle ne fera de chimie; son mari ne veut pas la voir traîner" au laboratoire. Fritz Haber commence à être reconnu professionnellement. Après chaque promotion, la famille emménage dans un appartement plus grand. Son travail avance. Il invente une méthode pour produire de l'azote avec de l'air. Sa situation financière et sa réputation s'améliorent. On l'appelle à Berlin où on lui offre son propre Institut. Clara a montré qu'une femme de son époque pouvait être plus qu'une mère? Fritz veut montrer qu'un Juif peut être aussi un bon Allemand. Il veut -à tout prix- aider l'Allemagne a faire une avancée significative dans les tranchées de la Grande Guerre. Depuis le début de la guerre, il concentre ses recherches sur une nouvelle arme: le gaz de combat. Il utilise les relations qu'il a tissées dans l'industrie chimique durant ses années de travail. Il cherche un produit qui soit facile à exploiter dans l'Allemagne isolée par le Blocus et trouve des produits dérivés de la fabrication d'engrais. Après de nombreux tests dans son Institut et sur le terrain près de Cologne, la première attaque a lieu le 22 avril 1915. Durant la guerre, il développe de nombreux gaz, du gaz de chlore en passant par le gaz Moutarde jusqu'au Zyklon. Il ne sait pas que 25 ans plus tard, des millions d'autres Juifs mourront de sa découverte dans les chambres à gaz. Moi, jeune homme, j'ai écrit une pièce sur cette femme parce qu'elle me touche. Moins par son précoce combat féministe que par son ambition de réaliser son rêve. Clara Haber ne s'est jamais battue en tant que femme contre un monde d'hommes. Elle a, humaine avec des rêves trop grands, tout entrepris avec envie et plaisir: ses études, son couple, son enfant. Trop naïve comme le sont souvent les gens trop bons elle n'a malheureusement pas toujours su voir les conséquences de ses choix. Elle a fait confiance à Fritz qui ne pouvait pas vivre avec une femme comme elle. Je me suis approprié cette histoire, parce qu'elle est l'image d'une époque et qu'elle pose tant de questions à notre nouveau siècle. J'ai écrit l'histoire d'une femme avec des rêves trop grands. J'ai écrit l'histoire d'un homme et d'une femme qui se sont consacrés à la science avec la même conviction : faire le bien de l'Humanité. Et pourtant, en une nuit, sont morts dix-huit mille soldats anonymes et la première femme chimiste de Breslau. Tout deux ont porté la responsabilité de leurs rêves. Fritz croyait en l'Allemagne, en la recherche et en la science. Clara en une science pour l'Humanité. Cette pièce s'appelle fArbEn, parce que les gaz de combat sont colorés, et parce que Clara rêve en couleurs. Une pièce sur des rêves, des rêves en couleurs, sur le pouvoir et les dangers de la science.