dimanche 24 mai 2015

Analyse de spectacle: Don Juan revient de guerre ( Raphaelle)



Analyse de spectacle : Don Juan revient de guerre


Don Juan revient de guerre est une pièce écrite par l'auteur austro-hongrois Ödön von Horváth en 1935. Il met en scène un Don Juan transposé dans l’époque de l’après guerre de 14-18 en Allemagne, tout le monde le croyait mort, aussi abîmé physiquement que mentalement. Il erre dans une Allemagne détruite et qui se déchire politiquement à la recherche de son amour d'avant guerre dont il ne se rappelle que de fragments, il passera dans la vie de 35 femmes et  croira y trouver à chaque fois un fragment de son amour idéal.
Jouée à la Comédie de l'Est en l'honneur de la commémoration de la guerre de 1914-1918, cette pièce est mise en scène par Guy-Pierre Couleau et Bruno Journée. Trois acteurs y sont mis en valeur, Nils Öhlund dans le rôle de Don Juan, Carolina Pecheny et Jessica Vedel dans les rôles des 35 femmes qu'elles incarnent tour à tour, ce qui en soit est déjà une performance qui mérite le détour. Le spectacle est construit autour des mêmes acteurs que Guitou de Fabrice Melquiot et permet ainsi une production en diptyque qui peut faciliter la tournée.
Bien qu'il n'y ait pas de limite d'âge, c'est une pièce qui s'adresse plutôt à un public adulte, non à cause de scènes violentes mais par la gravité du sujet qu'elle traite.
La scénographie :
La pièce a été jouée dans la petite salle de la Comédie de l'Est, le public est donc restreint, ce qui crée une sorte d'intimité, due également à la pente du toit qui réduit l'espace. Les acteurs jouent à même le sol, un parquet chaleureux. Le décor est sobre, une table ainsi que des chaises, qui par leur disposition ou l'apport d'un nouvel élément ou d'un changement de costume nous indique dans quel endroit on se situe. Dans le fond, il y a un rideau de couleur changeante en fonction de la lumière qui laisse de chaque côté un espace noir où sont projetées des informations relatives à la scène qui va se jouer, les didascalies sont donc lisibles par le public. En jardin, l’on peut voir de magnifiques projecteurs svoboda qui produisent une lumière chaude mais aussi une sorte de grésillement quand ils s’allument.
Outre le décor il n'y a pas beaucoup d'objets. Des accessoires de costumes manipulés par les actrices à la vue des spectateurs indiquent le changement d'identité des femmes. À un moment la jeune fille de la logeuse de Don Juan porte un sac de sport ainsi que des patins à glace. La présence des patins annonce en fait le cadeau que Don Juan fera à la jeune fille un peu plus tard. L'énorme sac de sport souligne la nonchalance de la jeune fille ainsi que son côté masculin. La comédienne chaussera d’ailleurs les patins et roulera dans l’espace. ( Donne d’autres exemples d’accessoires de costume qui vont transformer les personnages)

La lumière joue un rôle très important dans cette pièce. Elles créent l'atmosphère et l'espace de jeu.
Leur rôle est d'autant plus important à la fin car, lorsque Don Juan parvient à la grand-mère de son amour perdue, et qu'elle lui annonce le décès de cette dernière, la scène est en jeu d'ombres et de lumières.( Décris comment l’effet d’ombre est créé devant nous.) La lumière est particulièrement spectaculaire lorsque de la « neige » tombe sur scène, le tableau est presque féerique. Il n'y a pas de musique dans cette interprétation de Don Juan. Les voix se suffisent à elles mêmes et parfois les personnages chantentC'est un théâtre qui se veut, presque nu, simplement faire vibrer les mots, résonner leur sens.

Le  jeu des acteurs :
La pièce est composée de Don Juan et de trente-cinq femmes incarnées seulement par deux actrices, la polyvalence des actrices est précisée dans le prologue de Ödön von Horváth « ces trente-cinq femmes doivent être interprétées par beaucoup moins de comédiennes, de sorte que chaque comédienne ait plusieurs rôles à jour ». Les comédiennes entrent effectivement dans toutes sortes de personnages, pauvre, riche, jeune, vieille, artiste, prostituée… ce sont elles qui nous guident tout au long su périple de Don Juan. Une grande partie de l’intérêt du spectacle réside dans la performance de Carolina Pécheny et de Jessica Vedel qui se métamorphosent devant nous et font montre de leur talent de comédienne. Nous sommes comme bluffés par la variété des registres dont elles disposent pour incarner les personnages.
Don Juan lui est grave, il ne rit pas, il est amer. Il ne porte qu'un bref intérêt à chaque femme, hanté par le souvenir de sa fiancée d'avant guerre dont il ne se souvient même plus du visage. Il est à sa recherche, torturé par son souvenir et par l'absence de réponse aux lettres qu'il lui a envoyées. Cette recherche inespérée est le symbole de l'impossibilité de retrouver ce qui a disparu, happé par la guerre qui na laissé que ruines et cendres.
Les costumes ont eux aussi une certaine simplicité, Don Juan est vêtu d'un costume noir avec une chemise blanche, un ensemble plutôt distingué mais il le porte de façon débraillée, comme quelqu'un qui se laisse aller. Les femmes sont vêtues de noir, mais elle retire ou rajoute des accessoires selon les personnages qu'elles incarnent. Un foulard blanc et bleu a notamment beaucoup d'importance lorsque Don Juan rencontre une artiste. En enfilant un nouvel accessoire l'actrice devient une nouvelle femme, l'accessoire n'est que le symbole de ce changement. Si les costumes ne sont pas particulièrement marqués par une époque, ils paraissent tout de même passés par rapport à la nôtre et rappellent à certains moments ceux des années folles, période à laquelle se déroule l'histoire.

La pièce est assez rythmée, on passe de rencontre en rencontre sans qu'il y ait de longueur. La pièce est découpée en trois actes. Dans le premier Don Juan revient de guerre alors qu'on le croyait mort, il part à la recherche de sa bien aimée d'avant guerre. Dans le second Don Juan est à l’hôpital atteint de la grippe espagnole, il attend désespérément une réponse aux lettres de sa bien aimée. Puis il retombe dans le tourbillon du monde d'après guerre où l'argent est roi, rattrapé pas ses vieux démons, il s'abandonne aux femmes, il en rencontre plusieurs, mais les séduit et les quitte sans jamais vraiment s'y attacher ; elles lui rappellent toutes un détail de son amour idéal dont il a pourtant oublié jusqu'aux traits. Dans le troisième acte, Don Juan se rend chez la grand-mère de sa bien aimée qui lui apprend la mort de cette dernière, morte de chagrin le 3 mars 1916.

Parti pris de mise en scène et avis personnel :

Pour cette pièce G-P Couleau a choisi une scénographie sobre afin de mettre en valeur la force du texte. Cette mise en scène très ouverte crée une complicité avec le regard du public. Rien n’est caché, tout est factice, théâtral mais tout est là, brut, vrai. L'absence de musique ainsi que la sobriété du décor laisse une place royale aux mots, pour qu'ils vibrent et que l'histoire puisse exister pour elle même, sans artifice mais surtout une place aux corps des acteurs et en particuliers des actrices dont la capacité de métamorphose paraît infinie. Cette pièce nous fournit une source de réflexion sur le monde et sur les hommes, c'est ce qu'a si bien dit G-P Couleau  dans sa note d’intention : « c'est une histoire d'hier pour aujourd'hui. Cette histoire a cent ans. Nous nous interrogeons sur le devenir de notre planète. Puisse cette histoire nous aider à comprendre ce que sera demain ».( Il faut que tu commentes cette phrase car son sens n’est pas clair : en quoi l’histoire du Don Juan d’Horwarth serait-elle la nôtre ?)
J'ai été très touchée par cette pièce. J'ai beaucoup aimé le parti pris de mise en scène qui m'a semblé mettre en valeur la beauté de la pièce, sa vérité. Je ne connaissais pas le texte avant d'y assister mais elle m'a permis de découvrir un nouvel aspect du personnage de Don Juan, il me faisait éprouver ici une certaine compassion. Le public était muet, accroché aux lèvres des acteurs, il ne voulait perdre ni un geste, ni un mot, il ne faisait aucun bruit, on aurait parfois presque dit qu'il retenait sa respiration, peut- être de peur d’abîmer la beauté de ce qui se passait devant ses yeux.