L’année a débuté avec la découverte de Cendrillon de Joel Pommerat sous
la direction de la metteuse en scène
Chiara Villa.
Le
projet proposé par Chiara Villa a d’abord constitué un clin d’œil aux
Terminales de l’an passé qui avaient travaillé surtout la première partie du
texte ; elle a décidé de se concentrer plutôt sur la deuxième partie,
comme s’il y avait une sorte de passage de relais, de transmission, même si le
parti pris de la mise en scène sera très différent.
Le
travail dramaturgique a porté sur la notion de réécriture du conte
traditionnel, sur son actualisation mais pas seulement pour mettre en exergue
la réflexion sur le travail de deuil et sur le malentendu à l’origine de la
difficulté de résilience du personnage de Sandra, plutôt pour insister sur la
disparition, chez Pommerat, du thème de l’ascension sociale liée au mérite
moral et à la beauté de Cendrillon, à la recherche d’un Prince Charmant et de
l’amour idéal, qui par un mariage avantageux, l permettrait cette ascension, au
profit de la rencontre de « deux jeunes personnes », avers et revers
d’une même médaille, dont la sexualisation différente n’a que peu d’importance
au regard de ce qui les rassemble, une même souffrance liée à la disparition de
la mère, un traumatisme qui les empêche
de grandir et qui fait qu’ils vont devenir l’un pour l’autre la rencontre
décisive permettant leur évolution.
La Cendrillon de Pommerat révèle bel et
bien comment effectuer un travail de deuil, comment sortir du
« malentendu », que l’on peut interpréter comme un déni de la vérité,
pour grandir, par la grâce d’une amitié qui naît du partage d’un malheur
commun. L’expérience de la rencontre avec l’Autre permettra de sortir du moi mortifère et de
créer un lien durable entre les protagonistes.
Chiara a
donc proposé que Cendrillon soit interprété par un garçon (Lionel) et le Prince
par une fille ( Margaux), le texte de Pommerat étant modifié par des
expressions qui neutralisent le genre des personnages :
« enfant », « jeune altesse » afin de mettre en avant leur
« gémellité », modifications que nous nous sommes autorisés au nom
d’une « écriture de plateau » que Pommerat pratique lui-même dans son
propre travail.
Le quatrième
mur est par ailleurs complètement gommé également puisque des personnages
viennent s’assoir au premier rang du public et l’interpelle.
Chiara a
également proposé un dispositif assez sophistiqué qui demande aux élèves une
gestion précise des accessoires et costumes, notamment pour la scène de
l’habillage avant que la famille se rende au bal : comment jouer quand il
faut s’habiller, se déshabiller, chorégraphier des déplacements tout en calant
des répliques. Beaucoup de passages sont traités de façon chorale et demandent
une extrême précision. A l’ouverture, les comédiens sont assis à cour et à
jardin sur des chaises visibles, un portant recouvert de vêtements et entouré de 21 une paire de chaussures en
cercle occupe le centre du plateau. A jardin et à cour, deux mannequins
masculin et féminin. Les scènes vont s’enchaîner dans ce dispositif qui ouvre
sur l’espace du public. La boite magique de la fée devenant par exemple le
plateau alors que « Cendrillon » sera installé au premier rang de la
salle…
Les élèves
se sont pris au jeu d’une forme très éloignée de tout naturalisme mais qui
demande une virtuosité difficile à acquérir en si peu de séances.