Kadmos
répond à l’appel de sa fille, il entre par la parodos dans l’orchestra,
suivi d’une escorte de serviteurs portant le corps démembré de Penthée.
Le spectateur commence peut-être à voir apercevoir leur lente
progression à partir du vers 1210. Kadmos n’a pas été témoin du meurtre
de Penthée dans la montagne, mais un messager lui a décrit la scène. Le
spectateur ne peut jusqu’ici que supposer l’intensité de la douleur du
roi car le corps de Penthée a été rassemblé hors de l’espace scénique.
C’est à cette occasion que Kadmos a été pénétré par l’étendue du malheur
qui frappe sa famille. En pénétrant dans l’orchestra, jusqu’alors
occupée par Agavé, Kadmos entre dans un espace de douleur symbolisé par
la présence de la tête de Penthée, dernier vestige de l’épisode
meurtirer du Cithéron.
Les
vers 1216 à 1218 décrivent le parcours des figurants, arrivant par la
parodos et s’arrêtant devant le palais pour déposer la civièrer
contenant les membres de Penthée. Le cadavre est exposé dans une scène
de monstration annoncée par la formation d’un premier cortège funèbre.
Cette procession ritualisée attire l’attention du spectateur sur le
cadavre, finalement déposé au centre de l’orchestra, devant le palais.
Tout au long du dialogue entre Kadmos et Agavé, le spectateur aura ainsi
toujours en vue le spectacle morbide de débris du cadavre de Penthée.
Kadmos rapporte aux vers 1219 à 1227 la recherche du corps de Penthée,
« ses lambeaux », dans le Cithéron. Ce discours peut se faire devant le
corps même, focalisant le regard du spectateur sur la civière. Il
condamne déjà « le forfait » des filles de Thèbes, puisque il a pu
vérifier la véracité du récit du messager en se rendant lui-même dans la
montagne. Ce mouvement montre une première différence entre Kadmos et
Agavé : celle-ci a descendu la montagne avec un morceau du corps tandis
que Kadmos a du monter à la recherche des restes de Penthée.
Au
vers 1227, Kadmos fait mention de la filiation à Actéon, qui est le
cousin germain de Penthée. La mort du fils d’Agavé ressemble en effet à
celle du fils d’Autonoé, dans le Cithéron, où il a été déchiré par ses
chiens, également victime d’une sentence divine. Une fois dans le
Cithéron, on a informé Kadmos du parcours de d’Agavé et une fois encore
il peut vérifier lui-même de l’authenticité de l’information. Aux yeux
du spectateur, Kadmos est donc celui a recherché la vérité et la porte
en lui. Peut-être s’est-il lentement approcher des spectateurs pour
conter sa montée au Cithéron puisqu’il aperçoit Agavé au vers 1232. Le
dialogue va alors s’engager. La folie d’Agavé est rappelée au
spectateur, elle brandit sûrement encore la tête de Penthée puisque
qu’en la voyant, Kadmos s’écrie « affreuse vision ».
Le
caractère tragique de cet épisode est rappelé au vers 1233 par la
persistance du malentendu entre Agavé et Kadmos. Agavé n’a pas entendu
la tirade de son père et persiste à se vanter de son acte. Elle
encourage son père à prendre son parti, à se faire orgueil du meurtre
perpétré par les ménades. Elle lui rappelle qu’elle est sortie de sa
condition de femme et surenchérie par l’utilisation du superlatif « les
filles les plus braves », qui donne un caractère emphatique à sa
forfanterie. Or dans la Grèce du Vème siècle, on ne vantait guère de la
naissance d’une fille et l’affirmation d’Agavé prend un caractère
paradoxal. Elle est fière d’avoir abandonné les occupations habituelles
des femmes pour le culte dionysiaque, ce que lui reprochait Penthée au
vers 218. Au vers 1236, Agavé va plus loin en mettant en avant le rôle
qu’elle a pris dans le meurtre de Penthée. Après le discours pathétique
de Kadmos affligé par la mort de Penthée, les paroles d’Agavé nous
plongent de nouveau dans l’horreur. Elle brandit d’ailleurs la tête de
son fils et veut la donner à Kadmos, sur un ton solennel : «Ô mon père,
reçois dans tes mains ce trophée. ». Au vers 1242, Agavé suggère
l’organisation de libation pour célébrer son exploit, ce qui est
sacrilège puisque le repas sous-entendrait la dévoration de chair
humaine. Cette gradation dans l’horreur ne peut qu’accabler Kadmos et le
spectateur : ce qu’Agavé prend pour un exploit est le crime
d’une démente. Là où elle ne voit que bonheur, le spectateur ne peut
voir que deuil.(...)
extrait d'un blog universitaire. L'ensemble de l'article est intéressant.